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et "Marnes dolomitiques"

4.2.5 Les Marno-calcaires

Synonymie : "Calcaires terreux et schisteux" p.p.? (de La Harpe, 1877); "GHinzend schwarze, kalkige Schieferthone; Angulatus-Schichten" (Bachmann, 1878); "Lias moyen et inférieur" p.p. (Favre et al., 1883);

"schwarze zerreibliche, oft gUinzende Thonschiefer", "Arieten-Gryphithenkalk" p.p. (von Pellenberg, 1893);

"Schistes Hettangien" (Lugeon, 1905); "Hettangien : Schistes marneux" (Lugeon, 1914a); "Kalke und Schiefer mit fossilreichen Sanden" p.p. (von Tavel, 1937); "Argiles schisteuses et bancs calcaires" (Collet, 1947a); "Hettangien : schistes argileux sombres" (Baer, 1959); "Hettangien : Mergel- und Kalkschiefer"

(Furrer, 1962); "Tonschiefer mit Mergelkalken, Sandsteine" p.p. (SchUippi, 1978); "Hettangien: Tonschiefer und Sandsteine" p.p. (Schlappi, 1980); "Tonschiefer und Kalksandsteine" p.p. (Hügi et al., 1988).

De part sa prédominance marneuse, cette formation est généralement mal affleurante; elle est également fortement replissée et le siège de décollements localisés. Son épaisseur varie entre la dizaine (Oberferden, 621 '800/138 '900/2360) et la trentaine de mètres (Bachalp, 619'900/133'950/2280). Elle est bien délimitée par rapport aux "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" à sa base; de même, le passage aux "Calcaires à Gryphées" est assez franc (Fig. 4.1).

4.2.5.1 Lithologie_

Il s'agit d'une alternance marno-calcaire monotone. Les mames noires luisantes, parfois avec un éclat métallique, légèrement silteuses, peuvent localement s'indurer et former des zones plus calcaires centimétriques à décimétriques, demeurant toutefois très feuilletées. Tous les 20 à 300 cm, s'intercalent des bancs de 5 à 20 cm de calcaire argileux, siliceux ou bioclastique, à patine bleutée ou gris cendré et à cassure noire parfois finement spathique ou esquilleuse. Les bancs calcaires, d'abord argileux, deviennent progressivement bioclastiques et siliceux vers le haut. Vers le sommet, on peut également reconnaître quelques fragments de macrofaune : gros lamellibranches (Gryphaea sp. ?), bélemnites, ammonites (indéterminables). Les contacts inférieur et supérieur des bancs sont nets. Les marnes et les calcaires sont généralement assez pyriteux. En surface de banc, des Chondrites sont parfois reconnaissables. Aucune structure sédimentaire n'a été observée.

4.2.5.2 ~icrofaciès

Seuls les bancs calcaires suffisamment compacts se prêtent à l'étude microscopique. Ce sont des ~udstones à la base et des Wackestones bioclastiques vers le sommet.

Mudstones : moins de 5 % d'éléments figurés (échinodermes et quelques rares foraminifères benthiques [Nodosaridae]) et environ 1 % de quartz détritique fin sont dispersés dans une micrite calcaire recristallisée et très argileuse. Autour de la pyrite, les ombres de pression peuvent atteindre 4 x le diamètre apparent du grain. Le quartz authigène est plus fréquent dans les plages recristallisées. Les contraintes ont donné à la roche un aspect

"stylolaminated".

Wackestones: (Planche 1/Fig. 4) jusqu'à 40% d'éléments figurés parmi lesquels les microgastéropodes costulés ou lisses abondent (environ 15 %). Des ostracodes et foraminifères benthiques (Nodosaridae), les deux très peu fréquents, les échinodermes (radiales d'oursins, crinoïdes) et lamellibranches constituent le reste des bioclastes, parfois pyritisés. Les bivalves comportent des formes de type "filaments", des formes à coquille prismatiques (Jnoceramus ?, Pinna ?) et des fragments très épais (Gryphaea ?), lamellaires, grossièrement cristallisés et biocorrodés. Le quartz fin est bien trié et en proportion inférieure à 2 %. La matrice est une microsparite calcaire partiellement recristallisée en plages pseudosparitiques parfois silicifiées; elle est parcourue par de nombreux microstylolites. La dissolution par pression peut être très importante. La rotation des quelques figures géotropes, l'arrangement "circulaire" et le pourcentage variable des éléments figurés témoignent d'une bioturbation généralement intense. Aucune autre structure n'a été observée.

