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4. Matériaux anodiques

4.1. Matériaux d’électrode

L’anode est le siège de la réaction d’oxydation de l’eau, elle est aussi appelée réaction de dégagement d’oxygène ou OER : oxygen evolution reaction. Cette réaction est un des

procédés électrochimiques les plus étudiés. Malgré cela, le mécanisme réactionnel ayant lieu

n’est pas encore entièrement élucidé. Cela provient de la complexité de la réaction, qui a lieu

en plusieurs étapes lors desquelles ont lieu plusieurs échanges électroniques. Par conséquent, les résultats expérimentaux sont souvent difficiles à interpréter. Trasatti et al. [42, 51, 52] ont

beaucoup œuvré à ce sujet et de leurs travaux ressortent trois principales raisons à cette

difficulté de compréhension mécanistique :

 les énergies des intermédiaires formés au cours de la réaction sont élevées et de ce fait leurs hautes énergies d’activation impliquent des voies de réaction complexes qui sont

très sensibles aux propriétés de surface d'électrode.

 les gammes de potentiel nécessaires à la réaction sont élevées, et peuvent conduire à des changements de structure de la surface de l’électrode.

 les changements de surface de l’électrode conduisent à des modifications de contact

électrode/électrolyte et de ce fait la cinétique de réaction peut également évoluer au cours du temps de fonctionnement.

Ces différents éléments montrent que les paramètres structuraux de l’électrode expliqués

auparavant (II.4.3 Les électrodes) ont une grande importance lors de la réaction. Leur prise en considération devrait permettre une meilleure compréhension du mécanisme qui a lieu.

Dans les conditions standard, la réaction d’oxydation de l’eau s’effectue au potentiel

thermodynamique de 1,23 V vs. ESH (cf. 3.1 Aspect Thermodynamique). Afin que la réaction ait lieu avec un rendement raisonnable, il est nécessaire d’appliquer un potentiel

d’électrode élevé puisque la réaction n’est pas spontanée. Les potentiels anodiques appliqués

sont souvent supérieurs à 1,6 V vs. ESH en mode électrolyseur, ce qui implique que les matériaux utilisés soient stables pour de telles valeurs. La gamme de matériaux est donc

restreinte, et les matériaux carbonés sont exclus du fait de l’oxydation du carbone à des

potentiels voisins de 1 V vs. ESH [53].

Les études réalisées par Miles et al. [54, 55] ont permis de déterminer les propriétés

catalytiques de différents métaux purs non supportés pour les réactions d’oxydation et de réduction de l’eau. Trente-et-un métaux et alliages métalliques ont ainsi été testés au travers

de manipulations en voltammétrie cyclique. Cela a permis de définir les surtensions pour

chacun des matériaux pour les réactions de dégagement d’oxygène et d’hydrogène. Ces études

électrochimiques ont été effectuées directement sur des fils métalliques ou des dépôts

métalliques obtenus par électrochimie lorsqu’ils sont plongés dans une solution aqueuse d’acide sulfurique (H2SO4). Les surtensions ont été exprimées en fonction du numéro

Figure 1.8 : Résumé des potentiels d’oxydation et de réduction de l’eau sur différents

éléments métalliques. Les potentiels sont mesurés à 2 mA cm-2lors d’études par voltammétrie cyclique à 50 mV s-1 dans 0,1 mol l-1 H2SO4 à 80 °C [54].

D’après ces travaux les métaux possédant les meilleures activités catalytiques pour le dégagement d’oxygène seraient les suivants (après classement par ordre décroissant) : Ru ≈ Ir

> Pd > Rh > Pt > Au > Nb.

Dans la gamme de potentiel correspondant à la production de dioxygène (oxydation de

l’eau) des phénomènes de corrosion ainsi que la formation de couches de passivation ont été

observés pour de nombreux éléments métalliques. Sous potentiel, le degré d’oxydation de

l’élément métallique augmente et la présence d’eau conduit à la formation de l’oxyde, rendant la surface de l’électrode non conductrice pour certains éléments métalliques. Compte tenu des potentiels appliqués à l’électrode lors de la réaction d’oxydation de l’eau, les matériaux seront toujours sous forme oxyde en surface. C’est pourquoi il est nécessaire que les oxydes utilisés

aient une bonne conductivité électrique et soient stables lors de leur utilisation en tant que matériaux anodiques de manière à ne pas être oxydés davantage.

La réaction de dégagement de l'oxygène implique la formation et la rupture de liaisons

processus d’électrocatalyse nécessite la formation d’un intermédiaire réactionnel à la surface du matériau oxyde. Lors de cette étape, il y a adsorption d’une molécule d’eau et une transformation de surface de l’oxyde. Cela conduit à des changements de degré d’oxydation de l’élément métallique. C’est en prenant en compte ces combinaisons de réaction que

Trasatti et al. ont établi le graphique Volcan (Figure 1.9) [42]. Les surtensions sont exprimées

en fonction de l’enthalpie de transition d’un oxyde d’un degré d’oxydation inférieur à un degré d’oxydation supérieur (∆H0

t). Les matériaux avec des valeurs intermédiaires de ∆H0t

présentent les meilleures activités. Les matériaux dont le |-∆H0t | est élevé (Fe3O4) sont trop

facilement oxydés et se lient donc facilement et fortement avec les intermédiaires réactionnels. Quant à ceux possédant un faible |-∆H0t | (PbO2) il est très difficile de les oxyder

et par conséquent, les réactifs et intermédiaires réactionnels sont adsorbés en trop faible quantité.

Figure 1.9 : Activité électrocatalytique pour le dégagement de l’oxygène de différents oxydes

en fonction de l’enthalpie de la transition d’un oxyde d’un degré d’oxydation inférieur à un degré d’oxydation supérieur en milieu acide (○) et basique (●)[42].

La capacité de l'oxyde à subir des transitions de nombre d’oxydation du métal est donc clairement un paramètre important en ce qui concerne son activité électrocatalytique. Matsumoto et al. [50] ont observé que deux facteurs contribuent fortement à l’efficacité électrocatalytique des oxydes. Le premier est le transfert électronique dans la structure du matériau : il est dépendant du niveau de Fermi des oxydes. Le second est la force de la liaison Métal-Oxygène générée lors de la formation des divers intermédiaires : elle est critique dans

la détermination de la vitesse de désorption et/ou d'adsorption impliquée dans la réaction de

dégagement d’oxygène.

Rogers et al. [56] ont corrélé les propriétés électroniques d’oxydes avec leurs structures cristallines. De cette étude, il ressort que le comportement de transport électronique au sein des oxydes est fortement lié à la structure cristallographique du matériau et plus particulièrement à la structure électronique des éléments métalliques et de leurs liaisons.

Il semblerait qu’en plus des paramètres définis auparavant pour la conception d’électrode (cf. 2.4.3 Les électrodes), de nouveaux facteurs sont à prendre en compte. Matsumoto et al. [50] les ont répertoriés (Tableau 1.3) en fonction de leurs contributions

pour la réaction de dégagement d’oxygène.

Tableau 1.3 : Principaux facteurs contribuant à la réaction de dégagement d’oxygène par

électrocatalyse proposé par Matsumoto et al. (tableau adapté à partir de la référence [50]).

Facteurs Étape influencée

Structure électronique Transfert électronique Énergie de liaison M-O Étape reliée aux espèces adsorbées

Nombre d’électrons sur les couches externes Étape reliée aux espèces adsorbées

Oxydation et réduction de surface Étape reliée aux changements de configuration de surface