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2.1Echantillonnage et enquêtes en élevage

L’échantillonnage des exploitations a été pensé pour répondre à deux objectifs principaux. Premièrement, nous souhaitions obtenir un échantillon représentatif d’une diversité des systèmes d’élevage laitiers français afin de donner une base large à notre démarche prospective et inédite de recueil des définitions qu’ont les éleveurs de la robustesse chez la vache laitière. Nous avons donc veillé à sélectionner des exploitations potentiellement exposées à des perturbations de nature différentes (Gallopin, 2006). Pour ce faire, nous nous sommes focalisés sur l’environnement biophysique dans lequel se trouvaient les exploitations : contraintes climatiques (températures extrêmes et pluviométrie) et topographiques (plaine vs montagne), car il nous était difficile d’évaluer a priori le niveau d’exposition des exploitations à des perturbations d’autres natures, de type sanitaire ou économique. Nous avons également cherché à enquêter des exploitations présentant, de par leur structure, des sensibilités variables à ces perturbations (Nascimento de Oliveira, 2014). Les critères que nous avons retenus pour discriminer la structure des systèmes en regard de leur sensibilité aux perturbations sont : la main d’œuvre disponible, le niveau de production et la génétique des animaux présents (une race vs plusieurs races et nature des races), l’ouverture du système sur l’environnement extérieur et la dépendance aux ressources locales via la nature du système d’alimentation (par exemple : ration à base de maïs ou 100% herbager et la durée de pâturage), la diversification des sources de revenus (spécialisé vs non spécialisé, l’implication dans une filière garantissant une certaine stabilité des prix (Bio, AOP…). Nous avons ensuite cherché à enquêter des élevages avec des vaches de races différentes notamment les principales races françaises : Holstein, Montbéliarde, et Normande, qui représentent 93% des effectifs du cheptel laitier français (Douguet et al., 2014), et des troupeaux de composition différentes (race pure, multi-races, croisement) afin de bien représenter la diversité des élevages laitiers français.

Notre échantillon était donc composé au final de 39 exploitations situées dans trois bassins laitiers majeurs en France connus pour regrouper des élevages de vaches laitières de structures différentes (Seegers, 2012) : l’Auvergne (Puy-de-Dôme, 21 exploitations), la Normandie (Calvados, Manche, 8 exploitations) et la Bretagne (Ille-et-Vilaine et Finistère, 10 exploitations) que nous avons enquêtées durant l’année 2014 (Figure 4). Les données et contacts des exploitations ont été fournis par l’EDE du Puy-de-Dôme (syndicat de contrôle laitier), Littoral Normand conseil élevage (contrôle de performances et conseils en élevage laitier) et la chambre régionale d’agriculture de Bretagne.

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Le choix des zones d’enquêtes a permis d’obtenir des conditions pédoclimatiques variées d’une exploitation à l’autre (Figure 5). En effet, dans le Puy-de-Dôme le climat est assez contrasté avec des hivers froids et des étés chauds, et des pluviométries pouvant varier du simple au double en fonction des zones et un relief également variable avec des zones de plaine et de montagne. La Bretagne et la Normandie, régions plus tempérées, présentent malgré tout, des contrastes climatiques assez importants. Le centre du Finistère est plus humide avec des températures extrêmes plus marquées que la pointe du Finistère. La moitié Sud-Est du Calvados présente des contrastes de températures plus importants et des précipitations plus réduites par rapport au Nord-Ouest.

Figure 4 : Localisation des zones d’enquêtes en rapport à la concentration des exploitations détenant des vaches laitières en France.

Figure 5 : Cartes climatiques de la France sur une base de référence moyenne calculée entre 1981 et 2010, avec en A : la pluviométrie, en B : le nombre de jours de gel par an (température <0°C) et en C : le nombre de jour de forte chaleur par an (nombre de jours où la température > 30°C).

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La surface moyenne des 39 exploitations enquêtées est de 105 ha pour 65 vaches et 2,5 unités de travail annuelles (UTA) (Figure 6). Leur dimension moyenne est donc légèrement supérieure à la structure moyenne des exploitations françaises qui comptent 95 ha et 49 vaches pour 1,9 UTA (Agreste, 2013). Néanmoins nous avons réussi à rassembler une certaine diversité de structures d’exploitation dans notre échantillon avec des écarts importants en termes de SAU (de 31 à 600 ha), de nombre d’UTA (de 1 à 8,5), de nombres de vaches laitières (de 24 à 200) et aussi de niveau de production moyen par vache (de 2900 à 11000 kg/lactation). De plus, la diversité des élevages enquêtés nous a permis de saisir des niveaux de spécialisation différents, des systèmes fourragers variés avec des chargements allant de 0,3 à 1,5 vaches par hectare de surface fourragère principale (SFP), des troupeaux de races et de compositions différentes (Tableau 1). Enfin le choix des zones géographiques des enquêtes nous a permis de regrouper des exploitations ayant adhéré à un cahier des charges associé à une appellation d’origine ou à l’agriculture biologique (AB). D’autre part, les écarts d’altitude du siège d’exploitation (de 15 à 1300 m) et de pluviométrie moyenne (de 650 à 1250 mm par an) confirment la diversité de conditions pédoclimatiques présentes dans les exploitations enquêtées (Figure 3).

Figure 6 : Description de la diversité des structures et de l’environnement des 39 exploitations enquêtées (UTA = unité de travail annuelle, SAU : surface agricole utile)

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Tableau 1 : Caractéristiques fonctionnelles des 39 systèmes d’élevage

Caractéristique Modalité Description Effectif

Diversité des productions Spécialisé Atelier VL1 ≥ 90% de l’activité2 18 Fromager Atelier VL1 + atelier de transformation

fromagère

7 Mixte Atelier VL1 + atelier production de

viande (bovin, ovin ou porcin)

7 Polyculture-élevage Atelier VL1 + vente de céréales ≥ 10% de

l’activité2

2 Diversifié Atelier VL1 + autre atelier (pommiers à

cidre, auberge, vente directe de veaux de lait….)

