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I – Le marché noir : business ou cauchemar ? A Une pratique ancienne, vaincue ?

Une étude plus approfondie aurait pu valoir le coup mais du fait de l’illégalité de la pratique elle s’est avérée trop complexe. Nous nous concentrons donc sur la partie émergée de l’iceberg. La revente de place à un prix supérieur au prix de vente par des particuliers ou des entreprises est prohibée par la loi depuis le 27 juin 1919. Elle a été amendée en 2009. Une loi propre aux reventes sur internet est également présente dans l’arsenal juridique français depuis 2012.

Cette réglementation permett ainsi une protection de l’événement en laissant l’entière part du bénéfice économique de celui-ci à l’organisateur. Cependant, avec la massification des années 1980 le tournoi a connu une importante période de revente de billets au marché noir.

Cette période faste du marché noir est comprise entre 1980 et 2009. Avant 1980 le tournoi n’est pas assez populaire pour pouvoir réellement faire une marge financière dessus, il ne fait pas assez le plein. Après 2009 les techniques mises en place par la Fédération sont devenues assez efficaces pour endiguer la masse de ce trafic. La première mention d’un tel trafic de billet apparaît d’ailleurs pour la finale 1979 pour le tournoi de Roland Garros118. On peut dès lors soulever que ce

sont les derniers tours qui sont appréciés et ciblés par les revendeurs au marché noir afin de profiter de la plus belle plus valu sur le match. Les finales apparaissent ici comme les événement les plus rentables en raison de la qualité du match et de la distinction sociale qu’elles offrent par rapport aux autres tours.

Cependant la qualité de la finale et des matchs joue sur le prix des places. Le marché noir peut ainsi être un indice sur la qualité du spectacle attendu et sur l’horizon d’attente des spectateurs. Ainsi, une interview de 1995 avec un revendeur nous apprend que la finale de l’année précédente avait été sauvée par le décalage de la finale dame, de Mary Pierce au dimanche, en raison des mauvais conditions climatiques du samedi119. Le marché noir ne se concentre cependant pas

uniquement sur les finales et a cours tout au long de la semaine pour le court central. Cette pratique d’achat-vente illégale est évidement liée à la fréquentation et à la non-disponibilité de places légales pour l’événement. La fréquence du marché noir année après année marque ainsi une forme de succès de la fête du tennis qu’est Roland Garros.

B – Un espace sécurisé et sans fraudeurs ?

Cette pratique illégale a pris place dans un espace bien précis évoqué à de nombreuses reprises : le trajet entre le métro et le stade ; « sous les marroniers »120 de Roland Garros. Les

revendeurs avaient ainsi pour habitude de se positionner à l’extérieur du stade et de passer au milieu de la foule pour tenter de revendre le marchandise. On retrouve un témoignage de cette pratique au moins jusqu’en 2007. Je n’ai pu trouver de trace de celle-ci qu’au sein de la presse. Elle n’est qu’effleurée dans les programmes télévisuels. Les articles prennent souvent les revendeurs comme des garants de la mémoire du tournoi en dépit de la facette illégale de leur activité. Cette illégalité de la revente de ticket se double de contrefaçons de tickets, de forgeries. Cette partie de contrefaçon des billets s’est cependant complexifiée au fur et à mesure des années avec une sécurisation de plus

118 MERLIN Olivier, 09/09/1979 ?« Aux internationaux de tennis, le public boude les dames », Le Monde, Paris, France

119 BONNOT Dominique, 30/05/1995, « Confidences sous le manteau », L’Équipe, Paris, France 120 MONTAIGNAC Christian, 28/05/1983, « On l’appelle Roland », L’Équipe, Paris, France

en plus grande : bandes réfléchissantes, codes barres, logo de l’événement etc. … Quelques affaires sont cependant mentionnées dans mes sources comme l’affaire Didier Morisson en 1985. La majeure partie de cette pratique provient non pas de contrefaçons mais bien d’un système d’investissement de la part des revendeurs qui achètent un maximum de ticket afin de pouvoir les revendre le jour de l’événement au prix fort. Certains revendeurs sont même parvenus à doubler le prix des tickets au moment des heures de gloire du tennis français et de Yannick Noah dans les années 1980.

L’illégalité de cette pratique a toujours provoqué des réactions de la part du tournoi. Réactions qui ont été graduelles au fur et à mesure des années. On trouve tout d’abord une impunité et une normalité, tout du moins aucune interpellation n’est mentionnée, de la part de ces revendeurs. Des collaborations entre la police et les quelques agents de sécurité sont mentionnées au cours des années 1980 et 1990. Une intensification de la présence policière se retrouve dans un article de 2007 du Parisien ou une brigade de la police de proximité a été dépêché exceptionnellement sur l’événement pour le contrôle des fraudes. Cette présence policière a aujourd’hui disparu, dans ce cadre de lutte contre les fraudes en raison de la prise en compte du problème par la Fédération Française de tennis. En passant au E-billet nominatif en 2009, puis en généralisant cette pratique en 2011, la FFT a ainsi pu lutter plus efficacement contre les fraudes.

Cette politique de « désintermédiation »121 de la part de Fédération a ainsi conduit a une

forme de renouvellement des pratiques On a assisté au sein des colonnes de presse, plus aucune publicité pour des revendeurs n’est présente dans les colonnes de L’Équipe au cours des années 2000. Cette disparition des publicités n’est qu’un élément qui renforce les attestation de Mathieu Bosquet. Elle s’accompagne en fait d’une dématérialisation des techniques de fraude. Il y a aujourd’hui une recrudescence des revendeurs « à la sauvette » aux abords du stade en raison de cette désintermédiation et du contrôle plus fort qui a été effectué. Cependant le commerce de billets sur internet est toujours présente et perpétue cette pratique ancienne du marché noir.

A cette mesure s’en sont ajoutées deux autres : la récupération de la billetterie par la Fédération. Auparavant les billets étaient cédés à des revendeurs. A partir de 2009 la FFT est la seule à pouvoir fournir les tickets d’entrée, ce monopole lui permet ainsi de surveiller les acheteurs et de remonter à la source ou de pister toute commande suspecte de billet. A cela s’est également ajoutée deux aspects réglementaires : la présentation d’une pièce d’identité en même temps que le billet nominatif. Ce billet nominatif obéit également à une norme supplémentaire : l’acheteur est

contraint d’entrer le nom sur son billet au plus tard la veille au soir. Passé ce délai le changement n’est plus possible et l’accès au stade également. Ce dispositif permet au maximum de limiter la fraude. A cela s’ajoute également l’aspect psychologique du client du marché noir qui a beaucoup moins confiance dans le fait d’obtenir uniquement un billet dématérialisé plutôt qu’un billet cartonné et plastifié comme ce pouvait être le cas avant. La forme même du e-billet est ainsi un élément de limitation du marché noir en raison de la réception collective de ce produit.

On constate que différents dispositifs de sécurité se sont développés pour protéger le bénéfice et le monopole économique du tournoi sur son affaire. On est ainsi passé d’une solution légale et répressive à une solution préventive. Ce glissement s’inscrit plus globalement dans une politique de lutte généralisé de la fraude dans les sports de haut niveau. Elle est en plus d’être une question économique en lien avec des questions de sécurité qui ont frappé différentes enceintes sportives comme au stade du Heysel le 29/05/1985. Le billet n’est pas seulement une garantie économique pour le tournoi mais également une garantie d’organisation et de gestion des flux humains, des masses.