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Chapitre 3 – Matériaux et méthodes

3.3. Concentration en alcalis solubles dans le béton et détermination du

3.3.1. Mesure des alcalis solubles dans le béton et dans la pâte de ciment

Les méthodes d’extraction sous haute pression, Espresso et à l’eau froide ont été réalisés sur des sections de carottes de béton de 150 mm de diamètre prélevées par Hydro-Québec dans le barrage à l’étude en 2014. À la suite du carottage, les échantillons ont été scellés sous une double couche de pellicule plastique et de papier aluminium adhésif pour s’assurer qu’ils ne sèchent pas. Ils ont ensuite été entreposés dans une chambre à 12°C pour freiner l’avancement de la RAS et conservés autant que possible leur état initial. Les informations générales sur les

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échantillons provenant de la centrale (localisation 660) et de la prise d’eau (localisation 734) sont présentées au Tableau 3.16.

Tableau 3.16: Identification et description des échantillons utilisés pour déterminer la concentration en alcalis solubles du béton du barrage.

Identification Provenance Profondeur de la carotte (m) Formulation du béton F1-660-CR1 Centrale 1,00 à 1,30 5-80mm F1-660-CR2 Centrale 3,82 à 4,22 5-80mm F3-660-CR2 Centrale 1,53 à 1,83 5-40mm F4-660-CR2 Centrale 1,59 à 1,89 5-40mm F1-734-CR1 Prise d’eau 1,20 à 1,50 5-40mm F3-734-CR4 Prise d’eau 4,94 à 5,24 5-40mm F4-734-CR2 Prise d’eau 1,81 à 2,11 5-80mm F4-734-CR1 Prise d’eau 1,24 à 1,54 5-80mm

Les huit échantillons ont été coupés longitudinalement (en « pointe de tarte ») pour permettre l’utilisation suivante : 1/8 de carotte pour l’extraction de la solution interstitielle sous haute pression, 1/8 de carotte pour déterminer la teneur en eau du béton avec un séchage à 60°C, 1/4 de carotte pour l’extraction à l’eau chaude par la méthode Espresso, 1/4 de carotte pour l’extraction à l’eau froide et 1/4 de carotte pour entreposer à 12°C pour utilisation future. Tous les échantillons ont été scellés sous une double couche de pellicule plastique et de papier aluminium adhésif et conservés à 12°C en attendant d’être soumis à leur essai respectif. Il est important de noter que pour la détermination de la teneur en eau du béton (qui permettra de corriger, calculer et rapporter les résultats par rapport aux formulations des mélanges de béton), un séchage à 60°C a été utilisé pour éviter les problématiques de microfissuration et de modifications de la matrice cimentaire qui peut potentiellement survenir en recourant à un séchage à 100°C (Korpa et Trettin, 2006).

Pour l’extraction de la solution interstitielle sous haute pression du béton, chaque échantillon a été soumis à un seul essai. Les résultats obtenus par cette méthode ont été corrigés pour tenir compte de la teneur en eau du béton des échantillons. Pour l’extraction à l’eau chaude par la méthode Espresso et pour l’extraction à l’eau froide, deux sous-échantillons de chaque carotte ont été analysés. L’utilisation de ces trois méthodes a permis de réaliser des comparaisons entre celles-ci. En

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considérant que les résultats des extractions sous haute pression sont les plus représentatifs, il a été possible d’évaluer et de comparer la justesse et la répétabilité de ces deux méthodes par rapport à la méthode sous haute pression. En effet, tel que présenté à la section 1.4.4, cette méthode est largement utilisée et est considérée comme étant la plus fiable pour évaluer la composition de la solution interstitielle du béton. Les essais d’extraction à l’eau chaude par la méthode Espresso et à l’eau froide ont aussi été réalisés sur des sous-échantillons représentatifs de granulats récupérés du béton du barrage à la suite du traitement thermique dans une solution de Na2SO4. Ces sous-échantillons ont été reconstruits

à l’aide des granulats récupérés du béton du barrage des calibres granulaires 5-20, 20-40 et 40-80 mm, i.e. selon les proportions de ces différents calibres dans la formulation de béton contenant les granulats de calibre 5-80mm. Les teneurs en ions alcalis libérées par ces granulats ont été utilisées pour corriger les résultats obtenus sur le béton en soustrayant aux résultats mesurés sur ce dernier les alcalis libérés par les granulats. De cette façon, les résultats mesurés ne considèrent pas l’apport en alcalis des granulats dans ces méthodes expérimentales, ce qui pourrait être une source de surévaluation du contenu en alcalis disponible pour la RAS dans le béton. Deux sous-échantillons de granulats récupérés du béton du barrage ont été mis à l’essai pour ces corrections, et ce, pour les deux localisations de carottage (660 et 734).

