• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : EVALUER LA ROBUSTESSE DES VACHES LAITIERES A PARTIR DE L’ANALYSE DES STRATEGIES DE

2. Matériel et méthode

2.5 Construction des variables de synthèse

Les données quantitatives et qualitatives collectées durant les entretiens ont permis de recenser les principaux seuils qui permettent aux éleveurs d’apprécier les performances des animaux et de prendre des décisions concernant la gestion des individus au sein du troupeau en vue d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Pour construire les variables synthétiques, nous avons d’abord répertorié dans chaque entretien les différents seuils mentionnés explicitement par les éleveurs soit spontanément soit en réponse à nos questions sur les seuils pré-identifiés, par exemple : « il faut au moins qu’elle produise 6000 », « qui se couche pas sur le caillebotis, parce qu'une vache qui est dégueulasse, en salle de traite, c'est de la salmonelle, c'est de la listéria, et ça coute très cher à la fin », ce qui traduit ici un seuil sur le niveau de production laitière et un seuil sur le comportement de la vache. Nous avons ensuite extrait les seuils énoncés durant la description des pratiques d’élevage et parfois dans l’explication de leurs objectifs de performances. A titre d’illustration, on peut citer le cas d’un éleveur qui nous a décrit ses pratiques de renouvellement : « pour le renouvellement j’essaie

137

de garder les filles des 30 vaches qui ont vêlé le plus tôt dans la saison ». Nous avons interprété cela par le fait qu’il ne souhaite pas conserver dans le troupeau des lignées génétiques de vaches qui vêlent tard soit parce qu’elles n’ont pas été fécondées à la première insémination, soit parce qu’elles ont été mises tardivement à la reproduction pour d’autres raisons. Nous avons aussi classé les causes de réformes en fonction du niveau d’importance déclaré par les éleveurs qu’ils évaluaient par la fréquence d’occurrence au sein du troupeau ou par la contrainte que cela représente pour eux : « Au départ il y a le caractère [….], si elle ne se calme pas, je lui dis qu’elle va passer dehors, mais elle ne m’écoute pas trop. Après les problèmes cellulaires …».

Les éleveurs ont clairement exprimé des seuils sur deux catégories de performances liées à la finalité de l’atelier laitier : la production laitière et la reproduction. Deux autres critères ont également été mentionnés par les éleveurs comme déterminants des performances des animaux et de leur durée de vie au sein du troupeau, au même titre que leurs aptitudes à produire du lait ou se reproduire : la conformation et le caractère. La conformation des individus est apparue soit comme un critère de sélection associé à des aptitudes particulières des animaux, comme la marche, l’aptitude à la traite, la production de viande, ou encore la capacité à ingérer des grandes quantités de fourrages ou à puiser dans ses réserves, ou bien comme un critère de sélection plus subjectif correspondant aux préférences visuelles ou esthétiques des éleveurs. Le caractère de l’animal a été identifié comme critère de sélection principal chez certains éleveurs laitiers, pour lesquels les nombreux contacts et manipulations associés à la traite sont facilités si l’animal est docile et calme, ce qui rend le travail plus agréable et moins dangereux.

Concernant les seuils liés aux autres postes de conduite que nous avons étudiés à savoir l’alimentation et la santé, nous n’avons finalement pas pu identifier de seuils implicites dans la description de leurs pratiques. En effet, concernant les pratiques d’alimentation, les éleveurs ont expliqué qu’ils évaluaient les aptitudes des animaux à valoriser leur ration à travers le niveau de production laitière, et ne disposaient pas d’autres indicateurs leur permettant de mesurer cette performance. Concernant la santé, il a été difficile pour les éleveurs de mentionner des seuils précis sachant qu’une diversité d’évènements sanitaires peut être recensée et que la spécificité de chaque situation ne permet pas de généraliser des règles de conduite globale. L’ensemble des éleveurs nous a confirmé que l’occurrence de maladies n’était pas un critère guidant leur conduite puisque dans tous les cas un animal malade est soigné et qu’il était difficile de sélectionner des individus résistants à l’ensemble des pathologies. Ainsi les éleveurs n’ont pas exprimé de seuil concernant le nombre ou la fréquence des traitements tolérés puisque selon eux ils dépendent de la nature de l’évènement et souvent de la condition de l’animal atteint. Les éleveurs ont néanmoins fréquemment mentionné les boiteries ou les comptages cellulaires comme critère de réforme principaux. Afin d’éviter

138

l’occurrence de ces pathologies, les éleveurs sélectionnent généralement les animaux sur des critères de conformation de la mamelle pour les cellules du lait, ou sur la qualité des aplombs pour les boiteries. Nous considérons ainsi que les seuils que pilote l’éleveur pour améliorer la santé de ses animaux se retrouvent dans les seuils associés à la production laitière et la morphologie ou dans les critères de réforme.

Au final, nous avons retenu deux variables synthétiques correspondant aux seuils de performances laitières et de reproduction des animaux. Pour ne pas démultiplier le nombre de variables et de modalités et rester cohérents d’un point de vue statistique, nous avons décidé de construire une variable de synthèse regroupant l’ensemble des autres performances pour lesquels les éleveurs ont définis des seuils, à savoir la conformation et le caractère des animaux. En s’inspirant des travaux de Girard et al. (2001), quatre modalités ont été définies pour les variables de synthèse liées à la production laitière et à la reproduction permettant de rendre compte du niveau de sévérité des seuils recensés (forte, moyenne, faible aucune). Pour les variables « autres seuils de performances », pour laquelle il n’y a pas de notion de niveau de performance, les modalités ont été définies en fonction de la nature des seuils (Figure 20).

Figure 20 : Résumé de la démarche méthodologique mise en place pour aboutir à l’identification des principales stratégies de conduite (IA = insémination artificielle, ACM = analyse en composantes multiples, F = Fort, M = Moyen, Fa = Faible, A = Aucune)

*établie en confrontant les exigences des éleveurs vis-à-vis des performances biologiques des animaux, les pratiques d’alimentation et la race des animaux pour les performances laitières et établie en créant un gradient des niveaux de sévérité exprimés par l’ensemble des éleveurs de l’échantillon pour les performances de reproduction

139

En ce qui concerne les critères de réforme, comme proposé par Bascom and Young (1998), seuls les deux premiers cités dans la hiérarchie propre à chaque éleveur ont été définis en tant que variable. Ce nombre correspond au nombre minimal de critères cités par l’ensemble des éleveurs (Figure 20). Au final, chaque éleveur s’est vu attribuer une seule modalité par variable.