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Le mandat, source de compétences ?

2. La gestion de carrière des représentants du personnel : une solution pour un nouveau

2.2. Des spécificités des représentants du personnel à l’émergence de leur potentiel

2.2.2. Le mandat, source de compétences ?

Nous l’avons vu, les missions dévolues aux représentants du personnel peuvent recouvrir de larges sujets au sein de l’entreprise. Il peut paraître ainsi assez évident que le temps consacré à ces mandats au service des autres, au sein de commissions ou en réunion est générateur de compétences, et que celles-ci se consolident dans le temps afin de les valoriser en sortie de mandat.

2.2.2.1. Les compétences acquises en cours de mandat

L’acquisition de compétences peut paraître être une évidence, cependant le fait de les identifier, d’en apprécier la maîtrise et de les valoriser est très délicat. D’autant plus que les missions exercées au cours des mandats ne sont pas codifiées avec des descriptions de poste ou des emplois repères comme le sont les postes occupés dans les entreprises. C’est ce qu’indique François Fatoux, délégué général de l’O.R.S.E. (Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises) lorsqu’il dit que « les chercheurs constatent que les compétences militantes sont difficiles à formaliser70 ».

Paradoxalement, les représentants du personnel consacrent beaucoup de temps, voire un temps complet pour certains, à l’activité représentative, et abordent des sujets variés et poussés devant des décisionnaires.

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Cf. note page précédente sur l’article L. 2323-1 du code du travail.

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Ainsi, lorsque Roland Chamard, secrétaire du C.C.E. de Renault Truck durant 8 ans, parle de son rôle lors de son mandat il évoque un « […] poste à responsabilité, à l'image de celui que j'avais au CCE : une petite équipe, une certaine autonomie, un budget... » 71.

Ces compétences, exercées pendant 8 ans, sont donc plus proches de celles du manager que de celles du technicien. Il reconnait lui-même l’obsolescence de ses compétences de technicien faute de remise à niveau. En effet, la plupart des représentants du personnel parviennent à assurer des missions, assumer des responsabilités, voir gérer d’autres salariés, autant de compétences qu’ils n’auraient pu développer en restant sur leur poste d’origine.

Les compétences acquises dans le cadre du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) sont notamment très techniques et très réglementaires. C’est d’ailleurs au travers de formations financées par l’entreprise que l’acquisition de ces connaissances se fait.

Ainsi, comme le constate Bernard Grand, secrétaire de la CGT Renault Truck, « les compétences transversales que nous acquérons concernent, notamment, l'organisation de réunions, l'animation de groupes, l'analyse de documents..., […] sans compter la connaissance globale de l'entreprise »72. Il est vrai que les nombreuses présentations auxquelles le Comité d’Entreprise doit assister et, pour la plupart, émettre un avis consultatif, nécessitent un travail en amont de connaissance et compréhension de l’entreprise. Ce sont notamment ces connaissances que les différents programmes de Validation des Acquis de l’Expérience (V.A.E.) visent à reconnaître et à valoriser.

2.2.2.2. Les exemples réussis de reconversion, de capitalisation existent

Le passage pour un salarié, par un mandat syndical, pourrait-il alors passer pour un accélérateur de carrière ? De nombreux facteurs sont à prendre en compte dans ces considérations. Certes l’entreprise est un élément déterminant, avec sa propre politique et ses opportunités, mais également l’individu dont la motivation et les capacités permettront ou non de se repositionner. A l’extrême, les fermetures de sites amènent les leaders syndicaux à se repositionner sur le marché du travail, avec une expérience unique mais différemment interprétée.

Parmi les entreprises engagées dans une réelle démarche de conciliation des carrières syndicales et professionnelles, on peut citer à nouveau le groupe Axa qui a signé avec l’ensemble des fédérations syndicales et les coordinateurs syndicaux nationaux une charte sur « la reconnaissance du parcours syndical dans le développement de la carrière et l’évolution professionnelle ».

