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Les matériaux magnétiques se définissent par l’aimantation Mqu’ils ajoutent dans la relation

entre le champ magnétique Het l’induction B (28). Cette propriété des matériaux à augmenter

l’induction obtenue pour une valeur de champ magnétique donnée est recherchée dans les

applications électrotechniques telles que les transformateurs. C’est pourquoi les

électrotechniciens utilisent classiquement la perméabilité relative μ

r

pour qualifier les

matériaux magnétiques, qui traduit à quel point le matériau magnétique sera capable de

canaliser le flux magnétique, condition nécessaire pour réaliser le couplage entre le primaire et

le secondaire d’un transformateur par exemple.

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ܪሬሬԦ ൌ ߤܪሬሬԦ (28)

L’équation précédente suggère une relation linéaire entre induction et champ magnétique, ce

qui n’est pas le cas en pratique dans le cas des matériaux magnétiques doux, qui présentent des

comportements ferromagnétiques ou ferrimagnétiques. Dans ce type de matériaux, les moments

magnétiques élémentaires ont tendance à s’aligner dans une région donnée qui possède alors

une aimantation globale non nulle, que l’on nomme domaine de Weiss. A l’état désaimanté un

matériau magnétique possède des domaines de Weiss orientés dans différentes directions et

différents sens dont la résultante à l’échelle macroscopique est nulle (voir Figure 37). Deux

domaines adjacents possèdent des directions d’aimantation soit parallèles, soit perpendiculaires

et sont séparés par une paroi appelée paroi de Bloch, que l’on qualifie « à 90° » ou « à 180° »

selon le type de paroi. Un domaine ayant deux parois communes à 90° avec deux domaines qui

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Figure 37 : Moments magnétiques élémentaires & Répartition en domaines de Weiss séparés par des parois de Bloch

La transition entre deux domaines au sein d’une paroi se fait par la rotation des moments

magnétiques d’une direction à l’autre, comme montré sur la Figure 38. L’épaisseur d’une paroi

n’est donc pas nulle car la transition est progressive, si bien que les parois peuvent se déplacer

sous l’action d’un champ magnétique extérieur.

Figure 38 : Schéma d'une paroi de Bloch à 180° [23]

Lorsque l’on augmente le champ magnétique, les domaines vont se réarranger dynamiquement

et ceux qui sont dans le sens du champ imposé vont s’agrandir tandis que les autres vont se

rétrécir. Cela va conduire au déplacement des parois, jusqu’à la fusion ou l’éclatement des

domaines. Si l’on continue d’augmenter le champ magnétique, il arrivera un moment où tous

les moments seront alignés et formeront un seul domaine : le matériau aura atteint son

aimantation maximale. Ces évolutions progressives au sein du matériau expliquent le

comportement non linéaire des matériaux magnétiques et le phénomène de saturation.

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Figure 39 : Évolution des domaines de Weiss : repos, première aimantation, régime alternatif [24]

Si l’on part d’une induction et d’un champ magnétique nuls pour amener le matériau à

saturation en augmentant le champ magnétique suffisamment lentement, on suit la courbe de

« première aimantation ». Continuer à augmenter le champ magnétique ne modifiera plus le

niveau d’aimantation : le matériau est saturé et présente une pente égale à la perméabilité du

vide μ

0

. En diminuant le champ magnétique, on remarque que la courbe suivie est différente de

la courbe de première aimantation, si bien qu’une fois revenu à un champ magnétique nul, il

subsiste une induction appelée induction rémanente Br. En continuant de réduire le champ

magnétique, on finit par obtenir une induction nulle pour une valeur de champ magnétique

caractéristique appelée champ coercitif -Hc. Les matériaux magnétiques doux présentent une

valeur de champ coercitif faible (Hc < 10 kA/m) et c’est ce qui les différencie des matériaux

magnétiques durs : cette faible valeur de champ coercitif signifie que l’on peut facilement

retourner ou annuler l’aimantation du matériau avec une excitation faible. La qualité d’un

matériau ferromagnétique doux peut donc en partie être quantifiée par le champ coercitif : plus

ce dernier est faible, plus le matériau est doux. Il se trouve que les matériaux ferromagnétiques

ont une structure polycristalline qui joue un rôle important sur la répartition des domaines

magnétiques. Il existe d’ailleurs une relation étroite entre la taille des grains et le champ

coercitif dans les matériaux ferromagnétiques [25] (voir Figure 40), qui explique notamment

les bonnes propriétés magnétiques à la fois des matériaux à petits grains (nanocristallins) et des

matériaux à gros grains (tôles fer-silicium).

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Figure 40 : Relation entre champ coercitif et taille de grain des matériaux ferromagnétiques

En imposant un régime alternatif de champ magnétique au matériau assez important pour

atteindre la saturation, on décrit un cycle d’hystérésis (dit majeur) avec deux courbes distinctes

pour la phase croissante et la phase décroissante. Ce phénomène d’hystérésis est dû au

comportement non réversible des matériaux magnétiques et on parle d’effet mémoire. Il

s’explique par le fait que lorsque les parois de Bloch se déplacent dans un matériau réel

comportant de nombreux défauts, elles vont être piégées par ces défauts tant que le champ

magnétique n’est pas assez puissant. Il faudra donc encore augmenter le champ magnétique

pour passer ce défaut, ce qui va provoquer un mouvement local plus rapide que la moyenne de

la paroi, que l’on appelle l’effet Barkhausen. Le phénomène se produit en plusieurs étapes,

telles que décrites sur la Figure 41.

