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Comment agir sur l’image du RP dans l’entreprise ?

B. Des tentatives actuelles à une réelle transformation des pratiques

1. Agir sur le cadre : comment modifier la place du dialogue social dans l’entreprise ?

1.1. Comment agir sur l’image du RP dans l’entreprise ?

C’est une vraie conduite du changement qu’il faut insuffler, dont la gestion de carrière du représentant serait le point d’accroche.

Il est essentiel de réapprendre à conjuguer le Je et le Nous. La culture syndicale est basée sur le Nous. Les libéraux sacralisent l’individu et rejettent le collectif. Il est fondamental de réconcilier les deux. Blaise Pascal a dit « l’univers me comprend et m’engloutit comme un point ». On a besoin de reconnaitre l’individu et l’individu a besoin d’être reconnu par un collectif pour exister.

Le collectif est composé de compétences. Il n’y a pas opposition entre l’individu et le collectif mais bien une articulation nécessaire : si le collectif peut me donner des compétences (de par ma mission en tant que représentant du personnel par exemple), je dois, à mon tour faire l’effort d’accepter ces compétences et de les faire miennes (aller en formation par exemple, accepter de changer de poste, de faire une reconversion professionnelle…).

La construction de plans d’actions

Nous avons constaté, d’une part, un éloignement des représentants de la base, ce qui est une des causes de l’appauvrissement du dialogue social et de leur manque de crédibilité. D’autre part, il nous semble particulièrement difficile de construire une stratégie sociale qui reposerait simplement sur une volonté de la direction générale de choisir une voie plutôt qu’une autre, et sans aucun lien précisément avec la base, c'est-à-dire les individus qui composent l’entreprise et en font une communauté humaine.

Nous pensons également que les élections professionnelles, tous les quatre ans ou tous les deux ans selon les accords d’entreprise, ne sont pas à elles-seules suffisantes pour apprécier la qualité des actions menées par les représentants, ou pour apprécier la qualité des conséquences d’une négociation.

Nous avons également constaté à plusieurs endroits, le développement de pratiques que nous qualifierons « d’anglo-saxonnes », dans la gestion des grands ensembles multinationaux mais également dans les pratiques plus quotidiennes des managers. Aussi, nous pensons que la conjugaison de quelques uns de ces principes et la mise en place d’indicateurs de mesures pourraient constituer un premier pas dans la construction d’une vision stratégique.

L’idée est d’aller au-delà des professions de foi, délivrées par les organisations syndicales lors des élections, et de leur demander, post élections, une feuille de route pour les années de leur mandat.

Cette feuille de route serait validée par la direction, au regard des orientations stratégiques de l’entreprise en termes de business notamment, puis serait communiquée à l’ensemble du personnel. Ensuite, la direction missionnerait les représentants, une fois par an, pour mener une enquête sociale (et non pas de climat social), très simple, comprenant des questions précises à destination de tous les salariés, qui porteraient à la fois sur la bonne réalisation des actions indiquées dans la feuille de route, d’une part, et sur leur nécessité ou pas sur le terrain, d’autre part.

Le résultat de cette enquête serait ensuite communiqué à l’ensemble des salariés lors de réunions de restitution selon un modèle « top-down ». La première réunion de restitution serait menée conjointement, par la direction et les représentants du personnels les plus importants (en fonction de leurs mandats : Délégués syndicaux, Secrétaire du CCE…) ; ensuite, cette communication serait redescendue dans l’entreprise par les managers et les représentants locaux.

A partir de la restitution des résultats, c’est-à-dire en fonction des pourcentages obtenus (plus ou moins importants, plus ou moins bien réalisés pour chaque intention de la feuille de route), il y aurait la formalisation de plans d’actions auxquels participeraient les salariés (construction des plans d’actions animés par le représentant et le manager). L’agrégation des plans d’action locaux constituerait le plan d’action de l’entreprise pour l’année suivante et donc une correction de la feuille de route. Celle-ci ferait l’objet d’une validation par la direction générale et les représentants. Ainsi réajustée, la nouvelle feuille de route permet de prendre en compte les souhaits des salariés et de les associer aux stratégies business de l’entreprise.

Calquée sur le principe de la roue de Deming, cette structuration des relations sociales, nous semble pertinente dans le sens où elle permet souplesse et adaptabilité. Elle permet de donner au représentant une mission valorisante, de le remettre au cœur du dispositif (ce sont les représentants eux-mêmes qui pilotent l’enquête) et de s’ajuster (au moins en partie) sur le « temps » de l’entreprise (nous avons vu que le temps de la direction et des impératifs économiques n’étaient pas le même que celui des syndicats ou du temps de la négociation), grâce à des cycles annuels.

Elle permet aussi, un management participatif au sens littéral du terme, c’est-à-dire, une gestion participative du social avec une interaction quasiment en temps réel des salariés. Ce dispositif implique une mesure de l’avancée des plans d’actions (chaque plan contenant quatre actions maximum) ce qui permet de démontrer à tous leur réalisation et l’impact tangible des missions du représentant sur la marche de l’entreprise.

Les actions seraient concrètes et pragmatiques avec une approche décentralisée qui redonnerait la voix au terrain et permettrait de satisfaire aussi bien des demandes locales que des demandes plus stratégiques pour l’entreprise.

Bien sûr, ce dispositif ne vient pas remplacer le système actuel et légal des Institutions Représentatives du Personnel telles que le CE, les DP, le CHSCT et les instances de négociations. Il n’enlève rien à ces instances, qu’il vient renforcer par ailleurs. C’est une autre façon d’ouvrir le champ du dialogue social.

