• Aucun résultat trouvé

Maladies associées à des mutations entrainant un dysfonctionnement de la voie NHEJ

De par le rôle majeur des protéines de la voie NHEJ dans la réparation des cassures double-brin générées par des rayonnements ionisants et dans la recombinaison V(D)J, les patients déficients pour ces protéines présentent des cellules radio-sensibles et des défauts sévères du système immunitaire (appelés SCID pour Severe Combined ImmunoDeficiencies). A ce jour des mutations ont été identifiés sur principalement 4 protéines de la voie NHEJ : DNA-PKcs, Artemis, Ligase4 et Cernunnos (Woodbine, 2014). Les patients présentant de telles mutations ont également d’autres défauts majeurs comme des microcéphalies et des problèmes de retard de croissance.

6.1 Patients présentant des mutations sur la Ligase 4

Une disruption complète du gène de la Ligase4 s’accompagne d’une létalité embryonnaire au stade E13.5 avec une apoptose très importante au niveau neuronal. En conséquence les mutations observées chez les patients sont hypomorphes (avec une activité

55

résiduelle de Ligase4) (Figure 17A). Le premier patient identifié avec une mutation Ligase4 développa une leucémie à l’âge de 14ans et succomba à une radiothérapie lors d’un traitement (O'Driscoll, 2001). Ce patient présentait une mutation homozygote R278H entrainant une réduction de 90% de l’activité catalytique de la Ligase4. Cette mutation est localisée dans le site de fixation de l’ATP de la ligase et il a été proposé qu’elle entraine une réduction de la réaction d’adénylation de la ligase. Les autres patients avec un syndrome Ligase4 (OMIM606593) présentent des défauts plus ou moins sévères du système immunitaire et généralement des altérations de type microcéphalie, retard de croissance et asymétrie faciale.

Figure 17 Localisation des mutations identifiées chez des patients sur les protéines du NHEJ

respectivement sur (A) la ligase4, (B) Cernunnos/XLF, (C) Artemis et (D) DNA-PKcs. Les domaines des protéines sont indiqués. Pour Artemis, les sites de phosphorylations par DNA-PKcs sont indiqués en rouge (d’après (Woodbine, 2014)).

6.2 Patients présentant des mutations sur Artemis

Les mutations sur le gène Artemis (OMIM 602450) sont une des causes les plus fréquentes de syndrome d’immunodéficiences sévères liées à une radiosensibilité (rs-scid pour radiosensitive severe combined immuno-deficiency) (Figure 17C). Artemis a un rôle

56

essentiel dans l’ouverture des hairpin formées lors de la V(D)J et aucun autre rôle majeur lors du développement. Les souris dont le gène Artemis a été ôté (souris KO pour Artemis) sont viables. Artemis a un rôle différent des autres protéines « cœur » de la voie NHEJ et il a été proposé qu’elle contribue à la réparation d’environ 15% des CDBs induites par des radiations (Riballo, 2004). En conséquence, l’exposition de cellules de patients Artemis-nulles à

des radiations X ou γ se traduit par un défaut de réparation de seulement une fraction de CDBs sur une longue durée (21 jours) contrairement aux cellules de patients Ligase4 ou Cernunnos pour lesquels le défaut de réparation concerne l’ensemble des CDBs formées. Un patient a été caractérisé qui présente une mutation sur une histidine du site actif et dont l’activité catalytique est fortement réduite (de Villartay, 2009).

6.3 Patients présentant des mutations sur Cernunnos/XLF

Les mutations sur le gène Cernunnos (OMIM 611291) entrainent comme pour les mutations des patients Ligase4 une immunodéficience, des retards de croissances et une microcéphalie (Figure 17B). Les cellules de ces patients sont également radiosensibles. Le laboratoire de JP de Villartay et P Revy a identifié le gène Cernunnos à partir de cellules de patients comme le gène humain capable de complémenter le phénotype de radiosensibilité de cellules de ces patients (Buck, 2006). Contrairement à ce qui est observé avec XRCC4 et la Ligase4, les souris Cernunnos-/- ne présentent pas de létalité embryonnaire même si une instabilité génétique est observée ainsi qu’un niveau élevé de translocation. L’impact de deux mutations, R57G et C123R, a été étudié (Malivert, 2010). Ces deux mutations entrainent une expression réduite des protéines, une mauvaise localisation dans la cellule et un défaut de NHEJ et V(D)J. Les fibroblastes de patients Cernunnos-/- présentent une radiosensibilité et un niveau de CDBs non réparés (suivi par la présence de foyers γH2AX) similaires à ceux observés chez les patients atteints d’un syndrome Ligase4.

6.4 Patients présentant des mutations sur DNA-PKcs

Le premier patient radiosensible et immunodéficient avec une mutation sur DNA- PKcs a été identifié en 2009 (van der Burg, 2009) (Figure 17D). Il présente des caractéristiques proches d’un patient Artemis (immunodéficience sévère sans problème de développement).

57

De façon intéressante, la mutation observée n’a pas d’impact sur l’activité kinase de PKcs mais sur la fonction d’Artemis. La délétion du gène PKcs dans la souris entraine une immundéficience mais pas d’autres phénotypes majeurs. La délétion de PKcs dans des lignées cellulaires humaines a en revanche un impact très fort sur la capacité de prolifération des cellules. Un écart semblable a été observé entre les cellules humaines et les cellules de rongeurs sur la délétion de Ku qui est létale chez l’homme et non chez les rongeurs.

6.5 Pourquoi une déficience du NHEJ entraine-t-elle des microcéphalies ?

L’immunodéficience observée chez les patients ayant des mutations sur les facteurs de la voie NHEJ est en bon accord avec l’utilisation de cette voie dans le cadre de la recombinaison V(D)J. L’étude approfondie des patients ayant des mutations dans les facteurs de la voie NHEJ a mis en évidence des défauts majeurs d’apoptose au stade embryonnaire. Les cellules souches neuronales embryonnaires sont situées dans les zones ventriculaires et sub-ventriculaires (VZ et SVZ). Les études chez la souris montrent que ces cellules se divisent extrêmement rapidement du stade E8 à E16.5, puis la division cellulaire cesse. Ces cellules sont très sensibles à l’apoptose. On peut déclencher l’apoptose des cellules dans la région VZ-SVZ avec des doses d’irradiations de 0,5Gy alors que l’apoptose n’est pas déclenché dans un cerveau adulte à des doses 10Gy. Les embryons Ligase4-/- meurent entre E13.5 et E16.5 d’une apoptose neuronale massive, qui suggère aux auteurs de ces études que des CDBs se forment probablement spontanément suite à la division cellulaire rapide à cette étape du développement embryonnaire (Frank, 1998).