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3. LES QUALITES ET LES LIMITES DES CONVENTIONS

3.8 Le maintien des droits acquis

98. Le but a été exposé ci-dessus103 : il s’agit de maintenir une protection alors qu’un migrant quitte le pays d’emploi, que les membres de sa famille résident dans un autre pays.

99. Deux techniques sont employées pour maintenir les droits acquis : l’entraide administrative, concernant les soins de santé ; l’exportation ou service à l’étranger, pour les prestations en espèces104. Nous avons vu l’importance concrète au regard de la législation suisse105.

100. L’art. 5 de la Convention de sécurité sociale Suisse-Uruguay peut être cité à titre d’exemple. Son §1 prévoit l’exportation pour les Uruguayens et les Suisses, ainsi que pour les membres de leur famille et leurs survivants, des prestations en espèces de l’AVS/AI, de la législation uruguayenne sur les pensions (régimes en répartition et en capitalisation), sans aucune restriction, pour autant que ces personnes résident sur le territoire de l’un des deux Etats contractants. La même solution vaut pour les réfugiés et apatrides ainsi que leur famille. Le §2 soustrait à l’exportation les rentes AI pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, les rentes extraordinaires et les allocations pour impotence AVS/AI106. Le §3 élargit

102 Voir ci-dessus les Nos 58 sv.

103 Voir ci-dessus les Nos 35-36.

104 Voir ci-dessus les Nos 37-38.

105 Voir ci-dessus le N° 40.

106 Autrement dit, ces prestations ne sont versées qu’aux personnes domiciliées en Suisse.

le service des prestations à l’étranger dans des Etats tiers « par référence à l’égalité de traitement : si un Etat107 le prévoit pour ses propres ressortissants, il appliquera la même règle aux ressortissants de l’autre Etat. »108. L’entraide administrative concernant les soins de santé n’est pas prévue par la Convention Suisse-Uruguay. L’accord avec le Japon a une teneur semblable (art. 5), il en va de même de celui avec les Etats-Unis (art. 4 et 5). Il n’y a pas de service de rente à l’étranger avec la Corée du Sud, pas non plus avec l’Inde (sauf une exception côté indien109).

3.8.2 Comparaison avec les autres sources de coordination

101. La Convention OIT N° 19 (ratifiée) prévoit le service des prestations en cas d’accident du travail à l’étranger, cela au titre du principe de l’égalité de traitement110. Les Conventions OIT N° 118 et N° 157 (non ratifiées) prévoient le maintien des droits acquis pour les prestations d’accidents du travail et de maladies professionnelles, de vieillesse, de survivants et d’invalidité. Pour les autres éventualités, renvoi est fait à d’autres accords bi- ou multilatéraux.

102. La Convention européenne de sécurité sociale va dans la même direction que les Conventions OIT Nos 118 et 157. Le Règlement N° 883/2004 prévoit l’exportation et l’entraide administrative (soins).

103. Tous les instruments mentionnés contiennent des règles spécifiques pour les prestations dites non-contributives (c’est-à-dire non financées par des cotisations).

3.8.3 Qualité ou limite ?

104. Les conventions bilatérales étudiées sont plutôt limitées, certaines sont inopérantes.

Les accords avec le Japon, les Etats-Unis et l’Uruguay prévoient une exportation, mais seulement pour une partie de la sécurité sociale (régimes légaux de pensions). Les accords avec la Corée du Sud et l’Inde ne contiennent pas de règle sur le service des prestations à l’étranger (une exception du côté indien) ; ils en restent au remboursement des cotisations.

Dans ses relations avec l’Union Européenne, la Suisse doit appliquer un maintien des droits d’une toute autre ampleur : pour toute la sécurité sociale111 et à l’égard de l’ensemble des Etats membres de l’UE.

107 Suisse ou Uruguay.

108 Message concernant la Convention Suisse-Uruguay, p. 1660.

109 Message concernant la Convention Suisse-Inde, p. 6887 et art. 4 §2 de ladite Convention.

110 Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, p. 171.

111 A des conditions strictes, certaines prestations non contributives ne sont pas exportées.

3.9 La coopération administrative 3.9.1 Buts et modalités

105. Le but principal a été indiqué ci-dessus112 : éviter de demander aux personnes protégées de reconstituer elles-mêmes leur carrière internationale ; il appartient ainsi aux institutions de sécurité sociale de le faire. Ce sont ces dernières qui procèdent aux échanges de renseignements et documents nécessaires113.

106. Par exemple, l’art. 20 de la Convention Suisse-Japon, sous le titre « Entraide administrative », dispose que :

« (1) Les autorités compétentes114 des Etats contractants :

(a) conviennent des mesures administratives nécessaires à l’application de la présente convention ;

(b) désignent les organismes de liaison en vue de l’application de la présente convention, et

(c) s’informent mutuellement aussitôt que possible de toutes les modifications de leurs dispositions légales qui ont une influence sur le champ d’application et l’application de la présente convention.