De plus, une validation a été faite pour vérifier dans quelle mesure le traitement thermique dans une solution de Na2SO4 (utilisé pour la récupération des granulats)

peut affecter les alcalis libérés par les granulats lors des méthodes Espresso et à l’eau froide. Pour ce faire, deux sous-échantillons de GRO de calibre 5-20 mm préalablement soumis à 100 jours de traitement thermique dans une solution de Na2SO4 et deux sous échantillons de GRO n’ayant pas été exposés au traitement

thermique en question ont aussi été soumis à ces deux méthodes d’extraction. Ainsi, il sera possible de vérifier l’influence potentielle du traitement thermique aux sulfates de sodium sur la libération d’alcalis des granulats récupérés du béton du barrage.

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Finalement, l’apport en alcalis des adjuvants chimiques utilisés au moment de la construction du béton du barrage a été considéré à partir des informations fournies par Hydro-Québec quant à la nature des produits utilisés lors de la construction du barrage. Le dosage d’utilisation et la teneur en alcalis de l’agent entraîneur d’air Darex et de l’agent dispersant WRDA a été utilisé pour calculer leur contribution respective au bilan en alcalis du béton.

Les étapes détaillées des trois méthodes d’extraction des alcalis du béton sont décrites dans la revue de la documentation à la section 1.4.4. Toutefois, dans le cas de l’extraction à l’eau froide, plutôt que de filtrer les solutions à la suite de l’agitation à l’aide d’une pompe sous vide et d’un entonnoir Buchner, les échantillons ont été placés dans une centrifugeuse à une vitesse de 800 RPM pour une durée de 5 minutes, permettant ainsi de séparer plus efficacement les phases liquides et solides. Mis à part cette modification de la méthode à l’eau froide, pour les méthodes à l’eau froide et Espresso, les procédures proposées par Plusquellec et coll. (2017) et Fournier et coll. (2016) respectivement ont été suivies. Les solutions récupérées au moyen des différentes méthodes ont été analysées par spectrométrie d’absorption atomique après avoir été préalablement filtrées, acidifiées et diluées au besoin.

Les résultats des teneurs en alcalis obtenus pour le béton du barrage ont été comparés aux concentrations en ions alcalis obtenues à partir d’échantillons de pâte de ciment fabriqués avec le ciment LH-HQ. Ainsi, six échantillons de pâte de ciment ont été confectionnés à l’aide du ciment LH-HQ en utilisant un rapport eau/ciment de 0,50; trois d’entre eux ont été soumis à une cure à 100 % H.R. à 23°C, tandis que les trois autres ont été conservés à 100 % H.R. et 38°C. Les pâtes ont été versées dans des pots hermétiques (bouteilles de pilules). Ces pots étaient ensuite entreposés dans un autre contenant hermétique dans lequel reposait un fond d’eau pour assurer une humidité relative de 100 %. Les cures en question ont été poursuivies pour une période de 28 jours, à la suite de quoi la solution interstitielle des pâtes de ciment a été obtenue par extraction sous haute pression sur deux des

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trois échantillons exposés à chaque température de cure. Le troisième échantillon des deux séries a été utilisé pour mesurer la teneur en eau (à 60°C) des pâtes de ciment afin de corriger les valeurs mesurées par spectrométrie d’absorption atomique. Ces résultats permettront de comparer les bilans d’alcalis du béton avec ceux obtenus sur pâte de ciment pour évaluer s’il y aurait eu des apports d’alcalis de source autre que le ciment ou encore du lessivage des alcalis du béton.

3.3.2. Évaluation du potentiel de libération d’alcalis par le gros granulat d’origine (GRO)

Le potentiel de libération d’ions alcalis du GRO a été évalué par différentes méthodes. D’abord, une analyse des éléments majeurs et mineurs a été réalisée par fluorescence X sur deux sous-échantillons de GRO de calibre granulométrique 5 à 80 mm (SiO2, Al2O3, Fe2O3, MgO, CaO, Na2O, K2O, TiO2, MnO, P2O5, Cr2O3, V2O5,

ZrO2, ZnO) et pertes au feu (PAF). Ces analyses avaient deux objectifs :

1) Définir les constituants du gros granulat d’origine (GRO);

2) Vérifier la similitude du GRO avec le granulat réactif utilisé pour la fabrication du béton du barrage.

