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Synonymie : "Calcaire lamelleux gris" (de La Harpe, 1877); "Posidonienschiefer" (Ischer, 1879); "Lias supérieur" p.p. (Favre et al., 1883); "Posidonienschiefer" (von Pellenberg, 1893); "Calcaires à entroques et schistes calcaires" (Lugeon, 1905); "Toarcien : schistes argileux arénacés, calcaires parfois sériciteux, calcaires gris plaquetés, nombreuses bélemnites à la base" (Lugeon, 1914a); "Tonschiefer, übergehend in Mergel und Kalke und fossilführende Echinodermenbreccie" (von Tavel, 1937); "Argiles schisteuses mordorées" (Collet, 1947a); "Toarcien : calcaires arénacés à débris organiques et intercalations schisteuses" (Baer, 1959); ''Toarcien : sp~ttige Sandkalke und sandige Tonschiefer, schiefrige Spatkalke" (Furrer, 1962); "Tonschiefer und/oder Spatkalke" (Schliippi, 1978); "Toarcien-Kalke und Schiefer" (Schlappi, 1980); "Vorwiegend schiefrige Kalke"

(Hügi et al., 1988).

La formation des "Calcaires à entroques et marnes" constitue la majeure partie des affleurements dans les secteurs SW à N du Torrenthorn; elle est le siège de nombreux plissements et décollements. Avec les schistes aaléniens, elle représente le niveau de décollement entre la série triasico-liasique (parautochtone à autochtone relative) et la série post-toarcienne (nappe chevauchante). La schistosité y est plus exprimée que dans les formations précédentes. L'observation détaillée s'en trouve fortement compromise et seule une approche synthétique est possible. Les caractéristiques lithologiques ont incité certains auteurs à voir un équivalent des "schistes lustrés valaisans" (p. ex. Lugeon, 1905; Furrer, 1962).

Le contact inférieur est tranché, suite à la réapparition brusque des faciès calcaires, juste au-dessus des niveaux gréseux, microconglomératiques et dolomitiques qui couronnent les

"Grès massifs". Par contre, le passage aux schistes argileux de l' Aalénien est transitionnel : délit plus schisteux, diminution de 1 'épaisseur et de la fréquence des bancs calcaires, patine plus sombre avec de nombreuses taches d'oxydation, marnes devenant micacées et plus argileuses, et apparition de petits nodules siliceux centimétriques et de passées silto-gréseuses.

L'épaisseur ne peut être qu'estimée et varie entre 70 et 100 m. Cette valeur rejoint celles proposées par Baer (1959 : 40-85 rn), Furrer (1962 : 50-100 rn) et Schliippi (1978, 1980:

70-100 rn). Une 'bonne' coupe peut être relevée dans le ravin du Majinggraben (617'100/

135'750/2140). Le passage des "Grès massifs" aux "Calcaires à entroques et mames" est bien visible à l'est de la Rinderhütte (616'380/135'280/2320, Fig. 4.15), dans le ravin au sud de Galm (618'610/135'780/2190, Fig. 4.16) et de part et d'autre de l'arête montant de Schnydi vers le Schafberg (vers 2630 et 2670 rn).

4.2.10.1 Lithologie

Il s'agit d'un ensemble assez homogène, d'abord principalement calcaire, devenant siliceux, puis argileux. Cette tendance est différemment exprimée selon les endroits : le faciès calcaire est généralisé dans la région du Ferdenrothorn, avec les marnes limitées au sommet de la série, alors que le faciès marneux apparaît plus rapidement dans les domaines situés plus au SW. La patine est gris bleuté et sombre, la cassure grise à noire, parfois esquilleuse.

La base de la série est très bioclastique: des bancs décimétriques (20-60 cm) de calcaire à entroques, bélemnites et bivalves silicifiés, pyriteux, sont séparés par des marnes centimétriques (1-5 cm). Des bancs décimétriques à métriques de grès grossiers et bioturbés, des niveaux pyriteux à bélemnites et galets phosphatés, et des lits microconglomératiques s'intercalent dans les calcaires précédents (Fig. 4.15, coupe de la Rinderhütte).

