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5. Analyse des résultats

5.2 L’équipe

5.2.5 Les matchs

Les matchs de l’équipe se déroulent dans le gymnase des écoles secondaires après la fin des cours. Les matchs sont pris au sérieux par tous les membres de l’équipe. Ils partagent l’objectif de remporter toutes les parties. Plus les spectateurs sont nombreux plus les joueurs se transcendent pour gagner. Cette tendance peut toutefois nuire au jeu collectif et à la cohésion d’équipe lorsqu’un joueur désire briller plus que les autres. Comme Jones, Bray et Lavallee (2008) le mentionnaient, il est difficile de savoir quel effet aura le public sur les performances de l’équipe tant les joueurs peuvent réagir différemment.

Il est indéniable que les joueurs veulent impressionner. À la veille d’un match, l’entraineur nous partage qu’il pense que Jeff veut jouer le lendemain même s'il est blessé puisqu'il y aura « des petites filles qui vont regarder ». Elles semblent être, parmi tous les spectateurs, le groupe le plus important à impressionner. Les joueurs veulent plaire aux filles. En tant qu’athlètes, ils jouissent d’un capital social élevé, et même, plus particulièrement d’un capital de nubilité (Goffman, 2002). Durant la phase d’observation, une scène est venue confirmer ce constat. Dans la tribune, il y avait une cinquantaine de jeunes hommes et de jeunes femmes qui étaient venus regarder le match de l’équipe. C’est alors qu’un garçon (qui venait de jouer un match auparavant) s’est retourné vers une fille en lui disant : « Quand est-ce qu'on se marie? T'as dit que si je marquais deux buts on allait se marier. Alors quand est-ce qu’on se marie? » Bref, le garçon s’est appuyé sur ses performances sportives afin de se rapprocher d’une fille. La gent féminine est un groupe qui intéresse particulièrement les joueurs. Elle est au cœur de beaucoup de leurs conversations. Après les filles, ce sont les pairs que les joueurs tentent d’impressionner. À l’extérieur du public, la personne la plus importante à impressionner est l'entraineur, car c'est lui qui décide qui joue et qui ne joue pas. S’en suivent les coéquipiers, les adversaires ainsi que leurs entraineurs.

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Durant la saison, l’équipe joue la moitié de ses matchs à Saint-Pierre et l’autre moitié dans les écoles adverses. Les participants considèrent que jouer devant leur public est un réel avantage. Un participant explique à quel point jouer « à la maison » est important par rapport à jouer à l’extérieur.

Nous les spectateurs ça nous « boostent » (renforcent) quand on est chez nous. Ils viennent nous voir jouer. Ils veulent qu’on gagne. (…) Une fois on jouait contre Sauvé, c’était la dernière fois que ce monde-là allait venir nous voir jouer. On s’est dit qu’on devait gagner. Pis on les a battus par beaucoup. Pis quand on est allé chez eux pour les quarts de final, on a failli perdre. Salim

Cette histoire de Salim reflète la différence entre jouer devant leurs spectateurs et les spectateurs adverses. Il est plus facile de jouer devant son public dû aux ses encouragements.

À chaque fois qu'ils sont là ils vont toujours m'encourager, toujours toujours, toujours. Une fois, je pense que j'avais marqué deux buts et donné une passe décisive et là ils criaient mon nom et tout. Salim

Cet avantage de jouer devant leurs spectateurs poussent l’équipe à vouloir finir le plus haut possible dans le classement de la saison. Ainsi, pour les séries ils auront l’avantage du terrain. Toutefois, les joueurs doivent faire attention de ne pas perdre de points par manque de discipline ce qui les ferait reculer au classement.

Dans un match les gars de l’équipe se sont battus. Jamel était pas là. Il y a juste Abou qui avait « snap » (pêté un plomb). Il a traité James. Il lui a dit : « t’es con » parce qu’il pensait qu’avec son carton rouge on n’allait pas jouer à S-P. On allait jouer chez eux. Manu

Ces tensions qu’il y a face aux équipes adverses se retrouvent aussi dans les rapports qu’ont les joueurs aux spectateurs adverses et même aux étudiants en général. Certains conflits extra sportifs peuvent avoir une influence sur le match.

