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7. Etudes structurales

7.1 Cristallisation des protéines seules et en complexes

La cristallisation d’une macromolécule est le passage de cette dernière d’un état liquide vers un état solide organisé grâce à des interactions non-covalentes. Ce passage d'un état vers un autre est un phénomène complexe. La cristallisation d’une protéine, d’un complexe protéine/protéine ou d’un complexe nucléo-protéique est encore aujourd’hui une étape largement empirique et souvent limitante dans la détermination de structure des protéines par cristallographie. La solubilité d’une protéine est influencée par de nombreux facteurs parmi lesquels le pH du tampon dans lequel elle se trouve, sa concentration, la température, la présence de solvant organique, de sels, de polymères organiques. La mise au point de nouvelles conditions de cristallisation et l’amélioration de celles-ci est donc un mélange d’essais-erreurs et de contrôle rationnel de la croissance du cristal.

Malgré le caractère empirique de la cristallisation, un certain nombre d’observations ont pu être dégagées suite à la cristallisation des quelques 97 084 structures cristallines présentes dans la PDB (base RCSB, Mai 2015) : (i) Les chances de succès d’un nouveau projet augmentent avec la qualité de la purification (échantillon pur à 95% ou plus), l’homogénéité (absence d’agrégat et de fragments de dégradation) et la stabilité dans le temps des macromolécules (même si certains cristaux apparaissent en une journée à 4°C). Les projets de génomique structurale de par le grand nombre de cibles étudiés et les protocoles utilisés ont confirmé cette première tendance (Figure 26). (ii) L’utilisation des conditions de cristallisation ayant eu le plus de succès sur un grand nombre de protéines ont des chances importantes de permettre la cristallisation d’une nouvelle protéine. En 1991, Jancarik et Kim ont ainsi proposé un crible reprenant les conditions de cristallisation retrouvées les plus fréquemment dans les structures cristallines de l’époque (Jancarik, 1991). Plusieurs années

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après, le consortium de génomique structural JCSG à Toronto a montré que sur 755 protéines étudiées par eux, les seules 24 premières conditions du crible Jancarik permettent de cristalliser 318 protéines soit 42%. Des cribles additionnels ont été proposés pour certaines applications spécifiques : complexes nucléo-protéiques, protéines membranaire, etc…

Figure 26 : Cristallisation des proteines

(A) Influence de différents paramètres sur la cristallisation d’une protéine (B) Diagramme de solubilité et méthode de diffusion de vapeur en goutte assise. (C) Crible matriciel. 3 concentrations en protéine sont testées avec 4 concentrations en agent précipitant. L’objectif est d’avoir un certain nombre d’essais dont le point final d’équilibre est dans la zone de nucléation ou sur-saturation (flèches noires)(D) Robot de cristallisation (E) Visualisation des scores d’une boite de 3 fois 96 essais avec le logiciel Crims (HTX, EMBL, Grenoble) (F) Score des gouttes de cristallisation.

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Les protéines et complexes purifiées au cours de cette thèse ont été soumis à des essais de cristallisation à la fois au laboratoire et sur la plateforme de cristallisation haut- débit HTX (J Marquèz, EMBL, Grenoble) avec laquelle nous collaborons depuis la structure cristalline du complexe XRCC4(1-157)-Cernunnos(1-203) (Ropars, 2011) et celle du complexe

du Mlh1-Pms1 de la voie de réparation MMR (Gueneau, 2013). Les échantillons sont concentrés

entre 5mg/ml et 20mg/ml selon leur solubilité. Pour les cribles sur HTX, les échantillons sont envoyés dans la glace en colis express et sont reçus à Grenoble sous 24h dans la glace. Nous effectuons classiquement 6 cribles de 96 conditions par la méthode de diffusion de vapeur. La goutte est réalisée en mélangeant 0.1µl de la solution de protéine et 0.1µl de la solution du réservoir. La goutte est donc deux fois plus diluée que le réservoir en agent de cristallisation. Comme le tout est fermé hermétiquement par un film, les composés volatiles de la goutte (essentiellement l'eau) vont s'évaporer jusqu'à équilibration de la pression de vapeur saturante. Au cours de cette évaporation, la concentration de la protéine et de l'agent précipitant vont progressivement augmenter et dans le cas favorable, des cristaux vont se former et grossir jusqu'à ce que la concentration en protéine atteigne la courbe de solubilité.

Nous réalisons en standard les cribles suivants : (1) Classics Suite (d’après Jancarik et Kim),(2) JCSG, (3) PACT (combinaison de PEG/ion et études d’effets des anions et cations à des pH donnés), (4) PEG-I (PEG-ions, PEGS + sels peu concentrés, 4 pH différents), (5) Salt Grid (Cribles en sels dont Ammonium Sulfate, Sodium Malonate, Sodium Formate) (6) Wizard I et II. Les gouttes de cristallisation sont réalisées à température ambiante avec en standard 3 concentrations en protéine par puits (par exemple 20mg/ml, 10mg/ml et 5mg/ml). Les 6 boites sont ensuite stockées dans un robot de visualisation Formulatrix à 4°C. Des prises d’images sont effectuées par le robot le lendemain (J+1) puis aux jours J+2, J+4, J+8, J+15, J+30 et J+60. Les images sont visualisées et annotées au laboratoire par internet à l’aide du logiciel CRIMS développé à Grenoble. Les gouttes sont annotées selon 4 codes couleurs et des notes de 1 à 8. Le logiciel permet de visualiser la progression des gouttes sur les différents jours.

Au laboratoire, nous effectuons également des gouttes par diffusion de vapeur. Les gouttes sont réalisées en goutte assise avec des volumes de 1,5µl de protéine et 1,5µl de réservoir à 20°C ou à 4°C. Nous réalisons des cribles complémentaires de ceux faits sur la plateforme HTX. Nous utilisons notamment un crible développé par un collègue du CEA de

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Saclay, E. Stura (Stura, 1994). Ce crible initialement conçu pour des fragments d’anticorps,

permet de tester 12 conditions de cristallisation classiques avec pour chacune 4 concentrations en agents précipitant. Ce crible appelé matriciel permet d’identifier la zone située entre la région soluble et précipité de la protéine, zone où les chances d’apparitions de cristaux sont les plus fortes (Figure 26C). Ce crible a été décrit dans un projet de génomique structurale réalisé à l’AFMB (Marseille) sur une centaine de protéine d’E. coli comme étant le plus efficace parmi une série de cribles (Sulzenbacher, 2002). Le laboratoire a également eu de nombreux succès avec ce crible matriciel (Charbonnier, 2007, Gueneau, 2013).