5

Filière Agriculture biologique AB 10

AOP/IGP Fromagère Saint-Nectaire, Fourme d’Ambert, Bleu d’Auvergne, Camembert, Livarot…

17

Système fourrager Zéro pâturage 100% hors-sol 3

Ensilage de maïs et pâturage

Ensilage de maïs ≥ 10% de la SFP 14 Herbagers 100% de prairies permanentes 15 Pâturage diversifié Autres systèmes fourragers (prairies

temporaires, luzerne, méteil…)

7

Race du troupeau Une race Holstein (11), Montbéliarde (7), Normande (6), Ferrandaise (1)

25

Plusieurs races 9

Croisées 5

1

Atelier VL = atelier de production laitière incluant les vaches, les veaux et les génisses 2

Autoévaluation par la personne enquêtée en prenant en compte l’économie et le temps de travail

2.2Contenu et déroulé des entretiens

L’objectif premier de ces entretiens était de comprendre comment les éleveurs laitiers définissent une vache robuste et à quelles propriétés intrinsèques des animaux ils l’associent. Le deuxième objectif était de mettre en évidence si les principales définitions des éleveurs sont associées à des structures d’exploitations particulières ou à des spécificités de leur environnement (exposition aux perturbations). Les entretiens étaient donc divisés en trois parties principales : présentation de la structure de l’exploitation, de son historique et des objectifs de l’éleveur, puis une discussion autour de la question : « pour vous qu’est-ce qu’une vache robuste ? », et enfin une description de l’environnement pédoclimatique de l’exploitation et des éventuelles perturbations auxquelles l’exploitation est soumise. Les entretiens ont été conduits de manière semi-directive et ont duré entre 1h15 et 2h30 en fonction des personnes. Tous les entretiens ont été enregistrés et retranscrits avant la phase d’analyse. Ensuite, une analyse croisée a été réalisée à partir de la réponse des

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éleveurs à la question ouverte « Pour vous qu’est-ce qu’une vache robuste ? », de la description de leur structure d’exploitation, de la description des conditions pédoclimatiques de leur exploitation et de leur réponse à la question : « est-ce que vous pensez que votre exploitation est exposée à des perturbations et si oui lesquelles ? ».

2.3Analyse des entretiens

2.3.1 Une vache robuste : analyse des paroles d’éleveurs

La première étape a donc consisté à analyser le discours des éleveurs en réponse à la question « pour vous qu’est-ce qu’une vache robuste ? ». Afin d’accéder le plus finement possible à la manière dont ils définissent ce concept, nous avons retranscrit l’intégralité de leur réponse et procédé à une analyse de discours selon la méthode d’analyse des représentations proposée par Darré et al. (2004). L’analyse par oppositions et associations nous a permis de capter efficacement les propriétés des animaux auxquelles les éleveurs font référence pour définir un animal robuste, mais aussi de faire émerger des thèmes majeurs communs aux différents entretiens. Une fois les 39 entretiens soumis à cette analyse, une synthèse des grands thèmes évoqués durant les entretiens a été effectuée sous forme de carte mentale. Cette méthode d’analyse inspirée des travaux de Vanwindekens et al. (2013), nous a permis de faire émerger des nœuds principaux correspondant aux thèmes majeurs identifiés par la méthode de Darré et al. (2004) et d’y associer la citation exacte de la personne enquêtée (Figure 7). Cette étape s’est avérée efficace pour traiter de manière exhaustive et objective l’ensemble des thèmes abordés par les éleveurs.

2.3.2 Des convergences dans le discours des éleveurs ?

Dans un deuxième temps d’analyse nous avons construit une typologie des définitions de la « vache robuste » par les éleveurs laitiers enquêtés. En faisant émerger visuellement les thèmes majeurs énoncés durant les entretiens, la carte mentale nous a facilité la création de variables synthétiques. Ces dernières ont été construites sur les caractéristiques intrinsèques aux animaux, spontanément citées par les éleveurs pour décrire une vache robuste. Chaque variable a été ensuite formalisée à l‘aide de 2 à 3 modalités correspondant soit à la présence ou l’absence de citation de la caractéristique, auxquelles a pu se rajouter une modalité décrivant la relation donnée par l’éleveur entre la variable citée et ce qu’il entend par robustesse: pour exemple le qualificatif robuste a pu être associé positivement ou négativement aux capacités laitières de la vache. Chaque éleveur s’est vu ainsi attribué une seule modalité par variable.

En se basant sur la méthode utilisée par Fiorelli et al. (2007), la troisième étape a consisté à identifier les facteurs principaux discriminant les définitions de la vache robuste données par les éleveurs par analyse des correspondances multiples (ACM) sous SPAD version 7.4 (Coheris, Suresnes, France) en

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combinant les 39 exploitations enquêtées (unités statistiques), les 10 variables et les 21 modalités (Tableau 3). Le poids statistique était le même pour toutes les variables et les unités statistiques. A la lumière des résultats de l’ACM et des contributions et coordonnées des différentes modalités aux axes factoriels, les différentes définitions de la vache robuste ont été ensuite identifiées par représentation graphique en utilisant la méthode proposée par Bertin et al. (1977) (Figure 7). Quatre visions principales de la vache robuste par les éleveurs laitiers ont été identifiées sur la base des similarités visuelles d’associations entre modalités (Annexe 2).

Figure 7 : Schéma d’organisation de la méthodologie employée pour traiter les données obtenues lors des 39 entretiens auprès d’éleveurs laitiers.