Pour le premier objectif, une attention particulière a été portée aux teneurs alcalis du granulat (Na2O et K2O). Bien que la composition en alcalis du granulat ne soit

pas directement liée à son potentiel de relâchement en alcalis, une forte teneur en alcalis peut être un signe d’un grand potentiel de relâchement en alcalis. Inversement, une faible teneur en alcalis dans un granulat coïncidera avec un faible potentiel de relâchement en ions alcalis par ce dernier. Il s’avère en effet que les alcalis pouvant contribuer à la RAS, dit alcalis solubles, ne sont pas différenciés des alcalis contenus dans les réseaux cristallins stables de certains minéraux par ces analyses chimiques. Ainsi, il s’agit plutôt d’une évaluation du contenu en alcalis du granulat plutôt que de son potentiel de relâchement d’alcalis.

Pour le second objectif, les analyses chimiques ont également été réalisées sur des sous-échantillons de granulats récupérés du béton du barrage (GBR) (section 3.2.2). Ces derniers ont été reconstitués à partir du matériel granulaire récupéré des

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carottes de béton des localisations 660 et 734. Un résumé des analyses effectuées est présenté au Tableau 3.17.

Tableau 3.17: Résumé des analyses chimiques réalisées sur les échantillons de GRO et de GBR.

Identification Dimension initiale

des granulats Analyses effectuées

GRO-1 5-80 mm Oxydes majeurs

GRO-2 5-80 mm Oxydes majeurs

GBR-1 5-80 mm Oxydes majeurs, sulfates totaux GBR-2 5-80 mm Oxydes majeurs, sulfates totaux

Bien que des examens pétrographiques aient déjà été réalisés pour prouver les ressemblances minéralogiques entre le GRO et le granulat utilisé pour la conception du béton du barrage (section 3.1.2), ces analyses chimiques cherchent à renforcer l’hypothèse selon laquelle ils sont de compositions similaires. De plus, les résultats des analyses pétrographiques présentés à la section4.1.1pourront être utilisés pour vérifier quelles sont les phases minérales présentes dans le GRO qui peuvent présenter un potentiel de relâchement d’ions alcalis. Néanmoins, les résultats obtenus par ces analyses sont qualitatifs et donc pas nécessairement révélateur du potentiel réel de relâchement en alcalis du gros granulat.

Pour pallier cette situation, deux méthodes expérimentales ont été mises à l’essai pour évaluer quantitativement le potentiel de libération d’ions alcalis des granulats dans le béton. Il s’agit des méthodes RILEM ACS-AAR-8 et IFSTTAR XP P 18-544. En se basant sur l’hypothèse que le GRO et le granulat utilisé pour la conception du béton du barrage sont de composition semblable, le GRO a été soumis aux essais afin d’en évaluer le potentiel de relâchement d’ions alcalis.

La méthode RILEM ACS-AAR-8 consiste à immerger des échantillons de granulats dans une solution alcaline simulant la solution interstitielle du béton pour vérifier le relâchement d’alcalis dans la solution. Plus spécifiquement, une masse de 500 g de granulats de calibres granulaires définis est immergée dans une solution de trempage de NaOH 0,7N et un autre échantillon identique est immergé dans une solution de trempage de KOH 0,7N. De cette façon, le relâchement en potassium du

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granulat est évalué dans la solution de NaOH et le relâchement en sodium du granulat est évalué dans la solution de KOH. À noter que l’échantillon utilisé pour cet essai était initialement de granulométrie 5-80 mm et a été concassé jusqu’à atteindre le fuseau requis par cette méthode d’essai. Ces essais sont réalisés à deux températures d’exposition différentes, soit 38 et 60°C. Puis, des prélèvements de la solution de trempage sont réalisés à différentes échéances dans le temps (14, 42, 91, 182 et 364 jours), pour être analysées par spectrométrie d’absorption atomique (Na et K).

La méthode IFSTTAR XP P 18-544 permet pour sa part d’évaluer le contenu en alcalis actifs solubles libérés par les gros granulats dans de l’eau de chaux. La méthode consiste à placer dans un récipient une masse de granulats connue (500,0 g) en contact avec une solution saturée de chaux à ébullition. Après une durée de contact déterminée (7 heures ± 30 minutes), la solution aqueuse est prélevée, filtrée et, après acidification et dilution, analysée par spectrométrie d’absorption atomique pour mesurer les alcalis libérés (Na et K).

Ainsi, sur la base des analyses chimiques, des examens pétrographiques et des deux méthodes expérimentales réalisées, le potentiel de libération d’ions alcalis du gros granulat présent dans le béton du barrage sera discuté. Puisque l’ensemble des essais et des analyses ont été réalisées à l’aide de GRO, l’hypothèse selon laquelle le GRO est de composition semblable au granulat du béton du barrage est cruciale pour ce volet du programme expérimental.