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Les ARNm synthétisés par l’ARN polymérase II subissent de multiples étapes de maturation avant d’être exportés dans le cytoplasme pour y être traduits. Les nouveaux transcrits sont modifiés à leur extrémité 5’ par addition d’une coiffe m7G, à leur extrémité 3’ par polyadénylation, et de manière interne par élimination des séquences introniques et parfois par un processus d’édition. Ces étapes sont décrites en détail dans diverses revues (Braun and Young, 2014; Haimovich et al., 2013; Katahira, 2015; Pérez-Ortín et al., 2013).

III.1.1 Les ARNm portent une coiffe monométhylée m7

G

III.1.1.1 Biogenèse de la coiffe m7G

La coiffe m7G en 5’ des ARNm (m7GpppN, où m7G est la guanosine methylée en position N7 et N le premier nucléotide de l’ARNm, Banerjee, 1980) joue un rôle critique dans le cycle de vie des ARNm eucaryotes et est nécessaire à l’expression des gènes et à la viabilité des cellules de la levure à l’homme (pour revue, Cowling, 2010; Topisirovic et al., 2011). La coiffe est requise pour la traduction optimale de la majorité des ARNm cellulaires et est également caractéristique des ARNm de la plupart des virus et parasites eucaryotes (Shuman, 2002). De plus, la coiffe stabilise les ARNm en les protégeant contre les exonucléases et promeut la transcription, la polyadénylation, l’épissage et l’export nucléaire des ARNm (Gu and Lima, 2005; Lewis and Izaurralde, 1997). La coiffe est ajoutée de manière co-transcriptionnelle à l’extrémité 5’ du pré-ARNm naissant lorsque celui-ci atteint une longueur de 22-25 nucléotides et émerge du canal de sortie de l’ARN polymérase II (Pol II) (Shatkin, 1976; Shatkin and Manley, 2000) (Figure 35). C’est la phosphorylation des sérines du domaine C-terminal (ou CTD) de la grande sous-unité de l’ARN polII, par le facteur de transcription TFIIH, qui permet de recruter les enzymes de biogenèse de la coiffe

(Ho et al., 1998; McCracken et al., 1997). La guanosine méthylée en position N7 est liée par un pont 5’-5’ phosphodiester triphosphate au premier nucléotide en 5’ du transcrit naissant (Figure 35). L’addition de la coiffe est réalisée en 3 étapes enzymatiques. Durant la première étape, le groupement -phosphate du premier nucléotide en 5’ de l’ARNm est éliminé par une ARN-triphosphatase (RT). Cette réaction est suivie du transfert d’une guanine monophosphate (GMP) à l’extrémité 5’ diphosphate du transcrit par une guanylyltransférase (GT). Ceci résulte en la formation d’une coiffe guanosine (GpppN) qui est alors méthylée par une ARN-(guanine N7)-méthyltransférase (RNMT) pour produire la coiffe 7-méthylguanosine (m7GpppN) (Figure 35). Ces trois activités catalytiques, collectivement dénommées “enzymes d’addition de la coiffe“ sont codées par des gènes séparés chez la levure, tandis que chez les vertébrés, les deux premières étapes sont catalysées par une même enzyme dénommée RNGTT (ARN guanylyltransferase et 5' phosphatase) constituée de deux domaines fonctionnels : le domaine N-terminal doté d’une activité ARN-triphosphatase et le domaine C-terminal qui correpond à la guanylyltransférase (Pillutla et al., 1998; Yamada-Okabe et al., 1998; Yue et al., 1997). La coiffe peut

subir des modifications supplémentaires par des enzymes ARN 2!-O-méthytransférases spécifiques dans le noyau et le cytoplasme qui ajoutent un groupement méthyl sur les positions 2’hydroxyles des riboses du premier et du second nucléotide de l’ARNm, aboutissant aux structures m7GpppNm et m7GpppNmNm (Cowling, 2010). A peine synthétisée, la coiffe est directement reconnue par des protéines de liaison à la coiffe qui définissent sa localisation et régulent sa fonction dans la cellule. La coiffe et ses facteurs de liaison sont un moyen de contrôler l’expression des gènes en régulant entre-autre l’initiation de la traduction des ARNm (Cowling, 2010; Topisirovic et al., 2011).

Figure 35. Mécanisme d’addition co-transcriptionnelle de la coiffe des ARNm. (d’après Cowling, 2010)

L’ARN polymérase II est recrutée au niveau du promoteur ; son domaine C-terminal (CTD) est hypophosphorylé. Après initiation de la transcription, le facteur TFIIH phosphoryle des sérines du CTD, ce qui permet de recruter les enzymes de biogenèse de la coiffe RNGTT (RNA guanylyltransferase and 5! phosphatase) et RNMT (RNA guanine-7 methyltransferase). Lorsque le transcrit naissant atteint une longueur de 22 à 25 nucléotides, son extrémité 5’ se situe à proximité des deux enzymes qui catalysent la formation de la coiffe 7-méthylguanosine.

