• Aucun résultat trouvé

ESE d.\\\eso.eS~

5.10 La couverture orientale du Mont Blanc (du Col des Planches au Catogne)

5.10.1 Col des Planches

La couverture morainique y est importante et les contacts entre les formations fréquemment masqués. Il est en conséquence difficile de reconstituer avec certitude la série stratigraphique; néanmoins, tous les faciès observés trouvent place dans la lithostratigraphie de Saillon et Saxon (coordonnées des meilleurs affleurements en Annexe 4.8).

La structure apparemment simple et monoclinale pendant vers l'E (40-70° vers N40-150°) est en fait compliquée par des plis à axes subverticaux et un réseau de diaclases hachant véritablement les faciès argileux et calcaires. De nombreux chevauchements avec structures sigmoïdes et en dominos perturbent encore l'ensemble.

Toutes les formations classiquement attribuées au Trias, des "Arkoses" aux "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites", ont été reconnues; elles ne montrent aucun développement nouveau.

Les "Marno-calcaires" sont représentés par environ 10 rn de marnes schisteuses argentées passant à des calcaires plaquetés argileux bleutés légèrement siliceux à bélemnites et petites ammonites limonitisées, parmi lesquelles j'ai déterminé une A rieti tes sp. (bucklandi SOWERBY ?). L'âge probable de ces marnes et calcaires plaquetés est Hettangien p.p. -Sinémurien inférieur. Le microscope révèle quelques débris d'échinodermes et de bivalves dans une matrice partiellement phosphatée et silicifiée.

Le faciès plaqueté précédent devient plus massif et siliceux, de patine beige à rougeâtre et se charge progressivement en quartz fin. Les entroques et bélemnites sont les seuls fossiles; le microfaciès est très semblable à celui de la région du Torrenthorn. Vers le haut, des boudins plus calcaires s'individualisent dans le faciès siliceux-gréseux. Ce dernier est composé de spicules de spongiaires et débris de pélécypodes dispersés dans une micrite silicifiée où le quartz fin à moyen peut atteindre 15 %. Je vois dans cet ensemble épais de 15 à 20 rn Gusqu'à 30 rn ?) un équivalent possible des "Calcaires à Gryphées". Grasmück (1961) signale des

134 Chapitre 5

"Echioceraten des unteren Lotharingien" trouvés sous le village de V ens par R. Trümpy dans un faciès qui peut correspondre à la base de cette unité.

Cinq mètres de quartzite feuilleté rougeâtre en bancs décimétriques apparaissent dans la position des "Quartzites lités"; le microfaciès correspond d'ailleurs assez bien. Les relations avec les unités sous- et sus-jacentes ne sont pas observables. Il en va de même pour quelques bancs présentant des séquences élémentaires identiques à celles de Saillon et que j'attribue aux

"Calcaires gréso-spathiques et siliceux" (visibles sur 1 rn).

Deux barres affleurent par contre dans de meilleures conditions; au vu de ce qui précède, j'y vois des équivalents des "Grès massifs". La première barre de 7 à 8 rn est formée par des grès calcaires et quartzites gris ocre à noirâtres, plaquetés à la base et massifs vers le haut, avec un joint argileux assez continu tous les 10 à 50 cm. Le quartz moyen à très grossier est mal trié et représente 60 à 80 % de la roche. Le sommet comporte quelques lentilles allongées plus calcaires. Des laminations, soulignées par du quartz plus grossier, parallèles ou obliques et des auges décimétriques suggèrent un milieu de "shoreface". Un niveau condensé pyriteux de 5 cm à galets phosphatés et bélemnites, légèrement ravinant dans le sommet des grès, marque une coupure nette par rapport à la seconde barre, épaisse de 3 à 4 m. Le faciès précédent se charge subitement en grandes bélemnites et gravillons dolomitiques millimétriques jaunes et galets phosphatés; le quartz est moins abondant. Ces éléments sont dispersés dans la masse, apparaissent en lentilles avec du quartz très grossier ou marquent timidement des limites de bancs. Il s'agit probablement d'amalgamations multiples de séquences élémentaires de "type Saillon". Un autre niveau condensé majeur de 5 à 10 cm couronne ce paquet : des dragées de quartz, quelques feldspaths altérés, entroques, débris de lamellibranches et brachiopodes (?) s'ajoutent aux éléments déjà définis. Ce sont probablement ces niveaux que Trümpy (1951a) a pu dater du Domérien supérieur.

En même temps que le quartz diminue en taille et en fréquence et que les gravillons dolomitiques disparaissent, des interbancs argileux se développent, pour former une alternance assez irrégulière sur 3 m. Les entroques représentent jusqu'à 50 % de la roche. La condensation

"lenticulaire" est toujours présente.

