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Entre 25 et 20 Ma, une partie du domaine ALKAPECA se détache et se fragmente : les Kabylies dérivent vers le Sud à la faveur de l’ouverture du bassin Algérien (Rehault et al.,

II. Une composante lithosphérique dans la topographie des Atlas marocains : modélisation, quantification, origine

II.3. Complément : discussion sur l’origine de l’anomalie lithosphérique au Maroc

II.3.2. Des modèles possibles pour le massif du Hoggar…

L’origine du massif du Hoggar est toujours débattue, et plusieurs modèles ont été proposés. Deux d’entre eux sont particulièrement séduisants ; nous verrons qu’ils sont aussi tout à fait compatibles entre eux et permettent de rendre compte d’une grande partie des observations.

II.3.2.a. Un rouleau convectif au contact de deux lithosphères d’épaisseurs différentes

Ce scénario fait intervenir le modèle proposé par Elder (1976), puis repris King et Anderson en 1998 de « edge-driven convection » (EDC). Ces auteurs proposent que les

contrastes de températures entre les zones cratonisées à lithosphère très épaisse et les ceintures mobiles adjacentes favorisent la création d’un rouleau de convection mantellique (Fig.

II.7.). Ce rouleau provoque une remontée asthénosphérique située entre 600 et 1000 km de la bordure du craton (Fig. II.8., King et Ritseman, 2000). La fusion partielle à l’origine du magmatisme est directement liée à la décompression relative à l’activité de ce rouleau de convection. L’implication de matériel lithosphérique sub-cratonique permettrait d’expliquer la

nature enrichie des magmas souvent interprétés comme étant d’origine profonde (manteau

inférieur), ainsi que des taux de fusion partielle importants, le contenu en volatils abaissant le solidus et le liquidus. Dans ce modèle, la cause du magmatisme est donc inhérente à la structure même du système.

Fig. II.7. a. Principe de l’ « edge-driven convection » (EDC) définie par Elder (1976). La juxtaposition

d’une lithosphère épaisse (cratonique) avec une lithosphère mince génère une instabilité au niveau du contact vertical entre les deux lithosphère.

b. Simulation numérique du rouleau convectif par King et Anderson, 1998. Les températures dans la lithosphère sont normalisées, la base étant à 1300°C. Le sens de rotation va à l’ encontre de toute extension à l’aplomb du rouleau.

a

b

Fig. II.8. Modèle numérique de « edge-driven convection » proposés par King et Ritsema (2000) partant de la juxtaposition d’un craton et d’une lithosphère mince à t=0, et montrant l’évolution du rouleau convectif. Les variations de température et le champ de vitesse sont représentés.

Le rouleau convectif induit la remontée de matériel chaud à environ 300 kilomètres de la bordure du craton. Les auteurs

Compte tenu de la coupe lithosphérique proposée par Liégeois et al. (2005), à partir de la géométrie de surface (Fig. II.6.), il est envisageable que les variations d’épaisseurs entre le

craton Ouest-Africain et les métacratons adjacents aient initié une telle convection. King et

Ritsema (2000), suggèrent d’ailleurs explicitement que le volcanisme intraplaque africain du Hoggar, du Tibesti, ainsi que d’autres « points chauds » entourant les cratons africains (mais pas le Maroc) soient liés à ce mécanisme.

Ce modèle permet donc de rendre compte de bon nombre d’observations : fusion partielle, composition enrichie des laves, bombement, origine relativement superficielle -lithosphérique - du processus. Ces phénomènes se localisant le long de la bordure du craton, il

explique aussi la géométrie allongée des structures. De plus, il justifie la persistance du volcanisme sur une longue période géologique. Il pourrait aussi expliquer le caractère épisodique du magmatisme. En effet, King et Anderson (1998) montrent que si le craton

concerné se déplace à plus de 2 cm/an par rapport au manteau sous-jacent, le cisaillement ainsi généré supprime le rouleau convectif. Or, si l’on suit les modèles de Duncan et Richard (1991) ou de Garfunkel (1992) (Fig. II.9), l’Afrique est restée relativement fixe (vitesses inférieures à 10 km/Ma) entre 60 et 35 Ma, puis a repris son mouvement vers le Nord jusqu’à 20 Ma avec des vitesses supérieures à 20 km/Ma, et enfin a fortement ralentie jusqu’à l’actuel (vitesses à nouveau inférieures à 10 Ma). La période « d’accélération » correspond donc à la période où aucun volcanisme ne se manifeste ; cette observation pourrait être reliée à l’annihilation du rouleau convectif, du fait de vitesses de déplacement de la plaque trop importantes.

