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Après avoir subi les multiples épisodes de déformation que nous avons détaillés dans les sections précédentes, le Maroc entre dans le Cénozoïque avec un héritage structural marqué. Le rifting Triasico-Liasique, limité au Sud par le front Sud Atlasique, laisse la croûte des Mésétas partiellement amincie, à l’emplacement des futures chaînes Atlasiques.

Dès le Crétacé, l’Afrique et l’Europe amorcent leur convergence. Celle-ci se fait à des vitesses relativement lentes (généralement inférieures à 10 cm/an ; Rosenbaum et al., 2002) et est absorbée par différents processus dans le temps et dans l’espace : résorption de la Téthys par subduction, collision continentale dans les Alpes, retrait de slab (« slab roll-back ») en Méditerranée, déformation intracontinentale (Pyrénées, Atlas). Les interactions entre ces différents mécanismes sont difficiles à établir. Nous verrons cependant que, même s’ils sont une conséquence directe de la convergence, ils possèdent néammoins des « moteurs » qui leurs sont propres.

I.2.1. La convergence Afrique - Europe.

La reconstruction des étapes de la convergence entre deux plaques est essentiellement basée sur les données d’anomalies magnétiques du plancher océanique (Pitman et Talwani, 1972). L’apport régulier de nouvelles données permet de remettre à jour les modèles cinématiques. Récemment, Rosenbaum et al. (2002), ont réinterprété les mouvements relatifs entre Europe, Afrique et Ibérie, à partir des données de nombreux auteurs (Klitgord and Schouten, 1986; Srivastava and Roest, 1989, 1996 ; Lawver et al., 1990; Müller et al., 1990 ; Srivastava et al., 1990a, 2000 ; Roest et al., 1992 ; Royer et al., 1992 ; Srivastava and Verhoef, 1992 ; Torsvik et al., 2001). Plusieurs difficultés interviennent dans ces reconstructions : la plus vieille anomalie reconnue dans la croûte océanique Atlantique est datée à 154 Ma (M25), ce qui exclut toute analyse antérieure ; la dernière anomalie remonte à 9.9 Ma (anomalie 5) ; pendant près de 40 Ma (entre 120 et 83 Ma), aucune inversion n’a eu lieu (Cretaceous Normal Superchron, CNS). Il a cependant été possible de retracer le mouvement relatif de trois points « africains » par rapport à l’Europe (Fig. I.17).

Il ressort de cette étude l’évolution suivante. Entre le Jurassique Moyen et le Crétacé Inférieur, le mouvement Afrique/Europe correspond à un déplacement latéral senestre. Le passage d’un mouvement coulissant à la convergence est difficile à dater, et n’est pas synchrone pour les trois points :

- Pour le point IAF, situé au Maroc, l’enregistrement magnétique montre qu’entre les anomalies 34 (83 Ma) et 32 (71.1 Ma), le mouvement est décrochant, avec une composante convergente très limitée voire totalement inexistante (voir Fig. I.17B). La convergence débute entre les anomalies 32 (71.1 Ma) et 21 (46.3 Ma), avec des vitesses inférieures à celles des points IIAF et IIIAF pour la même période.

- Pour les points IIAF et IIIAF, le passage décrochement/convergence se produit pendant une longue période de polarité normale : le « Cretaceous Normal Superchron », entre les anomalies M0 (120.2 Ma) et 34 (83 Ma). Sur la base des âges du métamorphisme de type haute pression dans les Alpes, Dewey et al. (1989), propose un âge de 92 Ma pour l’initiation de la convergence. Nous verrons cependant que cet âge peut être discuté.

Une fois initiée, la convergence ne sera pas continue. Entre les anomalies 31 (67 Ma) et 24 (55 Ma), elle cessera presque totalement, peut-être en raison du début d’une première phase de collision continentale dans les Alpes à 65 Ma, puis reprendra avec des vitesses allant de 15 km/Ma à l’Est (point IIIAF) à 7 km/Ma à l’Ouest (point IAF). A partir du Miocène Inférieur, la convergence se poursuit avec des vitesses faibles, partout inférieures à 10 km/Ma.