Sur environ 4 rn, le quartz moyen à très grossier est à nouveau plus abondant, cédant le pas aux argiles vers le haut. La patine devient grise.

Ces deux derniers niveaux sont un équivalent probable des "Calcaires à entroques et marnes". Des schistes argileux noirs très feuilletés apparaissent une dizaine de mètres plus haut et sont datés du Toarcien supérieur-Aalénien inférieur par Trümpy (1951a).

Malgré quelques incertitudes et difficultés, cette série d'environ 60 rn est manifestement très comparable à celle de Saxon (50 rn), distante d'environ 7 km.

5.10.2 Le Catogne

Cette zone a été remarquablement étudiée par Grasmück en 1961. J'ai repris les coupes les plus septentrionales (coordonnées en Annexe 4.9; coupe détaillée en Annexe 5.5). Les variations vers le sud sont en grande partie empruntées à Grasmück (Fig. 5.22).

La série stratigraphique, plus complète et plus épaisse au nord (100-120 rn), se réduit fortement vers le sud pour finalement atteindre 0 rn; cette réduction se fait sur une distance d'environ 5 km. Elle résulte des variations d'épaisseurs au sein d'une même formation, mais avant tout du biseautage de chaque unité.

Le pendage moyen des couches est de 45-70° vers l'est (N90-110°). A part un écaillage important affectant certaines des formations attribuées au Trias ("Dolomies" et "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites"), c'est une série monoclinale régulière et peu perturbée.

Les imprégnations hydrothermales sont importantes et masquent souvent les relations originelles.

Variations latérales 135 Je discute dans un premier temps les particularités lithologiques telles qu'elles apparaissent dans la partie septentrionale du Catogne, puis les variations latérales de chaque unité en direction du sud. Dans un dernier point, un schéma interprétatif est proposé.

5.10.2.1 "Arkoses", "Dolomies" et "Mames dolomitiques"

Ces trois formations présentent un développement familier, tant du point de vue des faciès que des épaisseurs.

Les "Arkoses", de 2 à 4 rn, remanient le substrat cristallin et sont ainsi avant tout composées d'éléments de microgranite porphyrique. Le ciment de certains bancs est dolomitique. Par sa patine brun rouille, sa cassure beige clair, son faciès et microfaciès, cette lithologie est très semblable aux niveaux décrits à Arbol (zone de Raron, voir 5.6.3.3 et 5.6.4).

Les arkoses du Catogne étant manifestement sédimentaires, c'est un indice supplémentaire en faveur de la nature 'primaire' du conglomérat d' Arbol et de l'interprétation de la faille de Rote Kuh - Gampel comme paléohorizontale redressée.

Grasmück (1961), conformément aux idées de Rohr (1926) et Frank (1930), interprète les arkoses comme niveau de transgression du Muschelkalk et non comme équivalent du Buntsandstein.

La formation des "Dolomies" est représentée par des calcaires dolomitiques jaunes à beiges généralement bien lités, épais de 20 à 30 m. Leur base est fortement gréseuse et des intercalations de schistes noirs siliceux sont fréquentes. Des phénomènes de dédolomitisation ont été décrits par Grasmück ( 1961 ).

Les "Mames dolomitiques" sont tout au plus représentées par une dolomie argileuse pouvant apparaître au sommet des calcaires dolomitiques précédents. Il n'y a pas de faciès

"Quartenschiefer" véritable (Grasmück, 1961).

Quelques cornieules se rencontrent de façon anecdotique : elles ne forment pas un horizon stratigraphique, et sont liées à un écaillage au sein des dolomies.

5.10.2.2 "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites"5.10)

On reconnaît, sur 3 à 8 rn, les termes habituels : schistes argilo-siliceux noirs à lentilles quartzitiques, quartzite fin massif ou feuilleté bien trié, lits de calcaire dolomitique et de calcaire lumachellique. La série se termine systématiquement par une telle lumachelle (avec Chlamys sp., Grasmück, 1961) décimétrique gris bleuté, parfois siliceuse; les fragments de bivalves sont dolomitisés et apparaissent en jaune. Ce faciès est très voisin de celui d' Arbignon.

5.10.2.3 Equivalents des "Mamo-calcaires" et des "Calcaires à Gryphées"

Comme partout ailleurs, le passage des "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" aux "Mamo-calcaires" est abrupt. La série généralement marneuse et sombre voit s'individualiser, surtout à la base et au sommet, des petits bancs pluricentimétriques de calcaire micritique gris à noir, parfois spathique. L'épaisseur est de l'ordre de 15 à 20 rn (voir coupe

"Catogne", Annexe 5.5).