Cette action aurait aussi pour effet d’alléger la tâche des managers sur la bonne « tenue » du terrain social. Les représentants seraient directement impliqués, dans ce qui est finalement, un rôle qui leur revient de droit et les salariés seraient associés aux projets.

Il y aurait ainsi une réelle co-construction qui aurait pour effet, de rétablir le lien entre salariés et représentants, certes, mais qui aurait aussi pour objectif de redonner au représentant sa mission essentielle de « relais » entre la base et le sommet stratégique.

Initialement appliqué au système qualité de l’entreprise pour accompagner l’amélioration continue et les évolutions de l’organisation dans ce domaine, le PDCA a ensuite été utilisé dans de nombreuses autres activités, y compris en ressources humaines.

Cet outil nous semble tout à fait adapté aux évolutions que nous recherchons dans le domaine des relations sociales. Il permet d’être pédagogique et d’avoir un effet dynamique sur les salariés. Les plans d’actions concrets et mesurés permettent d’avancer en termes de changement de culture d’entreprise et d’état d’esprit « mind set » (changement des mentalités).

Ce dispositif permet d’être pédagogique et d’avoir un effet dynamique sur les salariés. Nous pensons qu’après deux ou trois ans, il y aura des changements en termes de culture d’entreprise et d’état d’esprit « mind set ». C’est aussi un moyen de réconcilier l’économique et le social comme évoqué par Gérard Taponat.

Le représentant du personnel, chef de projet, participe au projet d’entreprise

La direction générale confierait aux représentants un rôle transverse de chef de projet sur un sujet de type sociétal. Il s’agirait par exemple de confier l’animation de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise aux représentants, qui seraient alors les relais privilégiés de la direction sur ce thème. Cette fonction de chef de projet permet une souplesse suffisante pour s’adapter à tous les types d’organisation y compris matriciel. Un sujet comme la RSE nous semble proche de certaines valeurs qui peuvent se retrouver dans le militantisme et donc susceptible d’intéresser les représentants. Le but ici, est de créer de nouveaux espaces d’échanges et de partages, en dehors des instances légales, pour mettre en place une approche contributive.

Dans cette étape de changement, le but n’est pas de retirer la possibilité de la confrontation, propre aux relations sociales en France, du fait de la construction historique des organisations syndicales françaises, mais de proposer des modes de communication alternatifs et de faire glisser les pratiques, petit à petit, vers plus de collaboration.

Les plans d’action permettent d’agir en continue sur le terrain

Poussée exercée par le management et la direction

La possibilité de la confrontation est laissée au niveau des instances et les autres moments d’échanges doivent permettre à chacun, sans se départir de leurs rôles premiers, donc sans se déjuger, de travailler ensemble autour du projet d’entreprise. Créer de nouveaux lieux d’échanges, sur d’autres sujets permet d’instaurer une nouvelle dynamique.

Pour changer la vision caricaturale du représentant : mettre en place des dispositifs permettant de remédier aux effets pervers de la protection des représentants

Il est nécessaire, à notre avis, d’aménager les heures de délégations, en instaurant, par accord d’entreprise, un délai de prévenance par exemple. Cet accord pourrait ou devrait être conclu à durée déterminée afin de permettre une actualisation et une adaptation de ces délais en fonction de l’actualité de l’entreprise La pose, totalement imprévue des heures de délégation, déstabilise une équipe et son organisation quotidienne. La charge de travail va être supérieure pour les autres membres de l’équipe et le manager va souvent faire appel à un intérimaire pour remplacer la personne, ce qui va engendrer un coût supplémentaire.

Il serait donc logique et plus agréable pour tous que le délai de prévenance soit mis en place afin de permettre à chacun de s’organiser en bonne intelligence. Cette simple action permettrait de modifier immédiatement la vision caricaturale du représentant. Elle aurait aussi pour effet de montrer que le représentant, au-delà des textes de loi, a de la considération pour ses collègues de travail, qu’il comprend la désorganisation que peut générer son départ en délégation et qu’il fait une partie du chemin pour y remédier.

Tout manager doit faire l’expérience d’un mandat pendant sa vie dans l’entreprise

Nous avons vu précédemment que les managers avaient une vision caricaturale du représentant du personnel. Proposer systématiquement à tout manager de passer de « l’autre côté du miroir » leur donnerait l’opportunité d’occuper cette fonction, d’en comprendre les enjeux et les interactions ainsi que les responsabilités.

Les missions du représentant ne sont pas aussi simples qu’il n’y paraît ou du moins aussi simples que leur compréhension actuelle dans l’entreprise semble l’indiquer. Les managers feront ainsi l’expérience de l’engagement vis-à-vis des salariés, des comptes à rendre à l’organisation syndicale, des mots d’ordre à respecter, des demandes de la direction, de situations multiples et variées sous tension…

Le fait d’inciter à la prise de responsabilités représentatives et de faire passer ce message de façon officielle dans l’entreprise, outre l’aspect pédagogique évoqué ci-dessus, permet aussi, de donner une image positive et acceptée du dialogue social en même temps qu’une mise en avant positive des missions y afférentes.

Pour autant, cette préconisation a une limite car elle peut au contraire générer une conséquence négative. Il est en effet important de manier avec précaution la communication sur le sujet au risque de mettre les managers dans une situation très délicate, en accentuant l’aspect prépondérant de la direction au sein des institutions représentatives du personnel et par voie de conséquence, la main mise sur toutes les discussions. L’objet n’est pas ici de positionner des personnes à la solde de la direction mais bien d’entraîner une image positive et reconnue des missions représentatives dans l’organisation.