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La maison et les notions du réel, imaginaire et symbolique 153

La topologie lacanienne est une modélisation qui sert à cerner le fonctionnement psychique en resituant chaque manifestation psychique par rapport aux trois registres, réel, imaginaire et symbolique. Elle sert en thérapie à resituer le symptôme par rapport à ces trois registres et détecter le dysfonctionnement.

Dans notre cas, nous allons essayer de situer l’activité créatrice de la maison en rapport à ces trois notions. Nous interrogerons les caractéristiques de cette activité et de son produit, qu’est la maison conçue, selon les définitions de chacun de ces registres, mais aussi selon la les relations que ces derniers entreprennent entre eux. Par cela, nous essayons de définir le degré déterminant de l’activité créatrice de la maison dans l’établissement de l’équilibre psychique.

o La maison conçue et son rapport au réel

Le plus grand désir de l’être humain est de retourner dans le ventre maternel et toutes les créations auxquelles il s’adonnera, le long de sa vie, ne feront que souligner l’impossibilité de cette jouissance suprême. Ces créations, incapables de combler ce vide causé par l’arrachement à l’autre maternel, ne serviraient en fait qu’à le délimiter sans le cerner, ou le combler. L’activité créatrice ne fera donc que produire des objets de substitution, auxquels nous inventerons des fonctions utiles et dont on dispose dans la réalité matérielle, mais qui seront aussitôt dépassés et remplacés par d’autres objets, condamnés au même sort.

C’est parce que chacun de ses objets n’offre qu’une illusion de rapprochement de la jouissance suprême du retour au ventre maternel. Une illusion qu’anéantit sa production matérielle. Le retour au ventre maternel, objet de désir impossible à atteindre, échappe donc à la réalité et vient se positionner dans le registre du réel lacanien.

Se servant du schéma du miroir sphérique, nous considérons que la mère, ou le retour au ventre maternel, serait l’équivalent du vase cachés sous la table, jamais perçu en soi mais par une représentation de lui dans la réalité, incarnée par le reflet que le miroir fait apparaitre à l’observateur (Figure 48). Le reflet de ce retour au ventre maternel appartenant au réel, serait cette maison conçue. Elle tente d’organiser les affects et les pulsions comme le vase projeté contient les fleurs. La recherche de La maison appartenant au registre réel, serait donc une recherche du ventre maternel, car ce dernier serait le seul endroit à offrir le confort suprême que je chercherais comme chacun de nous. Une recherche qui a abouti à la création d’une maison, sous la forme qu’elle présente.

o La maison conçue et son rapport à l’imaginaire.

La maison conçue est le résultat d’une série de projections d’affects dans le but de les réorganiser. En projetant les affects sur les supports nouvellement créés, qui sont les constituants de la maison conçue, le psychisme arrive à les extérioriser et à les soustraire à l’inconscient. Cette soustraction a comme résultat majeur une certaine distanciation avec ces affects qui me caractérisent. Par cette distanciation, il m’a été donc possible de pouvoir nommer mes désirs, cerner leur étendue et ainsi pouvoir me distinguer d’eux, et par eux.

Me distinguer d’eux par le fait de pouvoir détecter leurs actions et en être conscient, ce qui aiderait à mieux les appréhender. Me distinguer par eux, par le fait d’observer leurs particularités et m’en servir dans le processus créatif qu’ils alimentent en moi. Ceci est semblable à l’expérience du miroir chez l’enfant, que Lacan avait développée. Par cette série de projections que le système psychique a opérées sur les différents objets constituant la maison conçue, cette dernière devient un support miroitant mes propres pulsions et mes propres façons de les aborder. Elle est donc une synthèse de l’imaginaire qui tend à me reconstituer une image cohérente de mon propre être à partir des éléments épars de la maison conçue.

o La maison conçue et son rapport au symbolique

Nous avons, auparavant, conclu que la maison conçue ne vient imiter, dans sa composition, les éléments de la maison de vacances que dans le but de faire de chacune des expériences qu’elle offre à son utilisateur (moi) une source de plaisir. C’est pour cela que l’escalier vibre, que le couloir est sombre et qu’il débouche vers un belvédère suspendu, dominant des ruines, exclues quant à elles de l’intérieur de la maison. Bien que ces éléments

Figure 48 : Schéma représentatif du rapport de la maison conçue avec la notion de réel lacanien.

Pulsions

Objet de substitution Maison conçue La Chose :

Objet réel du désir : Ventre maternel Registre symbolique

Ordre des éléments de la maison conçue

se rapprochent formellement de ceux qui constituaient la scène primaire, ils s’en distinguent à plusieurs niveaux.

Pour que la maison imaginée puisse arriver à organiser et à offrir la maitrise des

pulsions et affects, il a fallu qu’elle obéisse à un certain ordre propice à la satisfaction du principe de plaisir. Par cet agencement, l’inconscient a pu trouver le compromis répondant le

mieux à ses exigences. L’ordre des éléments de la maison conçue peut donc être comparé à celui des mots d’une phrase qui lui donne sens. Si cet ordre est compromis le sens ne pourrait qu’en être affecté et perdu. Ainsi pour que la maison puisse prendre sens, il lui a fallu absolument présenter les éléments qui la composent dans l’ordre où ils se présentent. Un ordre différent de celui de la maison de vacances, car servant un autre but. Cet ordre, condition sine qua non de la réussite de la mission de la maison, n’est pas sans évoquer le registre

symbolique lacanien. Si l’œil, dans l’expérience du miroir sphérique se décale du champ

symbolique, il sera incapable de percevoir le reflet du vase à l’endroit où ce dernier pourrait contenir les fleurs. Si les éléments de la maison se présentent dans cet ordre et non un autre, c’est parce qu’ils entretiennent sous cette structure les liens symboliques susceptibles de permettre la transition entre l’inconscient et le conscient. (Figure 48.)