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Marchandisation de la terre dans l’observatoire d’Ambohimahasoa

Chapitre IV : Migration et marchandisation de la terre : des moyens de diversification des sources de

III- Marchandisation de la terre dans l’observatoire d’Ambohimahasoa

195 Ainsi, pour faciliter la migration temporaire, les relations sociales peuvent jouer un rôle essentiel dans la recherche de travail. Les individus essaient de minimiser le risque de ne pas trouver du travail à travers leurs connaissances. Le réseau de parenté ou de voisinage est toutefois sélectif et limite donc le nombre de migrants qui peuvent accéder à certaines activités.

La concurrence est devenue plus rude avec l’intégration de l’annonce des offres de travail depuis quelques années dans une chaîne de radio locale, ce qui a permis à d’autres migrants sans relations sociales particulières de partir en ayant toutes les informations qu’ils souhaitaient avoir.

Ainsi, selon la situation économique du ménage, la migration temporaire de travail entre soit dans une stratégie de survie des paysans, soit dans une optique d’investissement. Mais elle reste cependant très liée aux opportunités d’emploi. Il a été également montré qu’il n’existe pas de lien direct entre cette stratégie économique et l’exiguïté des parcelles cultivables. Qu’en est-il alors de la marchandisation de la terre ?

196 « Compte tenu de la valeur accordée à la terre, la plupart des transactions dans les marchés des terres sont plutôt des ventes faites par les propriétaires en cas de forces majeures33 » (Minten et Razafindraibe, 2003, p.11). Ce phénomène est d’ailleurs typique des ventes de terre des pays en voie de développement (Platteau, 1997). Ainsi, en 2003, pour Madagascar 21% des ventes de terre ont été conclues suite à un besoin urgent de liquidités et 7% pour la réalisation d’événements sociaux. Mais il apparaît également d’autres motifs tels que le déménagement, dans 10% des cas, et l’aide à l’acquéreur dans 17% des cas (Minten et Razafindraibe, 2003).

Toutefois, selon les mêmes auteurs, le marché du foncier reste encore restreint à Madagascar puisque 13% des terres seulement ont été acquises par achat contre 73% par succession.

Néanmoins, la marchandisation indirecte de la terre, à travers le métayage, le fermage, le prêt et le gage, est une pratique courante des paysans. Déjà en 1944, d’après une étude de la Mission d’Inspection Affaires Administratives, 425 métayers sur des rizières étaient inscrits dans le Moyen Ouest dans la région de Besalenjy (Raison, 1984, p.181). Bellemare (2005, 2012) constate « qu’à Madagascar, les situations de métayage inverse34 abondent ». Pour Zombre (2010), «la participation au marché du faire-valoir indirect constitue un des moyens courant d’accès à la terre au lac Alaotra pour les ménages. » (p.10)

Les études de Bellemare (2005, 2008, 2009) et de Minten (2004), montrent que dans un contexte de pauvreté, les contraintes économiques sont les premiers déterminants de la participation des ménages aux transactions foncières. Plusieurs questions suscitent donc notre intérêt :

- Quels rôles jouent les transactions foncières dans l’accès aux financements/investissements agricoles ?

- Quel est le rôle des transactions foncières dans le revenu ou la survie du ménage ? - Qui est engagé dans ces transactions ? Quels sont les termes des contrats ?

- Quelle est la perception sociale des gens qui contractent dans la mesure où un enfant malgache a l’obligation d’entretenir et de s’occuper de la terre de ses parents ?

33D’après Freudenberger (1998), Brown (1999), Razafindraibe (2003) et Goedefroit (1998), les ventes de terres s’effectuent en cas de force majeure tels les dépenses funéraires et autres événements familiaux, achats de nourriture et remboursement de dettes.

34 Dans sa forme initiale, le métayage permet à un propriétaire “riche”,de faire exploiter ses terres à un métayer

“pauvre” en mettant à la disposition de ce dernier toutes les incitations nécessaires au travail. Dans le cadre du métayage inverse, c’est le propriétaire “pauvre” qui donne sa terre à exploiter par un “riche”

197 1-L’accès coutumier à la terre à Madagascar

Selon le droit coutumier foncier malgache, les parents sont masimandidy sur les propriétés, c’est-à-dire qu’ils ont « plein droit sur leur terre jusqu’à leur mort » (Ottino, 1998).

L’accès des enfants à la terre des parents s’effectue en deux étapes, lors du mariage d’un enfant et ensuite à la suite du décès du père ou des deux parents. Les termes utilisés à chaque étape de la donation sont différents : notolorana (recevant) au moment du mariage où l’enfant reçoit de ses parents une partie de leurs terres pour faire vivre son nouveau foyer, et mandova (héritant) qui signifie hériter de ses parents à la suite d’un décès. Ainsi, en général, la terre exploitée par un jeune couple à la suite du mariage est un don des parents.

Les deux termes de donation font surtout référence aux droits dont jouit l’enfant et à ses devoirs. En effet, selon le principe du masimandidy cité supra, les parents ont plein droit sur leur propriété jusqu’à leur mort et les donations définitives entre vifs ne peuvent donc pas exister entre deux générations. D’un autre coté, des logiques de solidarité sous-tendent les transferts fonciers intergénérationnels.

1.1-Les terres héritées

A la suite du décès d’un parent, du père en général, tous les descendants héritent de la terre de ce dernier. A moins d’un testament, écrit ou verbal, le partage de la terre s’effectue de manière consensuelle entre tous les enfants. Si le nombre ou la superficie des parcelles permet d’avoir des parts égales, le partage n’est pas difficile. Dans le cas contraire, d’autres facteurs entrent en jeu. Les premiers sont le rang dans la fratrie et le fait d’être résident dans le village du père.

Selon les adages « zoky be toa Ray, toa Reny » c’est-à-dire « l’aîné est comme le père, comme la mère » et « valala mpiandry fasana », c’est-à-dire « le gardien du tombeau », les obligations sociales et familiales reposent sur ces personnes. Les cohéritiers peuvent donc donner à l’aîné une superficie plus grande que la leur et/ou leur confier leur part.

« Nous avons hérité de nos parents d’une parcelle de rizière. Nous, les frères et les sœurs, on a convenu de donner la gestion de l’exploitation à notre frère aîné. Depuis le décès de nos parents, il représente notre famille et il doit répondre aux différents devoirs et aux obligations sociales ». Mme Juliette, 37 ans.

Il existe ensuite un ensemble d’autres facteurs tels la taille de la famille ou le niveau de vie qui sont pris en compte dans le partage. Lorsque aucun consensus n’est établi, la famille intervient afin d’éviter toute action en justice.