4.2.5.3 Ecologie et milieu de dépôt

Bachmann (1878), von Pellenberg (1893) et Furrer (1962) signalent de nombreux bivalves. ~alheureusement, les listes exhaustives de von Pellenberg ne précisent pas de quel faciès du "Lias inférieur" ils proviennent. Les formes dont la position lithostratigraphique

Stratigraphie des Rothomer 39 semble assurée sont tant des endobiontes que des épibiontes sessiles ou vagiles; ils représentent surtout des associations de type "restricted clay" et "silty clay" (Sellwood, 1978). L'abondance des microgastéropodes confirmerait la première association. Une telle communauté est typique de bathymé~es supérieures à 30 rn, en tout cas sous la base d'action des vagues (Sellwood, 1978). Un courant permanent, même faible, est cependant requis pour assurer l'apport de nutrients aux suspensivores. Contrairement à d'autres ichnofossiles, les Chondrites semblent ubiquistes et d'aucune utilité pour une estimation bathymétrique (p. ex. Basan, 1978; Ekdale, Bromley & Pemberton, 1984).

Les alternances marno-calcaires peuvent être interprétées comme rythmes primaires ou résultant de processus diagénétiques (p. ex. Einsele, 1982); il peut s'agir enfin de l'accentuation d'un signal primaire par la diagenèse. Les cycles de production de carbonate, de dilution (silice), de dissolution (carbonate), liés ou non aux variations climatiques et astronomiques, et les événements dépositionnels (turbidites, tempestites distales) constituent le premier groupe; les conséquences diverses des variations du niveau marin relatif ou eustatique entrent également dans cette première catégorie. Le second groupe comprend les processus diagénétiques réunis sous le terme général de "diagenetic bedding" (Einsele, 1982; Ricken, 1986) auxquels s'ajoutent les effets de la dissolution par pression et de la stylolitisation; de tels mécanismes ont pour principal effet de renforcer les hétérogénéités primaires du sédiment (p. ex. "diagenetic reprint model" de Fürsich, 1982; Ricken, 1986; Fig. 4.5).

X x 10cm

Fig. 4.5 : "Diagenetic reprint model'' (d'après Fürsich, 1982) (codes standards pour la lithologie et les bioclastes).

L'absence de granoclassement et de figures sédimentaires exclut les turbidites. Par contre, les différents éléments d'observation (bioturbation, contacts non-érosifs, coquilles cassées) permettent d'interpréter les bancs calcaires comme "dépôts de tempêtes ressemblant aux turbidites" (Guillocheau, 1990, cum biblio ). Ils correspondent à des décharges en milieu "mud-dominated" d"'offshore" de faciès compris entre le "shoreface" et !"'offshore" supérieur. Selon Guillocheau (1990), un tel faciès est typique de l'association distale de tempêtes et correspond au milieu d '"offshore" supérieur le plus externe (à la limite de transition vers 1 "'offshore"

inférieur). Les processus diagénétiques ont probablement renforcé ce signal primaire de calcaire et marnes en alternance. Des variations de 1 'orientation et de l'ampleur des courants, empêchant momentanément la décantation du matériel fin, paraissent peu probables au vu de la grande continuité et de la constance des bancs, en l'occurrence peu épais. Le mauvais calage biostratigraphique ne permet pas de tester l'hypothèse des cycles astronomiques; cette dernière est cependant caduque si l'on considère la fragmentation systématique des organismes. Ce dernier argument parle en faveur de tempestites.

