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Comprendre la transition de l’état de mouillage

Cependant, certains travaux ont rapporté qu’il est possible de restaurer l’état initial de Cassie- Baxter sous l’effet de forces et d’énergies extérieures. Boreyko et al. [218] ont montré qu’il est possible d’induire cette transition en utilisant des vibrations mécaniques sur des feuilles de Lotus. L’énergie cinétique est alors convertie en énergie de surface pour vaincre les forces d’adhésion et faire sauter la goutte. Ils ont supposé que les plantes dont les feuilles sont déperlantes utilisent ce mécanisme. Krupenkin et al. [219] ont rapporté une méthode per- mettant un passage réversible entre un état superhydrophobe et hydrophile en utilisant un mécanisme d’électromouillage. Enfin, une transition réversible a également été montrée par Liu et al. [220] en chauffant la surface, ou directement la goutte d’eau à l’aide d’un laser. Ainsi, l’état de Cassie-Baxter est restauré et persiste même après le refroidissement de la surface. Ces travaux montrent les intérêts très forts de la littérature pour proposer des solutions au rétablissement d’un état de mouillage composite mais énergétiquement défavorable. En revanche, ces propositions nécessitent l’apport d’énergie extérieure à l’aide de systèmes dédiés. Cela se traduit par un coût énergétique plus élevé et complexifie les systèmes. Il apparaît donc comme primordial d’améliorer la compréhension de ces mécanismes de transition. À l’image de l’étude que nous avons menée sur les propriétés antigivre dans le Chapitre 3, il est important de développer des solutions passives à ces problématiques. C’est pourquoi nous étudions ici les paramètres intrinsèques à la surface qui permettent de lutter contre cette transition irréversible induite par l’impact de goutte.

4.4 Comprendre la transition de l’état de mouillage

Une goutte d’eau impactant une surface superhydrophobe est susceptible de montrer dif- férents comportements qui dépendent, d’une part, de paramètres intrinsèques à la goutte (taille et vitesse d’impact par exemple) et, d’autre part, de paramètres physico-chimiques de la surface (topographie et énergie par exemple). Nous détaillons ci-après les modèles d’étude développés dans la littérature pour comprendre ces comportements à l’impact.

Quel que soit le comportement de la goutte d’eau, les surfaces superhydrophobes doivent être capables de maintenir leur capacité à faire perler l’eau, même dans des conditions dynamiques. Bartolo et al. [221] et Reyssat et al. [222] ont montré que sur des surfaces structurées, la transition intervient en fonction des paramètres géométriques de la structuration. Néanmoins, Jung et al. [37] ont évoqué la nécessité de coupler ces paramètres géométriques à ceux de la goutte d’eau, comme la vitesse. Ce couplage doit aboutir à l’établissement d’un critère de transition. Comme pour la superhydrophobie en statique, que nous avons étudié dans le Chapitre 2, Nosonovsky et Bhushan [42] ont suggéré le rôle central de la structuration dans l’établissement de ce critère de transition. En particulier, ils ont souligné l’importance de la rugosité et d’une structuration hiérarchique pour stabiliser l’interface composite. Nous avons montré son rôle dans les Chapitres 2 et 3 pour des conditions statiques. Nous verrons en dynamique si la structuration hiérarchique apporte cette stabilité. Les approches proposées par la littérature pour anticiper la transition sont présentées ci-après.

4.4.1 Énergie cinétique et énergie de surface

La goutte d’eau se déforme lors de l’impact. Durant cette déformation, l’énergie cinétique est en partie stockée par la goutte. La déformation s’accompagne aussi d’effets viscoélastiques qui dissipent une partie de l’énergie jusqu’à ce que la goutte atteigne un rayon maximum, noté

Rmax. Concernant les forces de frottement, deux cas sont possibles. Dans l’état de Wenzel,

l’eau suit les aspérités et irrégularités de surface qui génèrent des perturbations et freinent la propagation de l’eau [223]. En revanche, dans l’état de Cassie-Baxter, l’énergie de surface est tellement faible que la dissipation d’énergie due au forces de frottements est négligeable [43]. Après avoir atteint Rmax, la goutte est susceptible d’avoir stocké plus d’énergie cinétique

qu’elle n’en a dissipé par effets viscoélastiques et éventuellement par frottement. Dans ce cas, des forces de rétractation s’exercent au niveau de la ligne triple [224] et le rayon de la goutte diminue. Puis, en fonction des ratios des énergies et éventuellement des forces de frottement, soit la goutte se rétracte complètement et il y a rebond, soit la goutte se déforme à nouveau et oscille [224]. Dans ce dernier cas, la goutte oscille jusqu’à avoir épuisé la totalité de l’énergie cinétique initialement stockée [43, 209].

