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Entre 25 et 20 Ma, une partie du domaine ALKAPECA se détache et se fragmente : les Kabylies dérivent vers le Sud à la faveur de l’ouverture du bassin Algérien (Rehault et al.,

II. Une composante lithosphérique dans la topographie des Atlas marocains : modélisation, quantification, origine

II.3. Complément : discussion sur l’origine de l’anomalie lithosphérique au Maroc

II.3.1. Le massif du Hoggar, un bon analogue pour les Atlas ?

Comme nous venons de le voir, l’anomalie lithosphérique identifiée au Maroc présente un certain nombre de particularités, que nous rappellerons ici brièvement :

- elle est associée à un bombement topographique dont l’amplitude atteint 1000 m et qui affecte un vaste domaine.

- sa géométrie est allongée dans une direction NE-SW, puisqu’il s’étend sur au moins 600 km de long depuis l’Anti-Atlas jusqu’au Nord du Rif, pour une largeur limitée à 150 km au maximum.

- elle se localise pour sa partie Moyen-Atlas/Haut-Atlas sur des zones affaiblies lors des phases de rifting au Trias et au Lias (voir chapitre I.1.3.) et déjà héritées de l’Hercynien (chapitre I.1.2.)

- elle est jalonnée par un volcanisme débutant à l’Eocène (champs de dykes de Taourirt du Moyen Atlas, Mokhtari et Velde, 1988 ; volcanisme du Rekkame, Rachdi et al., 1997 ; complexe de Tamazert, Mourtada et al., 1997), et qui atteint son paroxysme en terme de

volume au Miocène (volcans du Siroua : 11 à 3 Ma – massif du Sahro : 10 à 2.8 Ma – Berrahma

et Delaloye, 1989 ; Berrahma et al., 1993 – Moyen-Atlas, Harmand et Cantagrel, 1984) et se poursuit au Plio-Quaternaire (Harmand et Cantagrel, 1984, El Azzouzi et al., 1999 et références incluses).

- Enfin, un point important n’a pas encore été discuté : il s’agit de l’absence de flux de

chaleur anormal : même si les données sont relativement peu nombreuses et montre une

variabilité importante, elles ne dépassent pas 55 mW/m2 dans l’Anti-Atlas (Rimi, 1999). Le

gradient géothermique calculé pour l’Anti-Atlas est même le plus faible des domaines étudiés par cet auteur (Fig. II.3). Nous reviendrons sur cette information lors de la comparaison avec le Hoggar.

Le massif du Hoggar (ou Ahaggar) est une importante province magmatique située à plus de 1500 km au SE du système marocain (voir localisation Fig. II.1.). En 2005, Liégeois et al., puis Dautria et al., 2005. ont proposé une synthèse des données disponibles et discuté le

Fig. II.3. : Géothermes calculés par Rimi (1999) pour différentes régions du Maroc. Etonnamment, les régions affectées par l’amincissement lithosphérique montrent des gradients de température moins importants que le reste des zones analysées.

sensiblement NE-SW. Topographiquement, cette boutonnière correspond à un vaste dôme

d’échelle lithosphérique : 600 km de diamètre et 700 m de haut en moyenne (périphérie entre

350 et 500 m, centre entre 1200 et 1500 m, localement plus de 2000 m). Pourtant, la quasi-absence de déformation Cénozoïque dans cette région ne permet pas d’attribuer une telle topographie à un sur-épaississement crustal l’origine.

Les études géophysiques ont montré que le Hoggar est caractérisé par une anomalie

gravimétrique fortement négative et de grande amplitude (Crought, 1981 ; Lesquer et al.,

1988). Ces derniers auteurs montrent que ce résultat est probablement lié à un manteau

anormalement léger sur une zone ayant la forme d’une ellipse de 400 sur 200 km, et centrée sur le bombement topographique et les édifices volcaniques. Le grand axe de cette ellipse

correspond à un linéament tectonique N70°, le linéament de l’oued Amded (Dautriat et Lesquer, 1989). Le toit de cette anomalie serait situé à une cinquantaine de kilomètres de profondeur. Il s’agit donc bien d’un processus lithosphérique. Ainsi, si la géométrie de l’anomalie à l’origine du bombement du Hoggar est peut-être moins « étirée » que celle de l’anomalie identifiée au Maroc, elles partagent un certain nombre de caractéristiques communes :

- Elle est d’échelle lithosphérique.

- La topographie produite est équivalente.

- Elle est localisée sur une zone d’accidents tectoniques hérités.

Autre point commun avec le système marocain, l’âge du volcanisme est tout à fait

similaire. Il débute à l’Eocène Supérieur / Oligocène (Aït-Hamou et al., 2000), puis cesse pour

reprendre de façon beaucoup plus abondante au Mio-Pliocène, entre 20 et 4 Ma (Rognon et al., 1983). Enfin, le dernier épisode éruptif a lieu du Pliocène supérieur à l’actuel (Aït-Hamou et al., 2000).