Le milieu de dépôt correspond à une plateforme marine ouverte (ammonites, "filaments", etc.). Le terme "plateforme" se rapporte à la notion de 'subtidal compris entre la zone de transition et environ 200 rn de fond', et non à l'idée d'horizontalité opposée à celle de rampe (Ahr, 1973; Read, 1982). Cependant, si le terme "plateforme" est implicitement lié à la présence de récifs frangeants ou d'autres constructions à la rupture de pente, le modèle de rampe est certainement plus approprié (voir Read, 1982), dans la mesure où aucun argument ne permet d'envisager de tels reliefs. La zonation bathymétrique des faciès de tempêtes (Guillocheau, 1990; Fig. 4.4) indique des valeurs supérieures à 80 m. La bathymétrie peut ainsi être estimée

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entre 80 et 200 rn (plateforme "moyenne" à "externe", Cramez, 1990). La base de la série, généralement assez pyriteuse, témoigne d'un certain confinement.

Un changement radical d'environnement par rapport à celui des "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites", dominé par les tempêtes proximales, est ainsi relevé et correspond à un approfondissement marqué, avec ouverture du milieu aux influences marines franches.

4.2.5.4 Eléments de datation

De La Harpe (1877) est le premier a avoir signalé, au Müllerstein, des ammonites dans cette formation : Ammonites bisulcatus BRUG. et Ammonites more anus d'ORB. qu'il attribue au

"Lias inférieur". A Oberferden, Bachmann (1878) décrit une faune du Lias inférieur ("Angulatus-Schichten", Hettangien supérieur); une forme pourrait indiquer le sommet de l'Hettangien moyen (Alsatites laqueus QUENST.). Dans ses listes de fossiles d'Oberferden et du Ferdenpass, von Pellenberg (1893) confirme la présence du Lias inférieur. En 1905, Lugeon signale l'Hettangien supérieur dans un faciès qu'il rattache à la formation des "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites"; en dépit d'une confusion probable quant à sa position lithostratigraphique exacte (voir 4.2.4.6), la zone à Angulata est néanmoins clairement démontrée. Dans ses révisions, Collet (1947a) confirme la présence de cette zone; selon cet auteur, la zone à Planorbis (Hettangien inférieur) ne peut être mise en évidence, cachée peut-être par les éboulis. Relevons que la zonation utilisée (Spath, 1942) ne comporte que deux zones hettangiennes, contre trois actuellement admises (Dean, Donovan & Howarth, 1961; Cope et al., 1980; voir Annexe 2). La notice explicative de la feuille Gemmi de l'Atlas géologique (Furrer, 1962) signale sous les "krümelige Kalkschiefer mit Gryphaen", dans des "Mergel- und Kalkschiefer", des formes pouvant déjà indiquer le Sinémurien basal (zone à Bucklandi). Le travail paléontologique le plus récent (Loup & Meister, 1989a, b; Meister & Loup, 1989) confirme cependant la présence de la seule zone à Angulata dans la formation des "Marno-calcaires" (Fig. 4.6).4.2)

La question de la présence de 1 'Hettangien inférieur et moyen reste posée. Considérant que la sédimentation a été continue du Rhétien à 1 'Hettangien supérieur et que les conditions de dépôt étaient impropres au développement des faunes d'ammonites, Schlappi (1978, 1980) suppose la présence des deux zones manquantes : 1 'Hettangien inférieur serait présent dans le faciès "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" (voir 4.2.4.6) et 1 'Hettangien moyen se situerait à la base des "Marno-calcaires".

La présence de l'Hettangien supérieur est ainsi certaine, celle du sommet de l'Hettangien moyen (sous-zone à Laqueus) fort probable, alors que celle de l'Hettangien inférieur et moyen p.p. n'est pas exclue à la base de la formation des "Marno-calcaires", voire au sommet des

"Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites".

4·2) Le lecteur se reportera à Meister & Loup (1989) pour 1' illustration photographique des faunes déterminées.

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Stratigraphie des Rothomer 41

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Fig. 4.6 : Extension stratigraphique des ammonites du Ferdenrothom, replacées dans leur cadre lithostratigraphique (modifié d'après Meister & Loup, 1989).

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