Le faciès principal, surmontant les niveaux particuliers de la base, est un calcaire à

entroques, bélemnites et bivalves silicifiés, légèrement gréseux, en bancs de 5 à 50 cm (moyenne de 40 cm), séparés par des marnes (10 à 25 cm). Ces dernières sont d'abord subordonnées aux calcaires, ne formant parfois que des joints dans une série calcaire plurimétrique. Les calcaires deviennent progressivement siliceux et finement spathiques, en bancs plus minces; une altération de type "Kieselkalk" apparaît : creux elliptiques centimétriques plus calcaires séparés par des faisceaux siliceux anastomosés en saillie. Au contraire, les marnes tendent à augmenter, perdant leur aspect finement spathique et devenant siliceuses. Des gravillons dolomitiques millimétriques sont présents dans toute la série; ils sont généralement très peu abondants, mais atteignent localement 20 %.

62 Chapitre4

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Fig. 4.15 : Passage des "Grès massifs" aux "Calcaires à entroques et marnes"

(Rinderhütte, coord. 616'380/135'280/2320). Légende: voir Annexe 1.

Stratigraphie des Rothôrner 63 Quelques cas particuliers sont à signaler. Ainsi, à Galm (coord. ci-dessus), sur les grès argileux terminant les "Grès massifs" (voir 4.2.9.1), on observe un niveau micro-conglomératique à gravillons dolomitiques et dragées de quartz (Fig. 4.16; voir aussi Bugnon, 1986). Des bancs décimétriques de calcaire à entroques lui succèdent sur environ 3 rn; les sommets de banc sont bioturbés (Chondrites). Une surface durcie couronne ces calcaires : cubes de pyrite, galets phosphatés (dont un moule d'ammonite indéterminable), gravillons dolomitiques, dragées de quartz, entroques, bélemnites et microstromatolites columnaires. A Oberferden (Fig. 4.13), deux mètres de schistes argileux noirs à couleurs d'oxydation marquent la base des "Calcaires à entroques et marnes".

Les bélemnites, entroques et bivalves (entre autres : Pectinidae [Chlamys sp.]) sont présents dans toute la série, avec toutefois une prédominance à la base. Furrer (1962) signale des Lima sp. et des "Cardinies" à Schafalp.

Les bancs sont parfois agencés en séquences plurimétriques "thickening-up" ou

"thinning-up". Les perturbations tectoniques empêchent néanmoins de situer précisément ces paquets dans la série complète. Aucune figure sédimentaire n'a été observée dans les "Calcaires à entroques et marnes".

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Fig. 4.16 : Contact entre les "Grès massifs" et les "Calcaires à entroques et marnes"

(ravin de Galm, coord. 618'610/135'780/2190). Légende: voir Annexe 1.

4.2.10.2 Microfaciès

Quatre microfaciès sont présentés : calcaire à entroques, calcaire siliceux (faciès principaux), grès et microconglomérats, microstromatolite (cas particuliers).

Calcaire à en.rrogues : ce sont des Wackestones-Packstones (jusqu'à 90% d'éléments figurés). Le quartz sub-anguleux est moyennement !Tié, de diamètre compris enrre 150 et 500 Jl; il ne dépasse généralement pas 5 % (maximum de 30 %). Les bioclastes sont constitués de fragments de crinoïdes (dominants), d'oursins et de bivalves silicifiés, et de quelques foraminifères benthiques (Nodosaridae, abondants dans certains échantillons). Le réseau des débris échinodermiques est souvent phosphaté ou limoniteux. Les lithoclastes sont peu abondants (inférieurs à 1 %, de taille ne dépassant pas 1 mm) : dolomicrite et galets phosphatés à spicules. La matrice est une microsparite calcaire (calcite ferrifère), imprégnée par les oxydes de fer (jusqu'à 5 %); les plages siliceuses microcristallines et dolomitiques équigranulaires, de même que les rhomboèdres de dolomite sont subordonnés.

Le "ciment" est de type syntaxial. Matrice et ciment se trouvent dans des proportions de 1 à 1. La roche est faite d'une alternance millimétrique de lits gréseux ct de lits calcaires. Les microstylolitcs sont fréquents.

Calcaire siliceux : à quelques détails près, ils présentent les mêmes caractéristiques que les calcaires à entroques.