Un niveau très bioclastique gris bleuté à entroques, bivalves, bélemnites, ammonites et galets phosphatés apparaît à environ 1 rn de la base, sur les lumachelles5.11). Les fragments que

5.10) Les "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" correspondent à l"'Infralias" de Grasmück (1961), les "Marno-calcaires" et les "Calcaires à Gryphées" à l'"Unterlias" et les "grès et quartzites" au "Mittel-(bis ober-) Lias".

5.11) Il affleure particulièrement bien dans la région de La Chaux (coord. en Annexe 4.9).

136 Chapitre 5 j'ai récoltés sont en piteux état, mais Grasmück (1961) a pu déterminer Schlotheimia angulata .SCHLOTHEIM; la base des "Marno-calcaires" est ainsi datée de 1 'Hettangien supérieur. Le microfaciès est banal: 20% d'entroques et quelques débris de pélécypodes sont dispersés dans une micrite calcaire très orientée.

,

Grasmück signale également une Schlotheimia sp. provenant d'un niveau lumachellique surmonté par des quartzites et d'autres lumachelles; il s'agit en fait du même niveau bioclastique, répété par un écaillage important affectant les "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" et la base des "Marno-calcaires".

Les 2 à 5 rn précédant les "grès et quartzites" massifs sont constitués d'une alternance décimétrique régulière de calcaires gréseux finement spathiques et bioclastiques et de schistes gréso-calcaires plaquetés. Le dernier mètre est très gréseux et comporte des lentilles quartzeuses grossières (jusqu'à 0,2 x 4 rn). Je vois dans cet ensemble calcaréo-gréseux un équivalent possible des "Calcaires à Gryphées". Grasmück (1961) y a déterminé Entolium cf. hehli D'ORBIGNY, forme montantjusqu'à la zone àRaricostatum (Lotharingien sup.) mais avec nette acmé au Sinémurien inférieur.

L'ensemble "Mamo-calcaires" et "Calcaires à Gryphées" comprend ainsi l'Hettangien supérieur et le Sinémurien inférieur (peut-être le Lotharingien inférieur pour Grasmück, 1961).

5.10.2.4 Grès et quartzites

Ces deux lithologies constituent la plus grande masse des affleurements liasiques et forment les grandes dalles en "dip-slope" aisément identifiables.

La base de cet ensemble est marquée par un niveau microconglomératique de 10 à 50 cm très constant, ocre à verdâtre, où le diamètre des clastes, sub-arrondis à arrondis, peut atteindre 3 cm. Un joint ferrugineux extrêmement continu en marque le sommet. Généralement sans structures, quelques laminations obliques peuvent apparaître sporadiquement. Grasmück (1961) y signale Pseudopecten aequivalvis (SOWERBY), forme du Sinémurien-Pliensbachien pour Fischer (1980), du Pliensbachien s.l. pour Termier & Termier (1959) mais que Dechaseaux (1936) restreint au "Charmouthian supérieur" (i.e. Domérien).

Microfaciès : éléments remaniés (de 500 J.l à 3 mm) : dolomicrites et quelques dolomies péloïdales {15-25 %), feldspath potassique altéré et plagioclase frais (jusqu'à 20 %), quartz onduleux et polycristallin non orienté (jusqu'à 40 %), microgranite porphyrique (jusqu'à 20 %), et microquartzite; la matrice est constituée de dolosparite équigranulaire, micas et silice microcristalline, dans des proportions identiques.

Les 40 rn suivants se décomposent en un ensemble inférieur massif beige à ocre et un paquet supérieur gris régulièrement lité (coupe "Catogne", Annexe 5.5).

Les 10 premiers mètres sont des grès grossiers (60-70 % de quartz sub-arrondi de 250 Jl à 1 mm de diamètre) en bancs de 30 à 110 cm séparés par un joint argileux continu; les amalgamations sont fréquentes. Des gravillons dolomitiques (jusqu'à 3 cm de diamètre), galets phosphatés et quartz très grossier sont présents dans tout 1 'ensemble, mais le plus souvent concentrés en lits centimétriques ou lentilles apparaissant aux limites de banc.

