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6.3 Extrapolation à l'ensemble du domaine étudié

Le but de ce paragraphe est de voir si la cyclicité et le découpage séquentiel reconnus au Ferdenrothorn sont reproductibles dans les différentes zones étudiées, le but ultime étant de saisir l'échelle du contrôle sur les séquences de dépôt: contrôle local (i.e. à l'échelle de la zone d'affleurement) ou régional (i.e. à l'échelle de l'ensemble du domaine étudié).

Ce paragraphe intègre ainsi les résultats de l'étude des différentes zones d'affleurement exposées au chapitre 5. Ce résumé permet de dégager les événements ubiquistes et de leur donner un âge probable, synchrone ou non, à 1 'échelle du domaine envisagé.

La difficulté majeure pour cette étape est le contrôle biostratigraphique très partiel :

- sur la transversale du massif de l'Aar, la région du Ferdenrothorn exceptée, les séries ne sont pas datées; les seuls points d'accrochage proviennent du synclinal de Raron (voir 5.6.4);

- la série d'Arbignon est bien datée (Trümpy, 1945a; voir 5.7.3);

dans le coeur de la nappe de Mordes, 1 'Hettangien supérieur et le passage Toarcien -Aalénien sont seuls fixés (voir 5.8.3.2);

- l'âge liasique de la colline de Saillon est confirmé par la découverte de quelques lnvo/utina liasica (JONES) (voir 5.9.4);

- au Col des Planches, l'Hettangien supérieur- Sinémurien inférieur, le Lotharingien inférieur, le Domérien et le Toarcien supérieur- Aalénien inférieur sont reconnus (voir 5.10.1);

- au Catogne enfin, 1 'Hettangien supérieur, le Sinémurien et probablement le Domérien sont présents (voir 5.10.2).

6.3.1 Suivi latéral des formations

Il s'agit d'un rappel des apports du chapitre 5, formation après formation (variations d'épaisseur et de faciès, éléments de datation). Le lecteur se reportera aux descriptions du chapitre 5 (texte et figures) pour les compléments souhaités.

6.3.1.1 Des "Arkoses" aux "Marnes dolomitiques"

Les formations attribuées au Muschelkalk et Keuper inférieur et moyen sont développées de façon homogène, à tous points de vue. Dans le détail, on note néanmoins quelques variations : certains faciès ne sont pas présents partout (p. ex. les "Grès à roseaux" de la couverture des Aiguilles Rouges, voir 5.7.3), et la succession verticale des faciès peut être modifiée (principalement pour les cornieules). L'épaisseur totale de ces formations est par contre relativement constante et varie entre la dizaine et la cinquantaine de mètres. Cette variabilité s'exprime toujours de façon progressive d'une zone à l'autre; elle est interprétée comme la conséquence directe de la paléogéographie triasique locale et de la paléotopographie héritée du Permien.

Aucune des formations ci-dessus n'est datée dans la zone étudiée: l'âge Trias moyen et supérieur est probable par analogie de faciès avec la bordure septentrionale du massif de 1' Aar et la couverture des Aiguilles Rouges (Vieil Emosson).

6.3.1.2 "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites"

Partout où elle peut être observée dans son intégralité, cette formation est remarquablement constante: de point en point, l'épaisseur varie entre 3 et 10 rn et l'agencement vertical des faciès est généralement identique. Ailleurs, les faciès reconnus s'intègrent parfaitement dans la logique d'ensemble. Du bas vers la haut, la succession suivante est systématiquement relevée :

- (formation des "Marnes dolomitiques"),

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- quartzites, feuilletés ou non,

- récurrence de niveaux dolomitiques ou dolomies gréseuses, - calcaires lumachelliques,

- première séquence négative gréseuse "coarsening et thickening-up", - seconde séquence négative gréseuse "coarsening et thickening-up", - calcaires bioclastiques peu gréseux (

=

"paquet intermédiaire") - (formation des "Marno-calcaires").

Le fait majeur à retenir est la présence des deux surfaces d'inondation marine au sommet de la série, limitant le "paquet" faisant office d'intermédiaire entre les séquences gréseuses et les

"Marno-calcaires".