Fig. II.9. Vitesses de la plaque Afrique dans un référentiel « point chaud », d’après Garfunkel (1992) – courbe pointillée – et Duncan et Richard (1991) – courbe continue. Les deux modèles montrent les mêmes tendances : des vitesses rapides entre 100 et 60 Ma, un ralentissement très fort pendant l’Eocène-Oligocène, puis une reprise du mouvement jusqu’à 20 Ma. On notera que les périodes de vitesses lentes coincident avec les périodes d’activité magmatiques dans l’Atlas et le Hoggar (zones grisées).

II.3.2.b. De la délamination lithosphérique linéaire le long d’anciens accidents.

Cette idée a été proposée par Liégeois et al. en 2005 pour rendre compte des forts amincissements de la lithosphère appuyés par les arguments géologiques. Comme nous l’avons vu, le volcanisme du Hoggar se localise sur des zones d’accidents (« shear zone ») héritées du Panafricain en bordure du craton Ouest-Africain. Les auteurs proposent que la réactivation de ces zones affaiblies, en réponse aux événements tectoniques lointains, entraîne une « délamination lithosphérique linéaire ». Le matériel lithosphérique est alors remplacé par de l’asthénosphère qui fond lors de la remontée adiabatique. Un des problèmes que soulève cette hypothèse est que la remobilisation Cénozoïque des zones d’accidents dans le Hoggar est très limitée, et n’est pas susceptible d’initier un sur-épaississement lithosphérique nécessaire à la délamination. Une solution est de proposer que le modèle de « edge-driven convection » a favorisé fortement cette délamination linéaire le long de zones très affaiblies, comme le suggère Liégeois et al., 2005. Les deux phénomènes seraient donc complémentaires.

II.3.2.c. Le panache profond, une proposition en inadéquation avec les observations ?

L’idée d’un point chaud d’origine profonde à l’origine des phénomènes dans le Hoggar

a été proposée à de nombreuses reprises (Sleep, 1990 ; Burke, 1996 ; Ebinger et Sleep, 1998). Aït-Hamou et Dautria (1997), ont essayé de concilier les observations et un modèle de panache impactant la croûte Africaine. Leur reconstitution fait intervenir les événements suivants :

- il y a 60 Ma, la plaque africaine est quasi-stationnaire. Le Hoggar est situé à l’aplomb

d’une cellule convective qui va, pendant 25 Ma, s’amplifier et se transformer progressivement

en un petit panache.

- vers 40 Ma, la tête du panache atteint la lithosphère, la réchauffe et provoque une première phase de fusion partielle et les premiers épanchements éocènes.

Deux hypothèses sont ensuite proposées :

- soit le matériel profond apporté par le panache s’étale sous la lithosphère. A 35 Ma, la plaque Afrique reprend son mouvement et la tête du panache, séparée de son conduit

La richesse en volatils du matériel profond du panache favorise la fusion partielle locale du manteau, ce qui donne lieu au volcanisme Mio-Plio-Quaternaire, bien que le système soit coupé de son alimentation originale.

Pourtant, différents arguments semblent aller à l’encontre d’une origine profonde du magmatisme du Hoggar. L’absence d’anomalie thermique ne correspond pas aux critères du panache profond défini par Wilson. Aucune trace du point chaud relative aux mouvements de la plaque Afrique n’existe. Il n’y a pas de corrélation entre le volcanisme et la structure

profonde au-delà de 150 km (voir Fig. II.4.). La persistance d’une anomalie lithosphérique sur

près de 50 Ma est, d’un point de vue thermique, difficile à justifier, de même que sa géométrie allongée. Enfin, aucun système radial de dyke n’est connu dans le Hoggar.