Les grès fins à moyens des 30 rn supérieurs sont plus régulièrement lités, en bancs de 10 à 50 cm, à nouveau séparés par un joint argileux très continu. Le quartz est plus fin et mieux trié (250-500 Jl, 50-60 %) alors que les gravillons dolomitiques ont disparu. Je n'ai reconnu ni séquences élémentaires, ni structures internes dans cet ensemble très homogène. Le dernier mètre montre de grandes sigmoïdes séparées par des filets argileux avec réactivation des surfaces par des rides de contre-courant; il s'agit d'une barre tidale (p. ex. Visser, 1980; Allen

& Homewood, 1984).

La matrice des grès grossiers comme des grès moyens est soit dolomitique soit calcaire.

Le plagioclase atteint 10 % et quelques fragments de microgranite porphyrique sont à signaler.

Des calcaires gréseux spathiques gris puis des calcaires noirs à entroques (jusqu'à 50%), couronnent l'ensemble détritique précédent sur 6 à 7 m. Les feldspaths ont disparu et le quartz ne dépasse pas 20 %. Ce niveau s'amincit rapidement vers le sud.

DOMERIEN?

supérieur

RHETIEN

:la.

~ri.

_la:

ww ID..

0~ (J)W

~~

:E

N

i

voir Annexe 5.5 pour la coupe détaillée

de ce profil

3 4

Schistes aaléniens

:

~ ~>~

· ..

~

··

..

Grès et quartzites ·.·

-·-....

--. ..

• •• 4. ··:~ .

·.

Calcaires

à Gryphées-.:_

-M arno-calcaires

--fi"""!"'~"~----~-Schistes noirs, calcaires- · '

= :

lumachelliques et quartzites-~

Dolomies et Marnes dolomitiques

_, 1.

. r--rl · . _

~fukoses--;-"'

équivalence lithostratigraphique avec les Rothorner

+-

+-5

..

·.· .. · ..

-..

.

;

Fig. 5.22: Profils synthétiques des formations triasico-liasiques du Catogne à Champex (en partie d'après Grasmück, 1961, modifié).

1 à 7 : numéros des profils de Grasmück (1961).

s

6 7

. ...

· .

.. · --·.·

: ·. · · : :·::

110

rn

-.c::::=-~--1 km

t-' w

--.J

138 Chapitre 5 Des schistes argileux feuilletés noirs et oxydés reposent en contact tectonisé sur les faciès à entroques. Ils sont datés de 1 'Aalénien supérieur dans la région de 1' Amône ( 13 km plus au sud). Grasmück (1961) n'exclut pas qu'ils puissent représenter au Catogne tout l' Aalénien et comprendre une partie du Toarcien. En conséquence, les "grès et quartzites" correspondent vraisemblablement au Domérien.

L'agencement décrit ci-dessus correspond au domaine septentrional. En direction du sud, le sommet et les parties toujours plus basses des "grès et quartzites" sont envahis par un faciès quartzitique massif brun à ocre (voir ci-dessous).

Mjcrofaciès : le quartz engrené est cimenté par développement de sous-grains; le plagioclase et les éléments de microgranite atteignent 10 %.

5.10.2.5 Variations latérales (Fig. 5.22)

Tous les faciès décrits ci-dessus se biseautent vers le sud : la série triasico-liasique épaisse de 100 à 120 rn au nord est réduite à 0 rn, à environ 5 km plus au sud où des schistes aaléniens reposent directement sur le socle cristallin; 1' angle du biseau ainsi dessiné est de 1 à 2°.

Remarquons (Fig. 5.22) que les faciès et 1 'épaisseur des lithologies sont relativement constants sur une certaine distance et que l'amincissement n'est pas graduel; les "grès et quartzites"

échappent par contre à cette règle et dessinent un biseau plus régulier.

Une variation lithologique affecte certaines formations (en grande partie selon Grasmück, 1961). Ainsi vers le sud, les "Dolomies" sont plus gréseuses, les "Marno-calcaires" plus calcaires, les "grès et quartzites" plus riches en quartz; les niveaux microconglomératiques cantonnés au nord dans les 10 rn inférieurs des "grès et quartzites" gagnent l'ensemble du niveau siliciclastique.

Les faciès supra-Lias montrent également une variation. Des schistes argileux noirs reposent sur les "grès et quartzites" au nord, alors qu'au sud un complexe de conglomérats et de calcaires gréseux et spathiques fossilifères s'intercale entre ces schistes et le socle. Il s'agit du "Conglomérat ou Poudingue de l' Amône" (Duparc et Pearce, 1898), interprété comme faciès de plage (Trümpy, 1954; Grasmück, 1961), d'arkoses, de calcaires spathiques et de la "couche fossilifère de l' Amône". Ces différents faciès représentent l' Aalénien moyen (zone à Murchisonae) et supérieur (zone à Concavum) (voir Grasmück, 1961).