4.4.2 Vitesse critique

Bhushan et al. [21] et Reyssat et al. [209, 222] ont proposé d’établir les conditions de transition à partir de la courbure de la goutte d’eau au niveau des poches d’air en utilisant l’équation de la Laplace. Pour cela, il faut considérer une goutte impactant à une vitesse V une surface superhydrophobe composée de plots circulaires d’un diamètre D, d’une hauteur H dans un réseau de période P comme illustré sur la Figure 4.3. Alors, la goutte s’enfonce d’une profondeur maximaleδ entre deux plots espacés dep2P − D avec une courbure constante sur toute la hauteur H [42]. Alors la pression de Laplace est définie par [37] :

PL=

2γ

R (4.1)

Comme nous l’avons schématisé sur la Figure 4.1, siδ est plus grand que H, alors l’eau atteint le fond de la structuration, détruisant ainsi l’interface composite. Il existe une vitesse critique

Vc au delà de laquelle la pénétration totale des structures a lieu, c’est-à-dire quandδ = H.

Reyssat et al. [222] ont proposé l’équation suivante :

Vc=s γH

ρl2 (4.2)

4.4. Comprendre la transition de l’état de mouillage

FIGURE4.3 – (a) vue de dessus des distances séparant quatre plots dans un réseau de période

P et (b) vue de coté de la pénétration maximale d’une goutte d’eau sur ce même réseau. Figure

inspirée de [37].

plots. Nous proposons de préciser cette équation avec les observations de Jung et al. [37] en remplaçant la distance l parp2P − D. Il s’agit de la plus grande distance possible entre deux plots, c’est donc ici que l’eau atteindra le fond des motifs en premier. Ainsi, l’Équation 4.2 devient :

Vc=

s

γH

ρ(p2P − D)2 (4.3)

Nous remarquons qu’une large distance entre les plots implique une vitesse de pénétration relativement faible, ce qui a été expérimentalement vérifié par Jung et al. [37].

4.4.3 Pressions de surface

Une autre approche, dont HeeKwon et al. [213] font une description précise, consiste à étudier le comportement de la goutte à l’impact en considérant les pressions de mouillage et d’anti- mouillage. Les premières trouvent leur origine dans l’énergie cinétique alors que la deuxième provient de la chimie et de la structuration de la surface. Au début de l’impact, le contact entre la goutte et la surface structurée génère la pression dite de water-hammer qui favorise le

mouillage de la surface. L’expression de cette pression est la suivante [37, 213] :

PW H= kρCV (4.4)

avec k une constante qui dépend des conditions expérimentales de l’impact et C la vitesse du son dans l’eau (1500 m/s). Ensuite, quand la goute s’étale sur la surface, il faut considérer la pression dynamique induite par la vitesse de la goutte d’eau de densitéρ et dont l’expression est la suivante :

PD=

1 2ρV

2 (4.5)

Puis, l’unique pression d’anti-mouillage de la surface est la pression de capillarité dont l’ex- pression est la suivante [221, 225, 226] :

PC= −γcos(θA)

LC

AC

(4.6)

avecθAl’angle d’avancée sur le même matériau non structuré, LCle périmètre de capillarité

et ACl’aire de capillarité. Ces deux derniers paramètres sont représentés schématiquement

sur la Figure 4.4 dans le cas d’un réseau carré de plots cylindriques ou coniques. Pour ces derniers, le diamètre considéré est celui à la base des plots.

FIGURE4.4 – Représentation schématique en vue de dessus des paramètres géométriques de l’Équation 4.6. Le périmètre de capillarité LCest en traits bleus et l’aire de capillarité ACest en

rouge.

Finalement, selon les valeurs prises par chacune des pressions de mouillage ou d’anti-mouillage, cette approche permet d’anticiper le comportement et l’état de mouillage de la goutte d’eau à