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4 Cristallisation à l’échelle d’un pore micrométrique

4.3 Matériels et méthodes

Depuis quelques années, la microfluidique a été utilisée comme un outil efficace pour caractériser et contrôler le phénomène de cristallisation [Leng et Salmon, 2009]. En particulier, elle apporte des condi- tions expérimentales bien contrôlées et elle permet d’isoler des volumes liquides tellement petits que seulement un évènement de nucléation apparaît dans la solution. Dans notre étude, nous avons déve- loppé un dispositif microfluidique relativement simple pour réaliser une étude locale de la cristallisation dans un canal micrométrique unique (voir figure 4.4). Ce dispositif, en PDMS-verre, est fabriqué suivant le protocole décrit dans la section 2.2 du chapitre 2. Le PDMS a été retenu pour sa grande déformabilité. En effet, l’idée est d’utiliser un matériau souple pour observer l’effet de la pression de cristallisation, quelle que soit sa valeur. Contrairement aux expériences réalisées dans des capillaires en verre, au comportement fragile, une faible pression de cristallisation devrait tout de même induire une déformation des canaux de PDMS. Un choix technologique similaire a déjà été fait dans [Sekine et al., 2011] où des contraintes générées par un cristal ont été mesurées grâce aux propriétés photo-élastiques du PDMS. Par contre dans cet article, la sursaturation à la nucléation était très faible car elle était induite par refroidissement (la solubilité du NaCl varie très peu avec la diminution de la température). Une autre différence est que les auteurs ont regardé la croissance aux temps longs, dans des canaux de grandes dimensions. A contrario, nous verrons dans ce paragraphe que la caractéristique de notre étude repose sur l’utilisation de canaux micrométriques et sur la mesure de la vitesse de croissance aux temps très courts (quelques millisecondes).

Les expériences ont été réalisées dans des puces microfluidiques PDMS-verre présentées sur la figure 4.4. Comme pour les études des écoulements liquide-gaz en systèmes nanofluidiques, ce dispositif est composé d’un canal large qui permet d’alimenter en fluide la zone d’intérêt (solution saline et diazote). Les expériences sont réalisées dans des canaux en impasse perpendiculaires au canal d’alimentation. Des canaux de trois sections différentes sont fabriqués : 5 × 5µm2, 20 × 20µm2et 50 × 100µm2. Pour chacune des sections, trois longueurs de canaux sont réalisées : 100µm, 200µm et 300µm, 200µm, 400µm et 800µm et 500µm, 900µm et 1700µm (les différentes longueurs modifient la quantité de sel en excès disponible pour la cristallisation). Ainsi, le dispositif permet d’induire la cristallisation par l’évaporation d’une solution de chlorure de sodium dans un volume de quelques picolitres (10−12L). Il

permet également d’observer précisément la nucléation et la croissance d’un unique cristal. Canal d'alimentation Pores Trou x 0 L Solution saline h Lamelle de verre PDMS Débit N 2 N2 + vapeur xm Débit N 2

FIGURE4.4 – Schéma et photographie de la puce microfluidique en PDMS-verre. La cristallisation est

observée dans des canaux en impasse. Sur la photographie, une petite graduation représente 50µm.

Afin d’estimer la pression que génère le cristal en observant la déformation du canal, nous avons caracté- risé le module de Young du PDMS, E , avec un test de compression. Nous avons utilisé un banc d’essai motorisé Mark-10 ESM30 couplé avec une jauge de force Mark-10 M5-05. Une éprouvette circulaire est extraite du wafer de PDMS à l’aide d’un poinçon de biopsie de 5 mm de diamètre. L’éprouvette est mise sous compression axiale avec une vitesse de déplacement du plateau égale à 2 ± 0,004 mm par minute. Les mesures sont faites avec une fréquence d’échantillonnage de 10 Hz et une précision de ± 2,5 mN. La mesure est faite pendant le chargement et le déchargement de l’éprouvette. Le banc de compression donne le déplacement, dl , et la force, F . La longueur initiale, l0et le rayon de l’éprouvette, r , sont mesurés avec un pied à coulisse. Avec ces valeurs, nous pouvons remonter au module de Young avec la relation de l’élasticité linéaire reliant la contrainte à la déformation :

F

S = E

dl

l0

(4.15)

Nous mesurons une valeur de E = 1,21 ± 0,1 MPa, ce qui est plutôt en bon accord avec les valeurs pro- posées dans [Johnston et al., 2014] (1,32 MPa pour une réticulation faite à 25˚C et 2,05 MPa pour une réticulation à 100˚C). Les résultats obtenus pour trois tests réalisés sur trois wafers différents sont pré- sentés sur la figure 4.5. La réversibilité des mesures pendant le déchargement valide l’hypothèse de déformation élastique 4.15.

Une fois que les puces sont caractérisées, les expériences sont réalisées sur un microscope inversé Zeiss Axio observer D1 travaillant en transmission. Nous procédons de la même manière que pour les expé- riences d’évaporation. La solution de sel est injectée pour saturer le dispositif. Une fois que les canaux en impasse sont saturés (il faut attendre la dissolution du gaz piégé), le diazote est injecté pour drainer la solution du canal d’alimentation, en isolant les volumes de liquide situés dans les canaux en impasse. Le débit de diazote est maintenu pendant toute l’expérience pour évaporer la solution saline.

La solution de chlorure de sodium est préparée avec deux molalités différentes : 1,89 et 4,25 mol/kg. La molalité de saturation est 6,15 mol/kg (ces molalités correspondent respectivement à une fraction

Contrainte9 σ= F / S9uPag Déformation9ε=dl/dl0 -2 0 2 4 6 8 10 12 14x104 0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 σ=1,34x106ε-1,25x104 σ=1,19x106ε-0,70x104 σ=1,10x106ε-1,27x104 ag bg Echantillon Jauge9de9force montée9sur9 banc9motorisé

FIGURE4.5 – a) Image du banc de compression axiale. b)Mesure du module de Young de trois éprouvettes

cylindriques de PDMS. Les points correspondent aux valeurs expérimentales obtenues lors du chargement et du déchargement de l’échantillon. Les lignes droites correspondent à une approximation linéaire. L’équation de ces courbes est donnée directement sur le graphique.

massique de 10%, 20% et 26,4%. Par exemple, la solution à 10% massique se prépare en dissolvant 10 g de NaCl dans 90 g d’eau). Le NaCl est fourni par Sigma Aldrich©. Sa pureté est assurée à plus de 99,5%.

Les acquisitions d’images sont exploitées à l’aide des logiciels ImageJ© et Matlab©. L’objectif est de suivre les interfaces liquide-gaz, cristal-liquide et cristal-paroi pour déterminer les vitesses d’évaporation et de cristallisation, et mesurer la déformation du PDMS.

4.3.2 Simulation numérique

Dans le but de discuter les résultats expérimentaux et théoriques, un modèle numérique a été développé dans Comsol multiphysics 5.2©. Il simule la croissance du cristal depuis un germe initial présent dans une solution sursaturée. Le transport du sel dissous par diffusion et convection est pris en compte, tout comme la croissance par réaction. Le modèle est présenté dans la section 4.7.