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3. Résultats

3.1 Les différentes caractéristiques de la vache robuste

L’analyse du discours des éleveurs a permis de mettre en évidence deux manières d’appréhender la définition de la vache robuste. Certains éleveurs ont abordé spontanément la définition de la vache robuste à travers des caractéristiques descriptives propres à l’animal incluant des critères physiologiques, morphologiques et comportementaux. D’autres éleveurs sont entrés spontanément dans cette définition par des critères explicatifs de « l’origine » de la robustesse chez la vache, comme la race ou les pratiques d’élevage. Nous leur avons donc demandé dans un deuxième temps d’approfondir plus spécifiquement quelles caractéristiques intrinsèques différencient selon eux les animaux robustes des autres. Nous avons ainsi choisi de nous baser uniquement sur les critères

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associés aux caractéristiques intrinsèques des animaux afin de discriminer les principales définitions de la robustesse chez les éleveurs laitiers de notre échantillon (Tableau 2). Les autres critères ont servi à caractériser les groupes mis en évidence.

3.1.1 Aplombs

Pour une majorité des éleveurs (23/39), la vache robuste est caractérisée par de bons aplombs (Apl1), « des pattes solides » « qui marchent bien », ce qui leur permet d’aller pâturer et de bien s’alimenter « parce que celles qui commencent à marcher sur des œufs, c'est des vaches qui passent en dernier [..] et qui sont au foin pendant que les autres mangent du maïs, pour pas se faire bousculer. »

3.1.2 Résistance aux maladies

Pour 19 éleveurs la vache robuste a été décrite comme un animal qui présentait une résistance globale aux maladies et aux pathogènes, et qui donc nécessitait peu d’interventions (R_Mala1) : « elle n’a pas de problème, je la vois qu'en salle de traite et puis terminé ». C’est donc selon eux une « vache jamais malade » et qui n’entraine « pas de frais vétérinaire ».

3.1.3 Longévité

La longévité a été un critère cité par 15 éleveurs comme indicateur leur permettant d’évaluer la robustesse d’une vache (Long1). Ces éleveurs affirment que « tant qu’une vache est pas vieille, on ne peut pas savoir si elle est robuste ». Néanmoins cette notion de longévité est assez relative à la personne qui l’exprime avec par exemple un éleveur expliquant qu’une vache robuste pouvait durer « 7-8 lactations sans problème » et un autre considérant qu’une vache robuste devait faire « 3-4 veaux sans se poser de question », un éleveur allant même jusqu’à s’interroger « est-ce que si une vache a fait 4 lactations on peut considérer qu’elle est robuste… ? ». Les éleveurs associent donc vache robuste à vache qui dure, en expliquant que « si elle ne fait pas trop parler d'elle c'est qu'en principe elle va bien et la longévité souvent découle derrière ».

3.1.4 Fertilité

La fertilité a aussi été citée à plusieurs reprises (13) comme caractère principal de la vache robuste avec des vaches « qui remplissent facilement » et ont « des chaleurs franches », mais aussi des vaches qui « vêlent sans problème » (Ferti1).

3.1.5 Production laitière

Les 13 éleveurs qui ont relié la production laitière à la robustesse, l’ont fait de manière contrastée. Certains éleveurs évoquent clairement un compromis entre production laitière et robustesse car par exemple pour eux « en général, les vaches qui explosent en lait, qui montent, ne sont pas robustes

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quoi. Surtout chez nous, elles vont se fatiguer à faire du lait… ». Donc les éleveurs que nous avons associés à la modalité PL_moins pensent que « plus on va monter en production, plus elles seront fragiles, c'est logique aussi...Ben pour le commencement elles sont décharnées elles en peuvent plus, elles sont fatiguées, elles vont s'épuiser à donner du lait du lait... ». Dans cette catégorie, pour quelques éleveurs, le caractère laitier de la vache robuste est un peu plus mis en avant mais ils évoquent tout de même une limite à ne pas dépasser pour maintenir la robustesse de l’animal, qui est souvent exprimée comme le niveau de production moyen du troupeau : « après il faut qu'elle soit quand même productive hein, il ne faut pas…. voilà si elle a peu de lait bon...bien sûr si elle est peu laitière elle sera peut-être plus robuste… mais qu'elle soit laitière, dans la moyenne ». Pour d’autres éleveurs au contraire, il n’y a pas de compromis à faire entre production laitière et robustesse, puisque si une vache « est en bonne santé, elle produit du lait », « même qui produirait un peu plus parce qu’elles sont bien, elles sont en forme, plutôt » (PL_plus).

3.1.6 Santé et morphologie de la mamelle

Certains éleveurs (10) ont évoqué les aspects santé et morphologie de la mamelle comme critère de robustesse chez la vache (Mam1). Ils ont généralement expliqué qu’une vache robuste est une vache « qui résiste bien aux problèmes de mammites et de cellules » et une mamelle « qui tient de longues années », avec « des ligaments solides ».

