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MAFCOT et la conduite centrifuge : vers une maîtrise accrue de la qualité et de

5. La conduite du pommier et son évolution

5.1. Mieux connaître l’arbre pour mieux le conduire

5.1.2. MAFCOT et la conduite centrifuge : vers une maîtrise accrue de la qualité et de

La taille longue, présente un avantage économique certain pour l’arboriculteur : entrée en production rapide, maîtrise de la vigueur, meilleur équilibre croissance-fructification, homogénéité des fruits. Toutefois, cette évolution vers la notion de branche fruitière libre ne résout pas le problème d’alternance (Lauri et Lespinasse 1999d). L’alternance, fait de ne pas présenter une fructification régulière tous les ans, s’explique par la tendance de certaines variétés à produire une trop grande quantité de fruits (et par conséquent de petits calibres et de mauvaise qualité) une année donnée. La présence de ces fruits entrave la formation des bourgeons floraux qui se manifestent l’année suivante.

Ainsi, à une année de forte production succède une année de récolte faible ou nulle. Il est essentiel de contrôler la charge en fruits de l'arbre si l'on veut éviter ce phénomène. Jusqu'alors, les moyens utilisés étaient l'éclaircissage chimique et manuel des fleurs et des jeunes fruits. Ces deux actions, souvent raisonnées indépendamment, étaient répétées chaque année et ne suffisaient pas à résoudre l’alternance. C’est ce qui a poussé le groupe MAFCOT à développer un travail de recherche spécifique sur ce thème, depuis 1995, où il intègre davantage la conduite (« taille », arcure) et le contrôle des points de fructification.

« Plutôt que de raisonner tronc-branches, de lui donner une forme, et ensuite essayer de gérer ce qui va se passer en terme de fructification, on ferait peut-être bien de considérer le problème à l’inverse : laisser un arbre s’établir et s’occuper davantage de ses organes de fructification, mieux les répartir dans l’espace, sachant que ces organes de fructification agissent sur la croissance des branches, du tronc, au point éventuellement de bloquer l’arbre24 » (P-E. Lauri, chercheur INRA et animateur MAFCOT, 11.2003).

A la base de leur réflexion se trouvent les travaux engagés par P-E. Lauri et J-M. Lespinasse. Ils ont décrit les éléments déterminant la croissance et la fructification de plusieurs variétés (nombre et longueur des ramifications, etc.) à travers une analyse précise de la branche fruitière et de ses « stratégies » de ramification et fructification. Ces observations aboutirent à la découverte d’un phénomène non décrit jusqu’alors : l’arrêt définitif du fonctionnement de certains bourgeons. Ce phénomène, appelé extinction, se remarque à une cicatrice sur la coursonne (organe destiné à porter le fruit) et varie de façon notable selon la variété.

8. Extinctions naturelles pour la variété Granny Smith (Larrive 2002)

Les variétés de type IV, non-alternantes, sont caractérisées par une forte proportion d’extinctions : environ la moitié des bourgeons fonctionnels « avortent ». A l’opposé, les variétés de type II, très alternantes, sont caractérisées par une plus faible extinction (Lauri, Lespinasse [et al.] 1996b).

Ainsi, il semblerait que la régularité de production provienne d’une autorégulation de l’arbre qui consiste à diminuer le nombre de pousses fructifères afin de favoriser le fonctionnement des points restants (Lauri, Kelner, Delort et al 2000).

« C’est en orientant mes analyses vers la question de savoir ce qui se passait d’une année à la suivante (analyse des ‘filiations’ ou des ‘séquences’) que naturellement certaines séquences

24 Cette citation provient d’une communication lors des rencontres nationales MAFCOT à Agen.

particulières sont apparues, celles où un axillaire s’arrêtait de fonctionner […]. L’extinction avait été vue par ceux qui travaillaient sur les arbres, mais ils n’avaient probablement jamais réalisé que ça variait beaucoup entre les variétés et que, plus intéressant, c’était en général relié à la régularité de production » (P-E. Lauri, chercheur INRA et animateur MAFCOT, courriel personnel du 01.12.2003).

A partir de ce constat est venue l’idée d’effectuer une extinction artificielle sur les variétés qui ne le font que très peu naturellement. Après nombre d’expérimentations et de validations en parallèle chez les producteurs, de réflexions et mises en commun - processus de co-construction de connaissances qui sera étudié dans la prochaine partie -, le groupe MAFCOT en est venu à proposer ces dernières années une conduite dite centrifuge.