Comme pour les autres formations attribuées au Trias, l'assignation d'un âge rhétien (- hettangien inf. p.p. ?) aux "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" est fondée sur des analogies de faciès avec les sédiments de la bordure septentrionale du massif de 1' Aar.

6.3.1.3 "Marno-calcaires"

Cette formation montre une certaine variabilité par rapport aux précédentes, surtout en ce qui concerne les épaisseurs (de 10 à 70 rn). Selon les zones, elle est dans l'ensemble plus marneuse ou plus calcaire; néanmoins, dans tous les cas, elle représente un intervalle plus marneux entre les "Schistes noirs, calcaires lumachelliques et quartzites" et les "Calcaires à Gryphées". Le contact inférieur est toujours très tranché et marqué par la surface d'inondation majeure reconnue au Ferdenrothom.

Les quelques éléments de datation permettent d'envisager un synchronisme des "Marno-calcaires" à 1 'échelle du domaine étudié : 1 'Hettangien supérieur y a été reconnu à Arbignon, dans le coeur de la nappe de Morcles, au Col des Planches et au Catogne. Selon les endroits, cette formation contient éventuellement une partie du Sinémurien inférieur (p. ex. dans le coeur de la nappe de Morcles, voir 5.8.3.2).

6.3.1.4 "Calcaires à Gryphées"

Les signes de condensation manifestes dans la région du Torrenthom et des Rothomer se retrouvent dans les autres zones d'affleurement, de façon plus diluée. Cette formation constitue toujours un intervalle carbonaté entre les "Mamo-calcaires" et les "Quartzites lités". Son épaisseur varie sensiblement : de 3 à 30 m. Le contact inférieur avec les "Marno-calcaires" est relativement transitionnel; il est plus abrupt avec les "Quartzites lités" sus-jacents.

Son âge n'est déterminé avec certitude que dans la région du Ferdenrothorn. Ailleurs, les quelques indications disponibles semblent confirmer un âge Sinémurien inférieur, ou au moins ne pas le contredire : "Arietites indéterminées" à Balme, quelques Gryphaea dans le synclinal de Raron, Sinémurien inférieur - Lotharingien p .p. (?) à Arbignon, Lotharingien inférieur (position lithostratigraphique incertaine) au Col des Planches, Sinémurien inférieur probable au Catogne. Dans le coeur de la nappe de Morel es, 1 'équivalent suggéré (?) de cette formation serait légèrement plus jeune (partie sommitale du Sinémurien inférieur- Lotharingien p.p. ?).

6.3.1.5 "Quartzites lités"

Outre la région du Torrenthom et des Rothomer, cette formation est individualisée dans le synclinal de Raron, à Arbignon, à Saillon et à Saxon. Dans le coeur de la nappe de Morcles, un doute subsiste concernant 1 'équivalence de 1 'épisode gréseux majeur avec cette formation ou plutôt avec celle des "Grès massifs". Elle montre un agencement rigoureusement identique, sur 10 à 40 rn : séquence négative "shallowing-up", ponctuée à son sommet par un niveau de condensation majeur. Le caractère uniformément progradant des "Quartzites lités" permet d'envisager cette progradation comme le résultat d'une baisse du niveau marin relatif, plutôt que d'une augmentation des apports sédimentaires (voir 6.2.2.3).

Séquences de dépôt 153 Aucun élément de datation direct n'est disponible; l'âge par encadrement est partout Lotharingien p .p.

6.3.1.6 "Calcaires gréso-spathiques et siliceux"

Faisant suite aux "Quartzites lités", cette formation constitue un nouvel intermède carbonaté. Le contact entre les deux formations est marqué par une condensation majeure.

Les séquences élémentaires définies au Ferdenrothom se retrouvent à Saillon (Fig. 5.21), dans le synclinal de Raron et à Arbignon. Dans le coeur de la nappe de Morcles, les PAC's ne sont pas observables en tant que tels, peut-être pour des raisons de déformation tectonique;

néanmoins, des signes de condensation sont observés. La présence des gravillons dolomitiques est limitée à la partie médiane de la formation; de même, 1' augmentation des faciès calcaréo-siliceux vers le haut est un caractère uniformément développé. L'épaisseur varie entre 40 et 150 rn (?). Des PAC's ont aussi été reconnus au Col des Planches; des difficultés d'affleurement empêchent la localisation lithostratigraphique exacte de ces séquences.