Avec un maximum de 50 % d'éléments figurés, cc sont des Wackestones. Le quartz ne dépasse pas 10 %. Les entroques sont de plus petite taille, les lithoclastcs plus abondants (5 %) ct diversifiées : dolomicrite, dolomie

64 Chapitre 4 péloïdale, dolosparite, feldspaths altérés. La matrice est très fortement silicifiée (jusqu'à 75 %), avec rhomboèdres de dolomite et oxydes de fer. Le ciment syntaxial est très subordonné.

Grès et microconglomérats : le quartz atteint 50 % (mono- et polycristallin, onduleux, métamorphique); il est mal trié, avec un diamètre compris entre 150 j.l et 4 mm. Les grains des fractions granulométriques élevées sont arrondis. Les lithoclastes, atteignant 1 cm de diamètre, comprennent (par ordre de fréquence décroissante) : dolomicrite, feldspath potassique et plagioclases altérés, quartzite à ciment calcaire, grès à ciment dolomitique, dolomie péloïdale, dolosparite, siltites, pélites, galets phosphatés à entroques et spicules, amas quartz/feldspath potassique et quartz/plagioclase (origine ignée probable), silice cryptocristalline ("chert") et fmalement un calcaire fin avec un foraminifère tubulaire piani-oscillant silicifié (Involutinidae ?); ces lithoclastes, arrondis, parfois corrodés ou enrobés dans une enveloppe phosphatée, sont regroupés en lits centimétriques. Les bioclastes sont constitués du cortège habituel : entroques, bivalves, Nodosaridae. La matrice est microsparitique calcaire, avec plages siliceuses et dolomitiques équigranulaires ou rhomboédriques, le tout dans des proportions variables; elle peut être localement phosphatée et hématitique. Le "ciment" est de type syntaxial. La pyrite cubique atteint 5 % delaroche.

Microstromatolite (échantillon BL 990) : la coloration et l'étude à la microsonde révèlent une alternance de lamines fines (100 à 300 j.!) (Planche III/Fig. lA et lB) :

- calcitiques ferrifères CaO : 93 % S03 : 0,8 % Fe203 : 3,5 % MgO : 1 %, - calcitiques magnésiennes CaO : 94 % S03 : 0,5 % Fe203 : 1,6 % MgO : 2,5 %,

-et pyriteuses CaO: 0,1 % S03 : 70% Fe203: 28% MgO: 0,3 %.

Des phases de croissance plus ou moins rapides sont reconnues. Une silice cryptocristalline, les oxydes de fer et la dolomie rhomboédrique sont disséminés dans la matrice.

4.2.10.3 Milieu de dépôt et interprétation

Par rapport aux "Grès massifs", la formation des "Calcaires à entroques et marnes" est généralement transgressive. La base de la série est caractérisée par des niveaux très grossiers remaniant entre autres des galets de socle, anguleux et "frais", indiquant une relative proximité des terres émergées soumises à l'érosion. Une telle situation permet d'envisager ces premiers mètres microconglomératiques comme un "basal transgressive sand" (Abbott, 1986), remaniant les dépôts littoraux accumulés en période de bas niveau marin relatif. Le fait de trouver des signes de condensation dans ce même contexte n'est pas contradictoire. En effet, il a déjà été question à plusieurs reprises du lien existant entre montée relative du niveau marin et condensation vers le "large", alors que les sédiments sont piégés en zone côtière (voir p. ex.

4.2.6.3). Les apports microconglomératiques seraient des décharges instantanées (tempêtes?) de matériel remanié depuis le littoral. Ce concept cadre bien avec les observations relatives au caractère épisodique et polyphasé de la sédimentation : les galets dolomitiques à cortex phosphatés, les microstromatolites, les niveaux à bélemnites et galets phosphatés, les lits microconglomératiques (les deux derniers imbriqués ou en succession verticale) en sont des exemples.

La masse principale de la série ne comporte aucune figure, ni particularité. L'alternance calcaire-marne doit être envisagée comme le résultat de processus soit climatiques (modifiant la productivité, le taux d'érosion, etc.), soit diagénétiques (accentuation d'un signal primaire par la diagenèse, "diagenetic bedding"; voir 4.2.5.3); les turbidites sont exclues. Sans contrôle, tant sur la biostratigraphie que sur la sédimentologie, il n'est pas possible de tester ces hypothèses.