Le problème de l’âge de l’initiation de la convergence permet de soulever un point intéressant. Dewey et al. (1989), supposent que le métamorphisme haute pression alpin marque l’initiation de cette convergence. Une telle hypothèse suppose une corrélation directe entre les mouvements des plaques à grande échelle et les processus orogéniques. Nous allons voir dans la partie qui suit que la réponse du domaine Méditerranéen Occidental à la convergence Afrique-Eurasie est complexe et inattendue, avec le développement de systèmes extensifs en contexte de convergence.

I.2.2. L’évolution Cénozoïque de la Méditerranée Occidentale.

I.2.2.A. Un scénario d’évolution possible.

Comme nous venons de le voir, la convergence Afrique - Europe s’initie au Crétacé

Supérieur (Le Pichon et al., 1988 ; Dewey et al., 1989 ; Stampfli et al., 1991 ; Dercourt et al.,

1993 ; Ricou, 1994). La Téthys Alpine subducte alors sous le système Alpin.

A l’Eocène Supérieur a lieu la principale phase compressive dans les chaînes intracontinentales des Pyrénées et des Atlas (Vergès et al., 1995 ; Meigs et al., 1996 ; Frizon

de Lamotte et al., 2000). Elle se poursuivra dans les Pyrénées jusqu’à l’Oligocène.

Un changement considérable se produit autour de 35 Ma, à la limite Eocène -

Oligocène. La subduction Alpine, au Nord, atteint le stade de collision continentale (Doglioni et

al., 1997). La plaque Adriatique est alors accolée à l’Eurasie. Le front de subduction de la Téthys Occidentale est situé le long des côtes Est espagnoles, auxquelles sont accolées les blocs Baléares, Sardaigne, et Corse (Fig I.19). Sur la marge Est de ces blocs se trouve le domaine ALKAPECA (Fig I.19B), incluant les massifs internes d’Alboran, des Kabylies, du Peloritain et de Calabre (Bouillin et al., 1986).

Il s’initie alors un phénomène de retrait de la plaque plongeante Téthysienne («

slab-roll back »). Elle se déchire en deux panneaux qui vont se retirer d’abord vers le Sud, puis rapidement vers l’Est et vers l’Ouest (Malinverno et Ryan, 1986 ; Jolivet et al., 1999, 2000 ;

Fig. I.18.

A. Schéma des principaux domaines structuraux de la Méditerranée Occidentale, montrant les principales chaînes intracontinentales et les bassins d’arrière arc. Modifié d’après Doglioni et al. (1999) et Frizon de Lamotte et al. (2000).

B. Relief de la Méditerranée Occidentale et de son pourtour. Le contour des chaînes intracontinentales est rappelé. L’Atlas Marocain correspond à la plus haute chaîne de la zone représentée.

Le retrait des plaques subductantes (ou « slabs ») provoque l’ouverture de plusieurs

bassins arrière arcs : bassins Liguro-Provençal et golfe de Valence dans un premier temps, puis

bassins Algérien et Tyrrhénien (Fig. I.18A). Les blocs lithosphériques Baléares, Sardaigne et

Corse sont entraînés et subissent une rotation importante : le bloc corso-sarde effectuera par

exemple une rotation de 60° entre 25 et 10 Ma dans le sens anti-horaire (Gueguen, 1998).

Si l’on se concentre sur la partie Ouest de la Méditerranée Occidentale, plusieurs étapes importantes peuvent être soulignées.

Entre 30 et 25 Ma s’ouvre le bassin de Valence (Fig. I.18), et l’ensemble Baléares-

Sardaigne - Corse - ALKAPECA, encore relativement solidaire, commence à dériver vers le Sud-Est.

Entre 25 et 20 Ma, une partie du domaine ALKAPECA se détache et se fragmente : les