Le groupe Axa n’est pas le seul à s’être engagé dans la reconnaissance des parcours syndicaux mais il a été un des premiers, aujourd’hui accompagné par des entreprises telles que BNP-Paribas, Pôle emploi, Areva, EDF, LCL , mais également Nexter, Thales, EADS ou PSA qui prévoient tous à des degrés divers, des mesures d’accompagnement des représentants syndicaux pour l’exercice de leur mandat et l’évolution de leur carrière professionnelle.

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Véronique VIGNE-LEPAGE, op. cit.

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Indépendamment de ces mesures préventives qui visent à doter les représentants du personnel de solutions de sortie, plus nombreux sont les salariés qui vivent leur mandat loin de ces grandes entreprises ou de ce contexte. Certains, désignés ou promus leaders syndicaux dans un conflit de fermeture de site sont amenés à gérer par eux-mêmes leur sortie de carrière. C’est dans ce contexte que l’étude a été menée par Rachel Beaujolin-Bellet et François Grima73.

Celle-ci révèle que ce type d’environnement peut connaître plusieurs types de sorties. Ainsi, sur les vingt-neuf personnes rencontrées dans le cadre de cette étude douze sont « soit en situation de retrait du marché du travail (préretraite), soit en situation de chômage de longue durée, soit en situation de précarité durable (missions d’intérim de courte durée) ».

Pour cinq des personnes rencontrées, leur situation professionnelle « est celle d’un reclassement dans un nouvel emploi, mais qu’ils jugent peu satisfaisant, ou qui ne correspond pas à ce qu’ils souhaitaient, et qui est finalement vécu comme un déclassement ». Cinq autres de ces personnes rencontrées se sont vu proposer une responsabilité au sein de leur organisation syndicale, soit au niveau territorial (union départementale), soit au niveau confédéral.

Enfin, pour sept des personnes rencontrées, « elles se sont substantiellement reconverties, dans des métiers où les thématiques de l’emploi et de la gestion des relations sociales sont très présentes, mais en occupant des places radicalement différentes ».

C’est ainsi que ces derniers ont réussi à valoriser leur parcours, leur expérience et les situations de crise aux multiples intervenants pour rebondir avec une dynamique nouvelle. Ces anciens techniciens ou ouvriers du secteur industriel se sont alors réorientés vers des fonctions de conseiller emploi- formation à la Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DDTEFP), de contrôleur du travail, de directeur des ressources humaines, d’expert auprès de Comités d’Entreprise, ou encore de secrétaire général de mairie.

Pour certains, c’est même l’accomplissement d’un rêve, avec l’obtention d’une formation longue, d’un poste loin de leur quotidien. Ce peut-être également une révélation, avec la reconnaissance par les autres de compétences qu’ils n’avaient pas eux-mêmes eu conscience d’acquérir. Mais, sept personnes sur vingt-neuf, cela reste un ratio faible. Même s’il est vrai que les contextes de fermeture de site ne sont pas les exemples de reclassement massif aisé, on ne peut pas considérer, que globalement, le fait d’avoir été leader dans un conflit ait été un accélérateur de carrière. Mais il est vrai également, que nous sommes ici dans une situation extrême, qui n’est pas le quotidien des milliers de représentants du personnel.

Si l’idée d’un basculement nécessaire est séduisante en termes d’intérêt pour les parties prenantes (direction et RP), elle est en tout état de cause rendue obligatoire. L’accélérateur s’appelle la loi sur la démocratie sociale du 20 août 2008.

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B. La gestion de carrière active des représentants du personnel : une simple obligation ou une réelle opportunité ?

Depuis plusieurs années la loi donne au dialogue social une place de plus en plus importante de sorte que directions et représentants du personnel trouvent des solutions spécifiques et adaptées à leurs entreprises. La proportion des délégués syndicaux dans les établissements augmente légèrement 74 et plus de 20 000 accords collectifs sont signés chaque année75. Pour autant, le taux de syndicalisation reste faible, à près de 5 % dans le secteur privé.

C’est pour pallier cette situation paradoxale que la loi portant réforme de la démocratie sociale a modifié en profondeur ses règles et ses fondements (1). Cette loi du 20 aout 2008 porte en elle les germes d’un véritable changement de modèle de gestion des représentants du personnel dont les enjeux sur les partenaires sociaux sont éloquents (2).