III.1.1.2 Reconnaissance de la coiffe m7G par le facteur CBC

Le complexe CBC (Cap Binding Complex) est le premier complexe recruté sur la coiffe m7G lorsque celle-ci est ajoutée de manière post-transcriptionnelle en 5’ des ARN dans le noyau. CBC est un complexe multifonctionnel, essentiel pour l’expression des gènes et impliqué dans l’assemblage, la maturation, l’export nucléaire et la traduction des ARN (Gonatopoulos-Pournatzis and Cowling, 2014; Izaurralde et al., 1994; Worch et al., 2005) (Figure 36). CBC est composé des protéines CBP20 et CBP80 qui lient la coiffe m7G de manière synergique. Le site de liaison de la coiffe réside dans la sous-unité CBP20 (Mazza et al., 2001), cependant, l’interaction avec CBP80 est requise pour induire un changement conformationnel

permettant la liaison de haute affinité du complexe à la coiffe m7G. Dans les cellules de mammifère, l’inhibition de CBP80 par shARN résulte en une dérégulation de l’expression d’environ 400 gènes et une réduction significative du taux de prolifération des cellules (Narita et al., 2007). CBP20 possède également un domaine de reconnaissance de l’ARN (Pabis et al., 2010) qui pourrait augmenter l’affinité pour certaines séquences d’ARN ou motifs et qui expliquerait les effets gènes-spécifiques de CBC (Gonatopoulos-Pournatzi s and Cowling, 2014).

Figure 36. Le complexe de liaison à la coiffe CBC est multifonctionnel (d'après Gonatopoulos Pournatzis and Cowling, 2014).

Le complexe CBC est composé des sous-unités CBP20 et CBP80 et se lie à la coiffe m7G des ARNm directement après leur transcription dans le noyau. CBC interagit avec de nombreux facteurs, modulant ainsi le métabolisme des ARN et le processus de traduction dans les cellules. Les processus dans lesquels CBC intervient sont indiqués dans les encarts et le nom des facteurs intervenant dans ces mécanismes sont représentés. NMD, Nonsense Mediated Decay ; SMD, Staufen Mediated Decay.

CBC permet l’export des ARNm dans le cytoplasme et assure le premier cycle de traduction de l’ARNm (connu sous le nom de « pioneer round of translation ») (Figure 36). Il a été proposé qu’une des fonctions de ce premier cycle de traduction CBC-dépendant est de contrôler la qualité de l’expression des gènes, en permettant l’activation du mécanisme du NMD (nonsense-mediated mRNA decay) lorsqu’un codon stop prématuré est présent sur l’ARNm (Hwang et al., 2010; Maquat et al., 2010a, 2010b). Cependant, il a été montré que le NMD n’est pas exclusivement dédié à la traduction CBC dépendante, puisqu’il peut également être déclenché en présence du facteur de liaison à la coiffe eIF4E (Durand and Lykke-Andersen, 2013; Rufener and Mühlemann, 2013) (Figure 39). Après le premier cycle de traduction de l’ARNm, le complexe CBC est remplacé par le facteur d’initiation eIF4E qui permet alors le

maintient de plusieurs cycles de traduction consécutifs (Chiu et al., 2004; Maquat et al., 2010b).

III.1.2 Polyadénylation de l’extrémité 3’ des ARNm

La majorité des ARNm eucaryotes sont polyadénylés à leur extrémité 3’ (pour revue récente, Shi and Manley, 2015). La queue poly(A) est essentielle à l’expression des ARNm puisqu’elle est impliquée dans la stabilité des ARNm, leur export cytoplasmique et leur traduction. La polyadénylation a lieu en deux étapes consistant en un clivage endonucléolytique au niveau d’un site spécifique (appelé site poly(A)), suivi de la synthèse d’une queue poly(A) (Chan et al., 2011; Colgan and Manley, 1997; Zhao et al., 1999). Ce processus requiert une machinerie bien plus complexe que celle du mécanisme d’addition de la coiffe et fait appel à plus d’une douzaine de facteurs (Shatkin and Manley, 2000) (Figure 37).

Figure 37. Le complexe de clivage et de polyadénylation des ARNm.

(d'après Shatkin and Manley, 2000)

Les signaux de polyadénylation en cis sont encadrés en rouge sur l’ARNm. La position de l’ensemble des facteurs nécessaires à ce processus est représentée. L’éclair rouge indique le site de clivage endonucléolytique.

Le site poly(A) chez les mammifères est riche en AU et sa séquence nucléotidique est hautement conservée (Shi, 2012). Ce site est composé de plusieurs éléments en cis incluant (i) une séquence AAUAAA (ou AUUAAA) localisée 10 à 30 nucléotides en amont du site de clivage, (ii) une séquence CA en 5’ de la séquence précédente; (iii) une région riche en U/GU localisée environ 40 nucléotides en aval du site de clivage (nommée DSE) ; (iv) un élément auxiliaire riche en U (consensus UGUA) localisé en amont (appelé USE). Les facteurs de maturation de l’extrémité 3’ des ARNm CPSF (cleavage and polyadenylation specificity factor) et CstF (Cleavage stimilation Factor) se lient de manière synergique à l’hexamère AAUAAA et à la région DSE respectivement tandis que le complexe CFI lie le motif UGUA (Hu et al., 2005)

(Figure 37). CFSF, CstF et CFI forment un complexe et recrutent d’autres facteurs additionnels incluant les protéines CFII, Symplekin et la poly(A) polymérase (PAP), formant ainsi le complexe actif de maturation en 3’ des ARNm (Chan et al., 2011; Shi

et al., 2009). Ce complexe permet le clivage de l’ARNm et l’ajout de la queue poly(A). L’assemblage de ces facteurs sur le site de polyadénylation se produit co-transcriptionnellement et est facilité par le domaine C-terminal de l’ARN polymérase II (Bentley, 2005; Hirose and Manley, 2000; Mandel et al., 2008). La queue poly(A) est reconnue par les PABP (poly(A) Binding Proteins), des protéines hautement conservées qui sont capables de lier de nombreux partenaires protéiques, participant ainsi a une diversité d’évènements cellulaires (Derry et al., 2006; Eliseeva et al., 2013). Elles permettent en l’occurrence la circularisation des ARNm, prérequis pour leur traduction.