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Chapitre 3 : Fonctions de régulation des nitrates au sein du cours d’eau et facteurs de contrôle

B. Prédiction de l’élimination des nitrates au sein du cours d’eau à partir de facteurs de contrôle

2. Matériels et méthodes

Observations in situ d’élimination de nitrates à l’échelle de

tronçons de cours d’eau

L’étude statistique utilise une base de données élaborée durant le projet européen STREAMES (EVK1-CT-2000-00081). Ce projet a évalué, à partir de mesures de bilans à l’échelle de tronçons de cours d’eau (Sánchez-Pérez et al., 2009), les fonctions écologiques d’élimination des nitrates du phosphate et de l’ammonium sur 145 mesures effectuées dans 11 cours d’eau européens lors de conditions hydrologiques différentes. Les mesures de bilans à l’échelle de tronçon sont schématisées dans la figure 42.

Le programme STREAMES (www.streames.org) comprend l’étude de 11 tronçons de rivières de 8 pays européens (Figure 43). Douze campagnes de terrain ont été effectuées de 2001 à 2003 afin de récupérer les caractéristiques hydromorphologiques des rivières et leurs données climatiques et biogéochimiques dans des conditions hydrologiques différentes. Au total 145 mesures ont été effectuées et 42 caractéristiques hydromorphologiques et chimiques des tronçons ont été relevées (Sánchez-Pérez et al., 2009) ainsi que 435 mesures d’élimination de Nitrates, ammoniaque et Phosphates à partir de

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campagnes d’injection. Les caractéristiques mesurées peuvent être réparties en trois catégories (Table 9) : les caractéristiques morphologiques (pente, profondeur, périmètre mouillé, etc.), hydrologiques (nombre de Froude (Eq. 44), débit, stockage transitoire, conductivité, dilution, etc.) et physico-chimiques (concentration en ammonium (NH4), en nitrates (NO3), ou en phosphates (PO4), taux d’élimination en nitrates, etc.).

Figure 43: Localisation des cours d'eau européens du programme STREAMES et des caractéristiques des bassins versants associés – 11 cours d’eau au sein de 8 pays

Table 9: Liste des caractéristiques mesurées durant les campagnes du projet STREAMES et sélectionnées dans cette étude, leurs définitions et leurs unités avec AR, l’élimination d’ammonium, NR, l’élimination des nitrates et PR l’élimination des phosphates .

Name Description Units Name Description Units

Descriptive data Chemical

Slope Reach slope % NH4-N Ammonia concentration mgN/L

Wet_width Wet channel width m NO3-N Nitrate concentration mgN/L

Wet_depth Wet channel depth m NO2-N Nitrite concentration mgN/L

XA Cross-sectional area m2 AR NH4-N uptake rate mgN/m2/min

Wat_per Wet perimeter m NR PO4-P uptake rate mgP/m2/min

SBA Stream bed area m2 PR NO3-N uptake rate mgN/m2/min

HD Hydraulic depth m

v Water velocity m/s

Froude Froude number none

Reynolds Reynolds number none

Q Discharge m3/s

Subsratio

Large vs small substrata (rocks+cobbles+pebbles)/ (gravel+sand+silt+org. mud)

none

v max Maximum water velocity m/s

v min Minimum water velocity m/s

v avg Average water velocity m/s

Variables prédictives

Les caractéristiques hydromorphologiques et chimiques du cours d’eau conditionnent probablement la capacité du tronçon à retenir les nitrates, l’ammonium et les phosphates. Un premier traitement manuel de la base de données a permis d’écarter les variables ne correspondant pas à ces

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critères. Quinze variables possédant un nombre significatif de mesures ont été sélectionnées et analysées dans une Analyse en Composantes Principales (ACP, Table 9). Le nombre de Froude (Eq. 44) est un nombre sans dimension qui correspond au rapport entre la vitesse d’écoulement et la célérité des ondes de surface. Si ce nombre, sans dimension, est supérieur à 1, il caractérise un régime torrentiel (Chanson, 2004). Au contraire, s’il est inférieur à 1, le cours d’eau suit un régime fluvial (Chanson, 2004).

𝐹𝑟𝑜𝑢𝑑𝑒 =

𝑣

√𝑔ℎ (Eq. 44)

avec v : la vitesse d’écoulement (m.s-1), g : l’accélération de la pesanteur (m.s-2), h : la hauteur d’eau (m).