De telles alternances semblent typiques des environnements de plateforme moyenne (p. ex.

Wilson & Jordan, 1983). L'enrichissement en silice vers le haut est peut-être lié à un approfondissement du milieu (plateforme "externe"?). A nouveau, le terme "plateforme" a une connotation avant tout bathymétrique, sans vouloir l'opposer au concept de "rampe" (voir 4.2.5.3).

De la base au sommet de la série, on relève ainsi une augmentation progressive de la tranche d'eau, passant de milieux de "shoreface-offshore" supérieur probables à des milieux de plateforme moyenne, puis externe.

Stratigraphie des Rothomer 65

4.2.10.4 Eléments de datation

La formation des "Calcaires à entroques et marnes" est classiquement attribuée au Toarcien, aucun élément de datation fiable n'ayant été reconnu jusqu'ici dans la zone considérée (les faunes de pentacrines et de bélemnites paraissent insuffisantes; p. ex. Lugeon, 1905).

Collet (1947a) propose une comparaison avec des faciès analogues de la région des Aiguilles Rouges en position structurale comparable, et reprend les datations de Lombard (1932) et Collet (1943). Le premier auteur signale dans la région de Barbérine, une Dumortieria sp. du groupe D. varians, voisine de D. explanata BUCKMANN, indiquant le Toarcien supérieur. Le second a déterminé, dans la région d'Emosson, un fragment de Dumortieria sp. et des fragments probablement rattachables au genre Hammatoceras. Bien que fort distante, cette corrélation est pratiquement la seule possible. En effet, vers 1 'est, le Lias manque dans la bordure septentrionale du Massif de 1 'Aar, où le Dogger transgresse directement sur le Trias ou le socle cristallin (p. ex. Bruderer, 1924; Rohr, 1926); ce n'est qu'à Vattis que les premiers pointements de Toarcien daté apparaissent (zone à Bifrons, et plus jeune), en contact direct sur les Quartenschiefer (p. ex. Tolwinski, 1910; Schwarz, 1974). Vers le sud, paléogéographiquement parlant, ce n'est que dans le "Bundstock Element" que le Toarcien est daté (zone à Levesquei;

p. ex. Troesch, 1908; Zwahlen, 1986), toutefois dans un faciès très différent, fortement condensé.

Cet âge Toarcien probable est confirmé par les attributions des unités encadrantes.

Rappelons ainsi que Lugeon (1905), sur la base d'une bélemnite, a montré que le Toarcien inférieur se trouve dans le sommet des "Grès massifs", bien qu'un doute subsiste quant à la validité de l'argument (voir 4.2.9.6). Vers le haut, les schistes argileux "aaléniens" ont pu être datés dans la région du Balmhorn - Gasteretal :

- Lugeon (1905) signale des "rares Harpoceras";

- Collet (1947a) indique la découverte par Ed. Paréjas ("Gitzifurggu", à l'ouest du LOtschepass) de Ludwigia arcitenens BUCKMANN (zone à Concavum);

- Schlappi (1980) a récolté dans des blocs du Gasteretal une grande quantité de Pleydellia sp. et de Leioceras sp. Selon Dean et al. (1961), le premier genre débute au Toarcien supérieur (sous-zone à Pleydellia aalensis), monte jusque dans le Bajocien basal, avec une nette acmé à 1 'Aalénien; le second genre marque l' Aalénien.

Dans la région de l'Ardève (coeur de la Nappe de Morcles), Epard (1989, 1990) signale des Ludwigia sp., des Pleydellia sp., des Harpoceratinés et des Leioceratinés (dans la Formation de Dugny, surmontant celle des Monts Rosset, équivalent de notre formation des

"Calcaires à entroques et marnes"); ces formes indiquent également le Toarcien terminal Aalénien. Ces datations sont en parfaite correspondance avec celles de la région du Balmhorn -Gasteretal.

Ainsi, par corrélations latérales et encadrement, les "Calcaires à entroques et mames"

représentent probablement le Toarcien inférieur, moyen et supérieur p.p., avec une restriction possible quant à la base de la série, ne débutant peut-être qu'au Toarcien "moyen" (zone à Falcifer).

Chapitre 5

et

Variations longitudinales