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III – Organisation de l’espace temps du tourno

Cette question de la spatialité se définit également par un périmètre de sécurité de plus en plus étendu autour du tournoi de Roland Garros. Le tournoi, sorte de festival international du tennis sur terre battue, n’est plus seulement un espace de fête mais aussi un espace sécurisé. Le tournoi s’inscrit par ce biais dans l’histoire géopolitique nationale et internationale de la France. L’augmentation de la tension sécuritaire dans le pays se reflète ainsi sur l’organisation du tournoi et sur l’occupation de l’espace de celui-ci.

Des vigiles semblent être présents dès 1980 afin de vérifier que des personnes non- autorisées n’accèdent pas à des zones interdites. Ce constat est fait par un journaliste et semble être l’un des premiers de ce genre. Cette question de la sécurité et de la privatisation des espaces rejoint autant les espaces de distinction que nous évoquions précédemment que celle des aménagements créés spécialement pour les joueurs. Cette zone sécurisée n’est pourtant que très récente. Les premières mesure de sécurité prises autour de l’événement l’ont été en 1983. Des menaces de mort planaient sur les joueurs suédois, de la part d’Arméniens et la sécurité, uniquement de ces athlètes avait été renforcé. Un autre cas de figure exceptionnel eut lieu en 1993 suite à l’agression de Monica Seles au tournoi de Hambourg le 30/04/1993. Cette agression de Monica Seles donna ainsi lieu à quelques mesures : des fouilles pouvaient être pratiquées, sans qu’elles soient pour autant systématisée. A cela s’ajoutait la présence d’un garde du corps sur le court central et sur les courts 1 et 2 : les trois courts dont les matchs étaient diffusés à la télévision. On constate donc deux choses : avant les années 2000 les mesures de sécurités concernent les joueurs bien plus que les spectateurs. Le risque terroriste est alors appréhendé comme des actions touchant directement les vedettes du tournoi bien plus que les masses.

Suite au 11 septembre 2001 les années 2000 ont connu un véritable changement dans cette appréhension du risque terroriste. Les masses peuvent désormais sont désormais une cible. Je n’ai pu vérifier à quand remonte les fouilles systématiques à l’entrée du stade, ceci n’est pas apparu dans mes sources de presse. Cependant deux dates semblent se détacher pour parler du tournoi de Roland Garros comme d’un espace sécurisé ou du moins comme d’un espace que l’on souhaite sécuriser et

protéger. La première est la généralisation du plan vigipirate suite aux attentats de Londres en 2005. A cela s’est ensuite ajouté le passage en état d’Urgence en 2016 qui modifia de nombreux aspects de l’organisation du tournoi et a redéfini la spatialité de celui-ci.

La plus grande modification des habitudes a cependant eu lieu avec la proclamation de l’état d’urgence suite aux attentas de novembre 2015. Le premier tournoi à connaître une modification drastique de sa spatialité fut donc l’édition 2016. Les nouvelles lois accompagnant l’état d’urgence obligèrent ainsi une sécurisation accrue de tous les événements de masse. La sécurisation commence ainsi dès l’extérieur des stades et de la zone. Avec ces doubles fouilles systématiques et les palpations un espace est prévu spécialement à cet effet ce qui contraint les services de sécurité à bloquer l’avenue Gordon Bennett. Ce blocage d’une rue redéfinit ainsi l’espace du tournoi dont la zone n’est plus celle marquée par le contrôle des tickets mais bien celle marquée par le contrôle des personnes et de leurs affaires. Cette zone sécurisée du tournoi redéfinit ainsi l’espace et l’esprit même du tournoi. Cette zone sécurisée obéit à plusieurs consignes : des barrières sont placées sur les trottoirs, interdiction de pénétrer dans la zone avec un sac d’une contenance supérieure à 15 litres.

Cette extension de la zone sécurisée et la croissance de la conscience du risque a également entraîné un changement de pratique au sein de la billetterie. Depuis 2016 plus aucun billet n’est vendu aux portes du tournoi afin d’éviter la fraude mais aussi pour des raisons de sécurité afin d’éviter au maximum les rassemblements de personne à l’extérieur du stade. La redéfinition des espaces passe ainsi par une redéfinition des pratiques de l’espace extérieur du stade. Une pratique reste cependant immuable ; la séparation des personnes en loge et du reste du stade. Les personnes en loge possèdent un accès différencié au stade et la fouille est effectuée de « façon moins intrusive »112.

Le tournoi de Roland Garros est également une redéfinition de la spatialité par les conflits de voisinage qu’il provoque avec les résidents du XVI ème arrondissement mais surtout de Boulogne- Billancourt. Ces divers conflits de voisinage sont principalement cristallisés avec les conflits de stationnement au moment du tournoi de Roland Garros. Le métro a toujours existé pour l’acheminement du public à Roland Garros mais n’a pas toujours été une priorité pour ces personnes d’autant plus que le stade n’était pas directement desservi par celui-ci mais qu’il fallait prendre des bus entre la porte d’Auteuil et celui-ci pour pouvoir l’atteindre.

Les années 1980 marquent ainsi la période de massification du tournoi mais aussi celle des conflits avec le voisinage. Chaque année mes journaux recense des complaintes de voisins dérangés par l’organisation du tournoi : stationnement sauvage, bruit, foule, perturbation de la quiétude ordinaire. Ces différents éléments nous amène sur des conflits récurrents avec les riverains. Ces conflits ont été petit à petit réglés par l’implantation de parkings pour les clients et par le balisage du parcours entre le métropolitain et le stade

Les conflits de voisinage portent également sur le développement du stade de Roland Garros. Les riverains ont longtemps protesté, par la voie de leurs élus. Ces nombreuses protestations illustrent bien la tension qui peut exister autour d’un tel événement entre la population locale et le public national voire international qui le fréquente et qui se déplace en conséquence. Ce conflit entre deux populations montre également le tournoi comme une fête perturbatrice du quotidien car perturbatrice de l’espace par ses nuisances. Cependant, du fait de l’institutionnalisation de la fête, les perturbations dues aux travaux et à l’extension du stade sont amenés à un chamboulement plus grand des habitants. Ces protestations sont d’ailleurs audibles et reçues dans les journaux en raison de la classe sociale des personnes dérangées. Ces personnes dominantes ne sont pourtant seulement qu’importunées par le bruit du tournoi et celui des travaux et en aucun cas délogés. C’est la perturbation d’un cadre de vie et d’un entre soi qui est en fait dénoncée par de telles prises de positions locales.

Le tournoi de Roland Garros apparaît ainsi comme un véritable festival du tennis de part la définition de la temporalité et de la spatialité dont il fait preuve. L’organisation de celui-ci, la concentration de personnes en ce lieu et la temporalité bien précise créent ainsi une véritable redéfinition des cadres de la vie banale, de la vie commune. Pendant une quinzaine pour le suiveur de tennis et pour l’habitant de Boulogne-Billancourt les jours et les heures ne sont plus les mêmes que le reste de l’année. Cette festivalisation du tennis inscrit un peu plus le sport de haut niveau dans une dynamique de spectacularisation. Le nature même du festival participe à cette dynamique de spectacularisation en raison de l’importance de celui-ci.

Chapitre 9

Victoires et mémoires – Un culte