La longueur et la largeur du cours d’eau, le périmètre mouillé du tronçon, l’aire de la section transverse, la profondeur du cours d’eau, la profondeur hydraulique, la surface du lit mineur, la pente, le nombre de Strahler, le pourcentage de roche, et la consistance du substrat sont des variables morphologiques qui vont influer le temps de résidence des nutriments dans les cours d’eau et l’interaction entre la colonne d’eau et la zone hyporhéique Ces variables sont autant de variables hydrologiques ayant potentiellement une influence sur les fonctions écologiques d’élimination. Enfin, les variables chimiques, telles que les concentrations en ammonium, en nitrates et en phosphore, vont agir sur les processus se déroulant au sein du tronçon. Les quinze variables descriptives hydromorphologiques (Table 9) sont redondantes entre elles. J’ai analysé ces variables prédictives potentielles à l’aide d’une ACP. L’ACP permet de mettre en lumière des paramètres corrélés les uns aux autres et dont l’usage tel quel en tant que prédicteurs dans un modèle paramétrique biaiserait l’analyse. L’ACP a été menée avec le logiciel R studio (librairies : ade4, ggplot2, MASS, factoextra, libridate, dplyr). Les données ont été centrées et normées pour pouvoir être facilement comparables. Ce travail statistique a permis de distinguer quelques variables hydromorphologiques non-redondantes utilisées par la suite dans la détermination des équations paramétriques.

Équations paramétriques

L’objectif est de créer des équations à partir de variables faciles à obtenir pour modéliser les fonctions d’élimination des nitrates (kgN.m-2.j-1), de l’ammonium (kgN.m-2.j-1) et des phosphates (kgP.m-2.j-1) au sein d’un cours d’eau directement sans passer par un modèle hydro-agro-climatologique complexe comme SWAT.

Tout d’abord, une analyse multivariée a été effectuée à partir des quelques variables hydromorphologiques non redondantes déterminées précédemment afin de définir les groupes de rivières ayant des caractéristiques physiques similaires. Une seconde ACP a été effectuée sur les moyennes temporelles des variables hydromorphologiques récoltées durant les douze campagnes de prélèvements pour chacun des neuf tronçons. Une analyse hiérarchique par cluster a ainsi pu déterminer la répartition des rivières appartenant à chacun des groupes définis.

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L’étape suivante consistait à trouver des équations permettant d’exprimer les fonctions écologiques d’élimination en fonction des variables hydromorphologiques retenues. Sur les 11 tronçons présents dans la base de données, les deux tronçons du bassin de la Garonne (Lézat et Montégut) n’ont pas été intégrés au jeu de données d’entrainement, afin de les utiliser comme jeu de données de validation des équations. L’élaboration des équations a été effectuée à partir d’une approche statistique par régression multiple, dite pas à pas (stepwise), permettant de déterminer les variables explicatives des fonctions d’élimination. La régression multiple permet de choisir parmi x variables le plus petit nombre d’entre elles qui explique au mieux la variabilité de y. Toutes les variables sont entrées alternativement dans le modèle puis progressivement exclues en fonction de leur contribution au modèle. Cette méthode cherche à réduire la variabilité résiduelle du modèle en voie de progression afin de ne pas permettre à deux variables corrélées, voire redondantes, d’être dans la même équation. L’équation résultante se construit comme suit :

𝑌𝑧,𝑡 = ∑ 𝑤𝑖∗ 𝑋𝑖,𝑡 𝑛

1

avec Yz,t : la fonction écologique d’élimination du nutriment z à l’instant t, wi : le paramètre de la variable explicative i, Xi,t : la valeur de la variable explicative i à l’instant t, et n : le nombre de variables significatives.

Tout d’abord, l’ensemble de la base de données issue du projet STREAMES a été considéré. Puis, une recherche approfondie sur chacun des groupes déterminés préalablement a été effectuée. Une fois les variables significatives déterminées, les paramètres wi de chacune des variables ont pu être optimisés à partir de la méthode des moindres carrés. Enfin, les équations ont été validées à partir des mesures in situ prélevées sur les deux tronçons du bassin versant de la Garonne non utilisés de la base de données STREAMES (Lézat et Montégut, Figure 43). Au niveau de ces tronçons de validation, les équations paramétriques ont été simulées à partir des données hydromorphologiques issues de trois différentes sources : (1) les prélèvements in situ du projet STREAMES, (2) les prélèvements in situ effectués par l’Agence de l’eau Adour Garonne (AEAG), et (3) les données simulées dans le modèle SWAT (Chapitre 3A) (Figure 41).

Peu d’études ont été menées sur la fonction d’élimination dans les cours d’eau au sein du bassin Garonne (Liu et al., 2017; Teissier et al., 2008). Ces quelques études ne rentrent pas dans le domaine d’application (débit et pente) de ces équations paramétriques. C’est pourquoi les taux d’élimination simulés par SWAT (Chapitre 3A) ont été utilisés sur l’ensemble des cours d’eau du bassin appartenant au domaine de validité des équations, pour comparer et effectuer une validation croisée des sorties des modèles paramétriques sur les zones non couvertes par les mesures. En effet, la validation de la modélisation de la fonction écologique d’élimination des nitrates par le modèle SWAT - effectuée dans la section A de ce chapitre - permet d’utiliser ces données pour effectuer une validation croisée des

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équations au pas de temps journalier au niveau des 1 068 tronçons entrant dans le domaine de validité des équations.