Cette formation n'est datée qu'à Arbignon: Carixien- Domérien basal, âge conforme à celui déterminé au Ferdenrothom.

6.3.1. 7 "Grès massifs"

Cette formation n'a été reconnue qu'à Saillon et à Saxon (éventuellement au Col des Planches). Elle montre un développement comparable à celui du Ferdenrothorn. Les remaniements de gravillons dolomitiques n'ont pas été observés.

6.3.1.8 "Calcaires à entroques et mames"

Dans les quelques zones où elle a été reconnue, cette formation montre des caractéristiques homogènes (coeur de la nappe de Morcles, Saillon, Saxon ?, Col des Planches ?). Sa base est très tranchée par rapport aux "Grès massifs" sous-jacents. Son épaisseur varie fortement, en partie pour des raisons structurales.

Par les quelques éléments de datation disponibles, un âge Toarcien - Aalénien inférieur est probable pour l'ensemble du domaine.

6.3.1.9 Cas particuliers

Un certain nombre de cas particuliers n'ont pas trouvé place dans les rappels effectués plus haut. Il s'agit:

- de la partie sommitale de la série de Schwarzdolde (voir 5.3.3), - de l'ensemble de la région de Feschel-Feselalp (voir 5.5),

- de la Série du Blaugraben (partie septentrionale du synclinal de Raron, voir 5.6.2.6), - des Grès et quartzites du Catogne (voir 5.10.2.4).

C'est ici que l'absence de repères biostratigraphiques se fait le plus fortement ressentir:

les propositions énoncées au paragraphe suivant ne sont donc que des hypothèses de travail.

6.3.2 Discussion et conclusion

Sur l'ensemble du domaine, certaines zones d'affleurement sont donc en tous points identiques à la série du Ferdenrothorn (série standard). D'autres présentent par contre une succession d'abord cohérente avec cette série, puis des faciès particuliers non attribuables

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formellement à l'une des formations définies (l'apparition des particularismes peut se faire à des niveaux différents); quelques cas échappent enfin à toute comparaison.

6.3.2.1 Série standard

Les éléments suivants, reconnus au Ferdenrothorn, se retrouvent systématiquement : - transgression à la base des "Marno-calcaires", toujours avec un "paquet" intermédiaire;

- condensation dans les "Calcaires à Gryphées";

séquence progradante des "Quartzites lités";

- niveau de condensation majeur au sommet des "Quartzites lités";

- séquences élémentaires (PAC's) à la base des "Calcaires gréso-spathiques et siliceux";

- récurrence d'un corps détritique grossier ("Grès massifs");

- inondation brutale à la base des "Calcaires à entroques et marnes".

Les éléments de datation disponibles permettent d'envisager le synchronisme de ces événements. Le découpage séquentiel du Ferdenrothorn est reproductible dans la majeure partie des zones étudiées; le contrôle des séquences de dépôt, par variations du niveau marin relatif, est effectif au moins à l'échelle régionale. Ailleurs, ce schéma est plus ou moins perturbé.

6.3.2.2 Cas particuliers

Une partie des cas particuliers peut néanmoins s'intégrer dans le découpage séquentiel proposé pour la coupe du Ferdenrothorn. Des événements apparemment déconnectés peuvent ainsi être reliés : il s'agit de la discordance post-Domérien basal de la synforme d' Arbignon (voir 5.7.4), des "Grès et quartzites" du Catogne avec troncature des formations sous-jacentes (voir 5.10.2.6 et Fig. 5.23), et de la limite de séquence post - sous-zone à Stokesi du Ferdenrothorn (voir Fig. 6.2). Ces trois événements sont interprétés comme le résultat d'un même phénomène : chute rapide et importante du niveau marin relatif, se traduisant :

- à Arbignon, par une structuration et érosion partielle des formations sous-jacentes; la sédimentation ne reprendra probablement qu'au Bajocien (- Bathonien ?);

- au Catogne, par le basculement différentiel et l'érosion des séries antérieures; ici, la sédimentation reprend vraisemblablement au Domérien moyen (?) par un "basal transgressive sand" (surface de ravinement superposée à la limite de séquence);

- au Ferdenrothorn, par 1' absence de troncature (ou du moins trop faible pour être relevée) et la reprise de la sédimentation durant le Domérien; contrairement au Catogne, la surface de ravinement n'est pas confondue avec la limite de séquence: un cortège de bas niveau (LSST) peu épais peut être individualisé.