Tout comme au Maroc, les mesures de flux de chaleur n’ont pas révélées de valeurs anormales (Lesquer et al., 1989), avec un flux de l’ordre de 50 mW/m², soit sensiblement équivalent à celui mesuré au Maroc. Ce flux de chaleur faible alors qu’une anomalie thermique est présumée être à l’origine des observations ci-dessus est surprenant. S’il ne confirme pas la présence de matériel anormalement chaud, il ne signifie cependant pas non plus qu’il n’existe pas d’anomalie thermique en profondeur comme le montrent nos modèles, où le flux de chaleur modélisé reste relativement modéré malgré la forte remontée des isothermes.

L’ensemble de ces observations de surface montre ainsi une très grande similarité entre les anomalies atlasique et du Hoggar. Nous allons voir que les données apportées par la tomographie sismique vont aussi dans ce sens.

La figure II.4. montre une carte de la structure lithosphérique de l’Afrique de l’Ouest, réalisée à partir du modèle 3D de N. Shapiro, lequel est basé sur les données de diffraction des ondes de surface (http://ciei.colorado.edu/~nshapiro/MODEL/ ; Ritzwoller et al., 2002 ; Shapiro et Ritzwoller, 2002). Les provinces volcaniques ont été indiquées, ainsi que les chaînes Atlasiques. On notera que dans la région considérée, la résolution est limitée et ne permet pas de visualiser des structures de taille inférieure à 100 km (Liégeois et al., 2005). Ceci expliquerait pourquoi l’anomalie lithosphérique modélisée au Maroc n’apparaît pas sur ces images.

Fig. II.4. Cartes tomographiques de l’Afrique de l’Ouest basées sur le modèle de N. Shapiro (Ritzwoller et al., 2002 ; Shapiro et Ritzwoller, 2002 ;

http://ciei.colorado.edu/~nshapiro/MODEL/). L’échelle de couleur indique le pourcentage de

déviation des vitesses par rapport aux vitesses de référence (4.483 km/sec à 100 km, 4.473 km/s à 150 km, 4.494 km/sec à 200 km et 4.562 km/sec à 250 km). Le volcanisme Cénozoïque est reporté en noir, ainsi que la chaîne des Atlas. Le craton Ouest Africain est tout à fait visible. Le Hoggar comme les Atlas occupent une position similaire par rapport à celui-ci, étant situés sur sa bordure jusqu’à la profondeur de 200 km. A partir de 250 km, il ne semble plus y avoir de corrélation entre la position du volcanisme de surface et les anomalies de vitesses.

l’exception, sur la coupe à 250 km de profondeur, d’une zone de basse vitesse (-2%) sous le Hoggar et d’une zone de haute vitesse sous le Haut Atlas Central et l’Anti-Atlas (+3%).

Il semble ainsi qu’à partir de 250 km de profondeur, il n’y ait plus de corrélation entre

volcanisme en surface et variations des vitesses des ondes à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest.

Ceci tendrait à montrer que les processus à l’origine de ces anomalies lithosphériques sont relativement peu profonds. Ceci semble être confirmé par les données de tomographie publiées par King et Ritsema en 2000 (Fig. II.5.)

Sur la base d’observations géologiques, Liégeois et al. (2005), proposent un modèle de la structure lithosphérique du Hoggar (Fig. II.6.). Le craton Ouest Africain est séparé des métacratons environnants par des zones étroites de lithosphère fortement amincies et qui correspondent à des domaines hérités de l’orogenèse Panafricaine. La faible largeur de ces

zones amincies ne permet pas leur détection par la tomographie, qui aurait tendance à lisser

la transition craton – métacraton. La géométrie des amincissements lithosphériques proposés est

proche de celle modélisée pour le Maroc.

Fig. II.5. Anomalies de vitesses sous l’Afrique, l’Atlantique et l’Amérique du Sud à 100, 350 et 600 km de profondeur par rapport au modèle PREM (Preliminary Reference Earth Model ; Poirier (2000)). La seule anomalie profonde marquée sous l’Afrique est située sous le système de rift Est Africain. D’après King et Ritsema (2000).

Fig. II.6. Coupe Est-Ouest proposée par Liégeois et al. (2005) depuis le craton Ouest Africain et traversant le massif du Hoggar (entre 1 et 5°E), basée sur les données géologiques. La similarité de forme avec l’anomalie lithosphérique identifiée au Maroc est frappante. La géométrie observée en tomographie est indiquée ; de par sa faible résolution, elle lisse les anomalies déduites de la géologie.

Ainsi, les anomalies lithosphériques identifiées dans le Hoggar et dans les Atlas marocains présentent-elles des similarités frappantes : même bombement en surface, même

chronologie des épisodes éruptifs, même flux de chaleur, même position en bordure du craton Ouest Africain, même localisation sur des zones de faiblesse héritées, et probablement même structure lithosphérique allongée, si l’on suit le schéma proposé par Liégeois et al.

(2005). Nous proposons que les mécanismes qui ont conduit à leur genèse soient similaires.