9. Conduite centrifuge (dessin de Lespinasse, Hucbourg, Aymard 2003)

La conduite centrifuge est une évolution supplémentaire à partir du Solaxe (Hucbourg 2000b). Les grands principes restent le respect du bourgeon terminal, mais contrairement au Solen et au Solaxe, la branche n’est plus simplifiée : les pousses latérales sont conservées pour obtenir une branche ramifiée ou complexe. Les interventions préconisées sont le plus souvent l’application artificielle de phénomènes naturels :

- Le tronc est maîtrisé par l’arcure à la hauteur voulue, mais il n’est plus plié à l’horizontal comme auparavant. Seules les branches qui ne ploient pas naturellement sous le poids des fruits et qui

risquent de concurrencer l’axe sont arquées. L’arcure, naturelle ou artificielle, permet d’arriver de manière progressive à un équilibre entre croissance végétative et fructification : elle modifie le comportement initial de la branche, stimule la floraison et améliore la régularité de la production. Son intérêt réside notamment dans le fait que l'arcure des rameaux est un phénomène naturel inéluctable, du moins pour la grande majorité des cultivars, et que la réalisation d'arcure artificielle ne fait qu'anticiper ce phénomène (Lauri et Lespinasse 1998).

- L’extinction, nous l’avons vu, est un phénomène naturel, qui stimule le développement des points restants. A la différence d’un simple éclaircissage de jeunes fruits, cette manipulation supprime définitivement la coursonne : lorsque les extinctions ont été effectuées (lors de la première année de forte production : 3 ou 4ème année) elles ne sont plus à refaire ; exception faite des nouvelles ramifications sur les croissances nouvelles de l’arbre.

10. Sans extinction (à gauche) et avec extinction (à droite) (Larrive 2002).

L’extinction est bien un type de taille, mais pratiquée à un stade ultérieur du développement de l’arbre, sur les organes directement engagés dans la fructification. Ainsi, elle se différencie des tailles classiques qui agissent sur la structure de l’arbre, le tronc (taille de formation) ou les branches (taille de renouvellement), qui n’ont pas d’équivalent dans le fonctionnement physiologique normal de l’arbre, qui par conséquent réagit en réitérant le tronc ou la branche taillé (Lauri, Kelner, Delort, [et al.] 2000). L’extinction permet de maîtriser l’alternance et d’éclairer de manière plus optimale et homogène l’ensemble de l’arbre. Pour ce faire, un puits de lumière ou cheminée est créé après extinction systématique au centre de l’arbre. Les fruits sont répartis davantage en périphérie d’où le terme de conduite centrifuge.

11. Port naturel (à gauche) et avec « puits de lumière » (à droite) (photos P-E. Lauri).

« [L]’arbre est davantage vu comme un ensemble de branches imbriquées en tuile, qui sont autant de capteurs hémisphériques de la lumière. Seule la partie périphérique est fructifère. L’extinction se produit naturellement à partir du centre de l’arbre et progresse de façon centrifuge quand l’arbre vieillit. Dans ce cas, on veille à dégager régulièrement les coursonnes et rameaux situés à l’intérieur de l’arbre » (lettre de P-E. Lauri et J-M. Lespinasse du 26.11.1998 aux membres MAFCOT).

Le taux d’extinction et sa répartition n’est pas toujours facile à déterminer. Si l’on pratique le même nombre d’extinctions sur toutes les branches sans tenir compte de leur volume, les branches faibles se verront vite surchargées et les grosses branches sous-chargées. C’est pour éviter un tel phénomène que le groupe MAFCOT a mis au point un outil appelé équilifruit.

12. Equilifruit et son utilisation (Larrive 2002).

En fonction de la variété, du potentiel du verger et des objectifs économiques (calibre notamment), cet outil permet de raisonner le dosage des extinctions pratiquées à partir de la section de la branche (Larrive, Lauri, Lespinasse, Ramonguilhem 2000 ; MAFCOT 2000). L’unité de travail de l’arboriculteur devient alors davantage l’organe porteur du fruit, la coursonne, que la branche fruitière (Lauri, Kelner, Delort, [et al.] 2000).

La conduite centrifuge permet d’augmenter le volume de production de premier choix avec un rendement égal voir supérieur à ce qui se faisait alors. Les fruits sont plus homogènes, de plus gros calibre (essentiel selon les marchés et les variétés), plus colorés (indispensable pour les variétés bicolores). La production est plus régulière d’une année à l’autre. Par l’obtention d’un équilibre rapide, la conduite avec extinction contribue à limiter la sensibilité du végétal aux parasites et ravageurs tout en favorisant la pénétration des traitements grâce à une frondaison aérée. La mise en place d’une canopée plus aérée peut limiter les conditions humides favorables au développement de certaines maladies comme la tavelure ou l’oïdium (Larrive 2002).

« On s’aperçoit en faisant un peu de biblio que [dans] la manière de gérer les choses, […]

très souvent l’arbre reste une boîte noire. Par exemple, on va optimiser l’interception de la lumière entre les arbres, mais on ne rentre pas dans l’arbre. Ce que nous, on apporte, avec la conduite centrifuge, c’est bien de dire : on va essayer de gérer également la manière dont l’arbre se développe, l’arbre lui-même […]» (P-E. Lauri, chercheur INRA et animateur MAFCOT, 05.2003).