5.10.2.6 Interprétation et discussion (Fig. 5.22 et 5.23)

Les quelques indices parlant en faveur de faciès plus proximaux vers le sud incitent Grasmück (1961) à voir des biseaux stratigraphiques, l'extension actuelle des faciès correspondant grosso modo aux lignes de rivage anciennes. En termes de stratigraphie séquentielle, la géométrie actuelle traduirait les variations du "coastal onlap". Cette interprétation ne paraît que partiellement exacte. Il est vrai que le massif du Mont Blanc a été une structure positive au cours du Trias et du Jurassique inférieur (Fig. 3.5); par exemple, le caractère plus détritique des dolomies et le fait que seuls les faciès du socle se trouvent remaniés dans les

"grès et quartzites" des parties méridionales alors que les galets dolomitiques abondent dans le domaine septentrional indiquent effectivement un non-dépôt probable des dolomies sur une région du massif (voir Grasmück, 1961, pour une discussion étendue).

Si le massif a ainsi pu enregistrer un jeu successif d'inondations- exondations, le biseau des formations infra-"grès et quartzites" ne peut pas être de nature dépositionnelle uniquement:

- les "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" ne montrent aucune évolution proximal-distal; de plus, le caractère extrêmement constant de ces faciès et de leurs épaisseurs sur l'ensemble du domaine étudié a été mis en évidence plus d'une fois déjà.

Ce point laisse supposer que leur extension a pu être généralisée, de toute manière plus grande qu'actuellement;

Variations latérales 139 - les "Marno-calcaires" marquent, comme sur 1 'ensemble du domaine d'investigation, une inondation rapide et importante (condensation dans le premier mètre, avec ammonites); la répartition des faciès devait là aussi être plus vaste que celle préservée.

Ces deux points m'incitent à voir une troncature par érosion de l'ensemble infra-"grès et quartzites" suite à un mouvement tectonique différentiel d'amplitude variable selon les endroits, mais correspondant grosso modo à une surrection du massif du Mont Blanc. Cette interprétation est renforcée :

- par la relative constance des faciès infra-"grès et quartzites", par leur réduction d'épaisseur non graduelle et par la géométrie du biseau sédimentaire qu'ils dessinent, géométrie où l"'onlap" relatif diminue d'amplitude de la plus ancienne à la plus jeune des formations;

- par le niveau microconglomératique ubiquiste et les caractéristiques-mêmes du corps gréseux sommital (voir ci-dessus).

Ce corps conglomératique correspond selon 1 'hypothèse présentée (Fig. 5.23) à un "basal transgressive sand" (Abbott, 1986); la partie gréso-quartzitique représente une séquence de comblement à composante aggradante dominante et tendance rétrogradante au sommet (calcaires à entroques des zones septentrionales). L'âge de la structuration se situe probablement au Domérien et n'est pas sans rappeler le cas de la synforme d' Arbignon. Comme pour cette dernière (voir 5.7.4), ce mécanisme pose le problème des faciès remaniés parmi lesquels on devrait trouver des représentants de 1 'ensemble des formations infra-domériennes, et ceci dans des unités paléogéographiques plus orientales ou méridionales. Comme à Arbignon, ce problème reste non résolu. La géométrie discutée est actuellement observable selon une transverse N-S, mais tout porte à croire qu'elle a également existé selon une orientation E-W, géométrie dont nous verrons la genèse possible au chapitre 6.

Selon 1 'interprétation proposée, le "Conglomérat de 1 'Amône" peut représenter l'équivalent littoral voire continental des grès domériens; un "pseudo-âge" Aalénien lui serait donné lors de 1 'inondation marine du Dogger inférieur. Les faciès compris entre le

"Conglomérat de 1' Amône" et les schistes argileux peuvent être les équivalents latéraux de ces mêmes schistes de la partie septentrionale; les différentes expressions lithologiques sont simplement liées à la nature du substrat sur lequel ces formations transgressent : une aire continentale cristalline avec relief au sud, un bassin homogène pratiquement comblé au nord. La Fig. 5.23 présente une vue interprétative synthétique de 1 'hypothèse développée.

Si une "île du Mont Blanc" (Frank, 1930; Trümpy, 1949) a bien existé, son identité a fortement varié au cours du Lias, avec un développement maximal au Domérien, lors de la phase de structuration. Par analogie avec la couverture occidentale du massif de 1' Aar (Baer, 1959) et la transversale glaronnaise (Trümpy, 1949), Grasmück n'exclut pas le jeu d'accidents synsédimentaires. Il interprète le corps gréseux comme le résultat d'un soulèvement du massif.