3.1.7 Comportement de l’animal (Comp)

Le comportement de l’animal a également été évoqué par 10 éleveurs comme élément caractéristique de la vache robuste, que ce soit pour parler plus spécifiquement du comportement alimentaire de la vache, ou d’un comportement plus global (Comp1). De manière unanime, les éleveurs ont associé la robustesse à un animal actif avec du tempérament et qui a une forte motivation à s’alimenter : « C’est aussi le mental dans leur tête, leur caractère. Parce que y’en a une, au premier souci, elle se lève pas elle se laisse crever. Donc faut aussi du caractère… ». La vache robuste est donc une vache qui « se défend » bien au sein du troupeau « qui a de l'allant...des bêtes qui veulent aller casser la croûte, qui font la place à l'auge, qui... c'est moi qui rentre dans le DAC, circulez y'a rien à voir ». De manière générale, les éleveurs ont bien précisé qu’il ne s’agissait pas de dominance dans le troupeau mais plutôt d’une tonicité et d’une motivation générale « C’est pas une chef, mais elle mange elle mange, elle mange…. Puis elle va être capable d’avoir du caractère face… Puis tu as des vaches qui vont au champ, elles mangent 2-3 brins d’herbe et se couchent. Et y’a des vaches qui n’arrêtent pas de manger… Et c’est ces vaches-là qui sont plus solides. Les vaches qui sont les premières à aller au champ… ».

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3.1.8 Morphologie

Pour quelques éleveurs (9) la robustesse de la vache est liée à sa morphologie (Morph1), son format avec des vaches ayant plutôt « un gros gabarit, elles sont quand même plus costauds... [...] elles mangent mieux, elles sont plus développées donc automatiquement le lait il suit derrière ». Mais de manière consensuelle les éleveurs ont précisé qu’il ne s’agissait « d’une vache pas forcément lourde » mais d’une vache bien conformée, « avec une bonne capacité corporelle » et « de la charpente ». Ils associent également la robustesse de la vache à des vaches ayant « des poids de carcasses intéressants » à la réforme.

Tableau 2 : Variables et modalités construites empiriquement pour décrire la vache robuste, et effectif d’éleveurs concernés.

Variables Modalités Effectif (/39)

Comportement Comp0 = Non cité 29

Comp1 = Cité 10

Mamelle Mam0 = Non cité 28

Mam1 = Cité 11

Résistances aux maladies R_Mala0 = Non cité 20

R_Mala1 = Cité 19

Production laitière PL_0 = Non cité 26

PL_moins = Robustesse est associée à moins de production laitière par rapport à la moyenne du troupeau

9 PL_plus = Robustesse est associée à plus de production

laitière

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Aplombs Apl0 = Non cité 16

Apl1 = Cité 23

Morphologie Morph0 = Non cité 30

Morph1 = Cité 9

Valorisation de la ration Valo_R0 = Non cité 36

Valo_R1 = Cité 3

Fertilité Ferti0 = Non cité 26

Ferti1 = Cité 13

Longévité Long0 = Non cité 24

Long1 = Cité 15

Adaptation Adapt0= Non cité 31

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3.1.9 Adaptation

La vache robuste a aussi été décrite comme une vache capable de s’adapter ou de résister aux contraintes de l’environnement et aux perturbations par 8 éleveurs (Adapt1). Ils l’ont décrite comme « capable de bien se porter dans des conditions différentes » en faisant référence aussi à la notion de perturbations et d’instabilité du milieu : «une vache robuste c'est une vache qui.... qui dure dans le temps en prenant des coups quoi. Parce que malgré tout on en a des coups quoi. [...] Les coups ben ils peuvent être : problèmes alimentaires, donc pénurie, mauvaise qualité, ça c'est des coups…. c'est le sanitaire ... ». Certains éleveurs ont associé cette résistance aux aléas à une bonne immunité des animaux : « c’est la vache qui arrive à résister, qui a une immunité la plus élevée possible pour qu’en cas de problème, elle résiste au mieux. Tout en sachant que ce n’est pas parce que l’on a une immunité au top qu’on risque de ne rien choper. Elle sera plus en capacité de se remettre en état qu’une qui a un niveau plus faible immunitairement. C’est une vache qui est capable de s’adapter à des transitions au niveau alimentaire, environnement, du temps » ; ou à des notions d’épigénétique : « Ben elles sont adaptées, ce sont des vaches qui sont adaptées à nos… comme nos troupeaux ici, qui sont nés ici » ; ou encore à des capacités d’adaptation liées à l’état corporel des animaux : « Une vache toujours maigre, s’il y a un pépin, elle aura plus de difficulté à réagir car elle ne peut pas mobiliser ». Les propos des éleveurs ici mettent bien en avant que pour eux la notion d’adaptation qu’ils associent à la robustesse n’est pas synonyme de résistance. Une vache robuste a pour eux « le droit » de perdre en production ou en état durant des périodes perturbées, mais c’est sa capacité à « réagir » à « se remettre en état » qui va lui conférer de la robustesse.

3.1.10 Valorisation de la ration

Une minorité d’éleveurs (3) a enfin évoqué la capacité de la vache à bien valoriser sa ration comme critère de robustesse (Valo_R1) avec une vache « qui valorise bien les fourrages qu’on a sur l’exploitation », et de manière générale « qui se nourrit bien avec ce que je lui donne ».