(2) Pour l’application de la présente convention, les autorités et institutions compétentes des Etats contractants se prêtent mutuellement assistance dans le cadre de leurs compétences. Cette aide est gratuite. ».

107. L’art. 20 est suivi d’autres dispositions : sur l’exemption ou la réduction de taxes, d’émoluments, de visas de légalisation (art. 21) ; l’échange d’informations (art. 22) ; la protection des données personnelles (art. 23) ; les dépôts de demandes, recours et déclarations (art. 24) ; le paiement des prestations (art. 25) ; le règlement des différends (art. 26).

108. Les Conventions conclues par la Suisse avec la Corée du Sud, les Etats-Unis, l’Inde et l’Uruguay contiennent des dispositions proches de ce qui vient d’être mentionné.

109. Outre son rôle indispensable pour le bon règlement des dossiers des personnes protégées et des employeurs, la coopération administrative a une deuxième fonction importante. Elle permet d’apprécier la qualité de la collaboration entre les institutions de sécurité sociale et autorités des Etats contractants. C’est un élément très utile pour déterminer si la coordination entre ces deux Etats peut être développée (en révisant la convention ou en la remplaçant par une nouvelle).

112 Voir ci-dessus le N° 42.

113 Voir ci-dessus le N° 43.

114 Elles sont définies à l’art. 1 de cette Convention.

3.9.2 Comparaison avec les autres sources de coordination

110. L’art. 4 de la Convention OIT N° 19 (ratifiée par la Suisse) dispose que : « Les Membres qui ratifient la présente convention s’engagent à se prêter mutuellement assistance en vue de faciliter son application, ainsi que l’exécution de leurs lois et règlements respectifs en matière de réparation des accidents du travail, et à porter à la connaissance du Bureau international du Travail, qui en informera les autres Membres intéressés, toute modification dans les lois et règlements en vigueur en matière de réparation des accidents du travail ». L’art. 1 §2 prévoit aussi la possibilité d’arrangements si nécessaire concernant le paiement des prestations à l’étranger. L’absence de précision des règles est certainement due à l’ancienneté de l’instrument (adopté en 1925).

111. Les Conventions OIT N° 118 et N° 157 (non ratifiées par la Suisse) contiennent également des règles sur la coopération administrative, demandant une assistance mutuelle pour l’application du texte international et des législations nationales. La Convention OIT N° 157 va plus loin, prévoyant à son art. 14 que : « Tout Membre doit favoriser le développement de services sociaux destinés à assister les personnes auxquelles s’applique la présente Convention, notamment les travailleurs migrants, dans leurs relations avec ses autorités, institutions et juridictions, en particulier pour faciliter leur admission au bénéfice des prestations et l’exercice éventuel de leurs droits de recours, ainsi que pour promouvoir l’amélioration de leur condition personnelle et familiale ». C’est une règle bienvenue : il peut être difficile à une personne de faire valoir, dans un pays étranger – dont elle ne maîtrise peut-être pas ou qu’imparfaitement la langue – ses droits relatifs à la sécurité sociale. Le recours à des services privés payants peut se révéler hors de sa portée.

112. La Convention européenne de sécurité sociale (non ratifiée) fait aussi une place à la coopération administrative. Elle contient une série de règles développées en cette matière.

A titre d’exemples, citons : une entraide concernant les expertises médicales, effectuées sur le territoire d’un autre Etat contractant à la requête d’une institution compétente (art. 67) ; le recouvrement de cotisations « par-dessus » une frontière (art. 69) ; l’exercice, de même manière, du recours contre un tiers tenu à la réparation du dommage (art. 70). Ce sont des questions traitées dans le Règlement N° 883/2004 de l’UE (art. 76 sv.) et dans le Règlement d’application R 987/2009 (art. 2 sv) de manière précise. Citons une particularité importante : le versement de prestations à titre provisoire lorsqu’il y a divergence sur la législation applicable (art. 6 et 7 du R 987/2009).

3.9.3 Qualité ou limite ?

113. Toutes les conventions étudiées reposent sur une coopération administrative entre les institutions des deux Etats contractants ; c’est un élément essentiel pour que la coordination puisse bien fonctionner et donc bien protéger. Pour cette raison, Guy PERRIN a reconnu à la coopération administrative le rang de principe de la coordination115. Il

115 Guy PERRIN : Introduction au droit international de la sécurité sociale, p. 18.

y a évidemment ici une limite intrinsèque aux conventions bilatérales : l’entraide n’est réalisée qu’entre deux Etats.