Quand on va à H-B (Honoré-Beaugrand) c’est chaud.. H-B et Saint-Pierre il y a des problèmes, parce qu'il y a des gars (des élèves extérieurs à l’équipe) qui se sont poignardés et des trucs comme ça. L'autre fois quand on est allé chez eux, ils nous ont attendus. Ils étaient comme 40 devant l'école. Francis Quand on est allé à Paul Sauvé, il y a eu des problèmes encore. Je me rappelle quand on était petits. On est rentré à Sauvé pis ils (les étudiants de l’école) ont lancés des bouteilles de bières et tout. Francis

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Les spectateurs vont essayer d’influencer la partie en encourageant leur équipe, mais aussi en essayant de nuire à l’équipe adverse.

Nous les spectateurs des autres équipes nous dérangent. On est facile à déranger. Une fois on jouait contre H-B et on pouvait les battre, mais c'est juste à cause des spectateurs qu’on a commencé à être déconcentré. On prenait des buts bêtes, c'est comme ça qu’on a perdu. Salim

Enfin, les matchs sont une « pièce de théâtre » qui se déroulent toutes de la même manière à quelques détails près. Dans la dramaturgie du social Goffman considère que tous les acteurs ont un rôle à jouer en société. Cette idée se transpose aussi pour l’équipe et plus particulièrement pour les parties. L’entraineur joue son rôle. Il donne des indications ou lève la voix. L’arbitre fait appliquer les règlements et sanctionne. Les spectateurs encouragent leurs joueurs et déconcentrent les adversaires. Ils vont même se donner en spectacle à la mi-temps. Quand la partie s’interrompt certains spectateurs rentrent sur le terrain devant le public et font toutes sortes de bêtises : rient fort, crient, se roulent par terre etc. Toutefois, quand la partie recommence se sont les joueurs qui reprennent possession du spectacle. Ce sont eux les acteurs principaux. L’objectif est de gagner, mais aussi d’avoir un rôle considérable dans la victoire, donc de marquer des buts et de faire des gestes spectaculaires auxquelles le public réagira.

Cette idée que la partie est un spectacle dans lequel les acteurs jouent leurs rôles respectifs a pris tout son sens durant une observation.

Durant le match Abou est fauché par un adversaire et reste blessé au sol. Le coach rentre sur le terrain pour venir prendre soin de lui. Après le match, les deux se parlent :

-Abou : Tu sais tantôt je « fakais » (simulais).

-Coach : Tu penses que je te connais pas… Je savais je te connais. Journal de bord

Quand Abou s’est « blessé » les deux faisaient semblant que c’était sérieux, mais savaient qu’il n’y avait pas de blessure. Ils jouaient leurs rôles. L’objectif était d’espérer que le joueur adverse reçoive une sanction et de faire perdre du temps car leur équipe était en avance au pointage. Le jeu d’acteur va si loin qu’en se relevant Abou a feint d’avoir du mal à se déplacer probablement pour paraitre crédible face à l’arbitre et au public.

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Tout compte fait, les matchs sont pris très au sérieux par les joueurs. Ils se déroulent dans les gymnases des différentes écoles secondaires. En règle générale, il y a toujours plusieurs élèves qui viennent assister aux matchs. Les joueurs tentent d’impressionner le public, tandis que le public encourage les joueurs de leurs écoles et déconcentrent les joueurs adverses.

L’ensemble de la section 2 portait sur l’équipe. L’objectif était d’analyser le contexte dans lequel l’entraineur et les joueurs évoluent. Il ressort que la cohésion d’équipe est un élément central dans la vie du groupe. Les joueurs y voient une manière de s’assurer de l’harmonie entre les membres de l’équipe. Cette « alchimie » s’établit grâce au temps passé ensembles, tel que dans les tournois. Le capitaine y a aussi un rôle important à jouer. En tant que coéquipier modèle, il s’assure que tous les joueurs se sentent bien. Les joueurs considèrent qu’ils font partie d’une équipe spéciale tant elle est soudée et victorieuse. De plus, les joueurs sont conscients d’avoir été élus par leur entraineur pour faire partie du groupe. Ils sont fiers de leur équipe et de leur école pour qui ils défendent les couleurs durant les matchs. Ces matchs qui se déroulent dans les gymnases des différentes écoles secondaires se transforment en « véritable pièce de théâtre ». La section 3 s’intéressera au personnage de grand frère qu’incarne l’entraineur et aux nombreux rôles qu’ils jouent auprès de ses joueurs.