Figure 41 : Piégeage de paroi de Bloch [26]

Ce mouvement plus rapide va entraîner une inversion rapide de l’induction locale et donc une

création de courants de Foucault microscopiques. Le champ coercitif correspond d’ailleurs

grossièrement au champ nécessaire au passage des obstacles. Au final, la densité volumique

d’énergie dissipée lors du parcours d’un cycle d’hystérésis B(H)est égale à l’aire de ce cycle.

Les pertes par hystérésis sont aussi appelées pertes statiques car elles se manifestent même à

très faible fréquence puisque le phénomène d’hystérésis est indépendant de la fréquence.

En plus des pertes statiques, il existe également des pertes dynamiques qui n’apparaissent

qu’avec la montée en fréquence, notamment les pertes par courants de Foucault. En effet,

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d’une force électromotrice à l’intérieur du matériau. Si l’on considère une section traversée par

un flux ϕ variable dans le temps, on a donc un courant iCF qui apparaît suivant l’équation (29),

v est la force électromotrice générée, l et s sont la longueur de la boucle de courant et la

section que traverse ce courant, et σest la conductivité électrique du matériau.

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(30)

Si l’on se place dans le cas particulier du régime alternatif sinusoïdal en l’absence de diffusion

magnétique, on obtient alors l’expression (30) pour les pertes PCF associées à une boucle de

courant de Foucault, où f est la fréquence et Φ et ICF sont les valeurs efficaces du flux et du

courant. On remarque alors directement que ces pertes sont proportionnelles au carré de la

fréquence et au carré du flux (donc de l’induction). La conductivité du matériau pouvant

difficilement être modifiée, on peut réduire les pertes par courants de Foucault en jouant sur la

géométrie du noyau. En effet, ces courants s’établissent le long de boucles de longueurs l

entourant une section S traversée par le flux Φ. Les pertes seront maximales lorsque la boucle

de courant sera longue et couvrira une surface et un flux associé importants. La stratégie revient

donc à limiter la taille des surfaces conductrices perpendiculaires aux lignes de champ, c’est

pourquoi les matériaux magnétiques bons conducteurs électriques sont très souvent réalisés

avec des tôles ou des rubans de faible épaisseur. Plus l’épaisseur du feuilletage réalisé dans le

sens du flux est mince, plus les pertes par courants de Foucault seront faibles. En effet, comme

illustré sur la Figure 42, le flux qu’il est possible d’encercler est plus faible lorsque le matériau

est feuilleté, ce qui génère des boucles de courants de Foucault qui sont à la fois de plus faible

amplitude et qui parcourent des longueurs plus courtes.

Figure 42 : Impact du feuilletage d’un matériau ferromagnétique sur les courants de Foucault générés

Ces boucles de courants vont également créer un champ magnétique qui va se superposer au

champ magnétique d’excitation Hexet s’y opposer. Plus on s’écarte de la surface pour se diriger

vers le cœur du matériau, plus le champ d’opposition HCF devient grand car les boucles de

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réduite selon la profondeur, tel que représenté sur la Figure 43. Ce phénomène est appelé la

diffusion magnétique et ne présente en général un impact significatif qu’à haute fréquence. On

le caractérise par l’épaisseur de peau du matériau considéré (31) qui représente la profondeur

de pénétration dans le matériau.

Figure 43 : Illustration du phénomène de diffusion magnétique [26]

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ߤ

(31)

Il est préférable de travailler à une fréquence pour laquelle l’épaisseur de peau est supérieure à

la demi-épaisseur du matériau. Ce problème est en général largement résolu par la constitution

du noyau en tôles ou rubans effectuée pour limiter les courants de Foucault, et les matériaux

sont utilisés dans des conditions où la diffusion magnétique peut être négligée, du moins pour

les applications TMF ciblées.

En pratique, on constate expérimentalement que les pertes dynamiques ne sont pas totalement

expliquées par les courants de Foucault macroscopiques, dont une formule analytique exacte

peut être dérivée depuis les équations de Maxwell, les propriétés du matériau et la géométrie.

Ces pertes supplémentaires, qui dépendent également de la fréquence et du niveau d’induction,

sont appelées pertes par excès. Les recherches sur le comportement des matériaux magnétiques

ne sont pas encore assez abouties à l’heure actuelle pour qualifier précisément leurs origines

physiques. Plusieurs phénomènes peuvent tout du moins expliquer ces pertes tels que [27] [28]

[29] :

x Courants de Foucault liés au mouvement des parois de Bloch,

x Angles entre les parois,

x Mouvement non-sinusoïdal, non-uniforme et non-répétitif des parois,

x Diffusion magnétique et flambage des parois,

x Interactions entre les grains : taille et orientation,

x Nucléation et destruction des parois.

Il faut retenir que les pertes par excès sont principalement dues aux phénomènes physiques liées

à la dynamique des parois magnétiques. Empiriquement, on a constaté que ces pertes sont assez

bien approchées par une loi proportionnelle à l’induction et à la fréquence élevées à la puissance

1,5 [30]. On a donc au final une décomposition des pertes magnétiques en 3 parties : les pertes

par hystérésis proportionnelles à la fréquence, les pertes par courants de Foucault

proportionnelle au carré de la fréquence et les pertes par excès proportionnelles à la fréquence

puissance 1,5. La Figure 44 montre cette décomposition des pertes via le tracé des pertes par

cycle (pertes divisées par la fréquence) en fonction de la fréquence, pour chaque type de pertes.

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Figure 44 : Décomposition des pertes magnétiques par type, avec leur dépendance fréquentielle