• Aucun résultat trouvé

3. LES QUALITES ET LES LIMITES DES CONVENTIONS

3.5 L’égalité de traitement

3.5.1 Un principe à « géométrie variable »

72. Comme rappelé ci-dessus73, les législations nationales peuvent contenir des discriminations à l’égard des étrangers ; le premier but de la coordination est ainsi de remédier à de telles situations74. Le BIT apporte la synthèse suivante : « La solution la plus simple, la plus complète et la plus favorable aux étrangers, lorsqu’il s’agit de supprimer les discriminations dont ils sont l’objet, consisterait à leur accorder inconditionnellement l’égalité de traitement. Mais en pratique, si les conditions de réciprocité et de résidence dont ce principe est souvent assorti en restreignent la portée, elles permettent aussi de lui donner effet en l’adaptant de manière raisonnable aux particularités des législations nationales. Les conventions de sécurité sociale accordent assez rarement aux étrangers une égalité inconditionnelle de traitement. En effet, d’une part, elles sont généralement conclues dans un cadre bilatéral ou multilatéral sur la base de

70 Eviter les doubles assujettissements et régler les détachements.

71 Voir ci-dessus les Nos 49-50.

72 Voir ci-dessus le N° 69.

73 Voir ci-dessus les Nos 11-16.

74 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 279 sv.

la réciprocité, qui implique l’admission d’une condition de nationalité. Il n’est pas rare que les conventions multilatérales ouvertes, imposent aussi la même condition. D’autre part, les conventions étendues à l’ensemble des législations de sécurité sociale font souvent état de restrictions ou de réserves au regard de l’égalité de traitement, notamment en ce qui concerne les prestations non contributives et celles qui sont accordées au titre de régimes transitoires. Toutefois, certaines conventions internationales ont affirmé le principe d’une égalité inconditionnelle de traitement à l’égard de tous les étrangers »75.

73. Dans les conventions bilatérales de sécurité sociale, l’égalité de traitement est logiquement liée à une condition de réciprocité : un Etat accorde l’égalité aux ressortissants de l’Etat contractant parce que ce dernier consent l’égalité pour ses nationaux. Ensuite, la portée de l’égalité va dépendre du champ d’application matériel de l’instrument de coordination, celui-ci peut couvrir une éventualité, plusieurs, l’ensemble de la sécurité sociale, et ceci pour certains régimes ou pour tous76. Finalement l’intensité de l’égalité est négociée par les deux Etats : dans le cadre évoqué (réciprocité et portée), l’égalité peut être entière (ou totale, complète) ou partielle. Imaginons, à titre d’exemple, un législateur national qui ouvre le droit aux pensions de retraite après cinq ans de cotisations pour les nationaux et douze ans pour les étrangers, une discrimination grave.

Dans un accord bilatéral, l’exigence pour les étrangers serait abaissée à sept ans ; ce ne serait pas encore l’égalité entière mais pourtant une amélioration par rapport au droit interne. Il s’agit bien d’un principe à géométrie variable : ce n’est pas satisfaisant pour les personnes concernées, mais les solutions conventionnelles seront certainement plus favorables pour elles que la seule application du droit interne. En d’autres termes, mieux vaut une convention bilatérale de coordination que l’absence du droit international. Dernier point à mentionner : une convention peut admettre des inégalités limitées en faveur des nationaux77.

74. Les Conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec les Etats-Unis, le Japon et l’Uruguay contiennent une disposition prévoyant l’égalité de traitement entre les ressortissants des Parties contractantes (condition de réciprocité), pour les éventualités/régimes couverts (portée limitée). Cette égalité comprend des exceptions ; du côté suisse, par exemple : pas d’accès à l’AVS/AI facultative ; ni d’assurance AVS/AI en cas de travail à l’étranger au service de la Confédération ou d’autres institutions désignées ; ni d’adhésion volontaire à l’AVS/AI pour les fonctionnaires internationaux. Les Conventions conclues par la Suisse avec la Corée et avec l’Inde, dont l’objet est limité78, ne comprennent pas de règle sur l’égalité.

3.5.2 Comparaison avec les autres sources de coordination

75. La Convention OIT N° 19 prévoit l’égalité de traitement, basée sur une condition de réciprocité : elle doit être garantie pour les travailleurs ressortissants des Etats ayant

75 BIT : La sécurité sociale des travailleurs migrants, pp. 40-41.

76 Voir ci-dessus les Nos 58 sv.

77 Voir ci-dessus les Nos 8 sv.

78 Voir ci-dessus le N° 50.

ratifié cet instrument, la Suisse en fait partie. La portée concerne uniquement les accidents du travail. L’égalité est complète.

76. La Convention OIT N° 118 dispose que : « Tout Membre [de l’OIT] pour lequel la présente convention est en vigueur [la Suisse ne l’a pas ratifiée] doit accorder, sur son territoire, aux ressortissants de tout autre Membre pour lequel ladite convention est également en vigueur, l’égalité de traitement avec ses propres ressortissants au regard de sa législation, tant en ce qui concerne l’assujettissement que le droit aux prestations, dans toute branche de sécurité sociale pour laquelle il a accepté les obligations de la convention. » (art. 3 §1). Il s’agit ainsi d’une égalité fondée sur une condition de réciprocité79. La portée peut concerner l’ensemble de la sécurité sociale (champ matériel de la Convention OIT N° 118) ou une partie de cette dernière (une ratification partielle est admise). L’égalité peut faire l’objet de conditions selon ce qui est prévu par l’instrument.

La Convention OIT N° 157 traite de tous les principes de coordination sauf celui de l’égalité, mais elle se réfère à celle-ci dans son deuxième considérant.

77. La Convention européenne de sécurité sociale80 (Conseil de l’Europe) prévoit l’égalité de traitement, également sur une base de réciprocité. La portée concerne l’ensemble de la sécurité sociale. Les prestations à caractère non-contributif peuvent faire l’objet de conditions spécifiques. L’ALCP liant la Suisse et l’Union Européenne prescrit l’égalité de traitement complète entre Suisses et Européens UE, pour l’ensemble de la sécurité sociale. Une solution analogue vaut pour les ressortissants des Etats de l’Association européenne de libre échange.

3.5.3 Qualité ou limite ?

78. Si une législation nationale contient des dispositions discriminatoires à l’égard des étrangers, une convention bilatérale de coordination peut remplir une fonction très utile : neutraliser ces dispositions par le principe de l’égalité de traitement. Cette intervention sera fondée sur une condition de réciprocité, ce qui va de soi dans un accord bilatéral. Par contre, l’égalité n’est pas nécessairement prévue pour l’ensemble de la sécurité sociale, elle peut être limitée à certaines éventualités et certains régimes – c’est justement le cas des conventions conclues par la Suisse81 – et elle peut ne pas être complète (les instruments conclus par la Suisse prévoient quelques exceptions82). Sur ce plan, l’ALCP et le droit européen UE qu’il déclare applicable vont beaucoup plus loin : ici l’égalité porte sur toute la sécurité sociale et elle est complète.

79 L’art. 3 §3 permet une dérogation à l’égard d’un Etat membre qui n’accorderait pas l’égalité, alors qu’il a une législation pour une éventualité déterminée.

80 Non ratifiée par la Suisse.

81 Voir ci-dessus les Nos 58 sv.

82 Voir ci-dessus le N° 74.

3.6 La désignation du système compétent