Les Conglomérats et microconglomérats de la Série du Blaugraben, par leur contexte général, sont très proches des Grès et quartzites du Catogne; les Calcaires spathiques du sommet y sont néanmoins plus développés. Une interprétation identique est proposée : une série plus complète, probablement jusqu'au "Calcaires gréso-spathiques et siliceux" a pu se déposer. Suite à un mouvement différentiel (surrection dans la partie septentrionale du synclinal de Raron et abaissement dans sa partie méridionale), les formations jusqu'au "Calcaires à Gryphées" sont érodées, avec limite de séquence à la base des Conglomérats et microconglomérats. Ces derniers sont eux-mêmes interprétés comme cortège de bas niveau ou comme cortège transgressif, dépendant de la position de la surface de transgression.

Cette baisse du niveau marin relatif est liée à un mouvement de structuration. C'est en quelque sorte une réactualisation de la "phase de Ferden" (Paréjas, 1946b ), malgré les réserves précédemment énoncées (voir 4.2.9.5). Cet événement est plus ou moins équivalent, en temps, avec la phase tectonique "mid-cimérienne", bien documentée en Europe occidentale et centrale, et responsable, selon les régions, de troncatures érosives, de soulèvements ou d'un renouvellement de la subsidence (Ziegler, 1982). Une partie au moins de la cyclicité est d'origine tectonique.

Deux zones n'ont pas encore trouvé leur place dans l'interprétation séquentielle: ce sont les falaises de Schwarzdolde et la synforme de Feselalp. Pour les premières, l'envahissement

Séquences de dépôt 155 de la série supra - "Calcaires à Gryphées" par les faciès gréseux est probablement en relation avec le caractère très proximal de cette série dans le Golfe du Torrenthom (voir 5.3.4). Cette région n'a été abordée que par le biais de la littérature (Schlappi, 1980) et une interprétation plus détaillée n'est pas possible. Quant à la synforme de Feselalp, l'information est trop lacunaire, surtout par rapport à la datation, pour permettre une interprétation cohérente; relevons simplement que les faits d'observation sont assez proches de ceux du Catogne et de la Série du Blaugraben.

Si l'interprétation commune des observations au Catogne, à Arbignon, au Ferdenrothom et au Blaugraben est correcte, l'influence des mécanismes tectoniques est attestée et, avec elle, les nombreuses érosions au sein de la série sédimentaire. En conséquence, il apparaît probable que les séries lacunaires comme Bratsch ou Chalberfarich (voir p. ex. 5.5.5) ne correspondent pas uniquement à des zones de non-dépôt mais plutôt à une succession complexe de phases de dépôt, d'érosion et de non-dépôt.

6.3.2.3 Conclusion

L'ensemble des observations recueillies dans le chapitre 5 peut s'intégrer dans un schéma général : 1 'enregistrement sédimentaire est le résultat des variations relatives du niveau marin.

Ces variations sont sensibles et "efficaces" au moins à l'échelle du domaine considéré, échelle qualifiée de régionale (environ 80 x 50 km palinspastiquement; Fig. 3.5 et 7.11).

Les éléments ci-dessus vont à l'encontre du modèle d'extension en marge atlantique, en tout cas selon la géométrie proposée par les auteurs (voir chapitre 1) : si un tel contrôle avait existé, l'enregistrement sédimentaire au sud du Mont Blanc (Catogne), sur la transversale du massif de 1' Aar ou au toit du massif des Aiguilles Rouges devrait être différent, chaque bloc basculé ayant son histoire propre, bien que montrant une histoire globalement comparable.