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Chapitre 2. Revue de la littérature

2.4 Approches d’évaluation et qualités des archives définitives

2.4.1 Approches d’évaluation

2.4.1.3 Macro-évaluation

2.4.1.3.1 Contexte de développement et fondement

Terry Cook (1992b) a présenté une autre approche pour déterminer la valeur des documents : la macro-évaluation. Après avoir exercé plusieurs responsabilités aux Archives nationales du Canada, Terry Cook conçoit la macro-évaluation. Son approche d’évaluation actuelle est adoptée non seulement par les Archives nationales du Canada en 199019, mais aussi par les Archives nationales de la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Pour définir la macro-évaluation, Cook (2006) souligne son caractère théorique et pratique. L’auteur écrit :

Macroappraisal involves theory for determining the apparaisal value of records and a new practice (strategy, methotology, and criteria) for implementing that appraisal values-determination theory. The leading advocates of macro-appraisal insist that theory and practice are each essential sides of the macroappraisal coin (Cook, 2006, p. 102).

18L’importance par rapport aux fonctions institutionnelles 19Actuellement Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

L’approche de Cook focalise sur l’étude de l’organisme producteur des archives et de ses structures clés identifiées sous le nom « Bureaux de premiers intérêts- (BPI) »

(Office of Primary Interest- OPI). Tel que précisé :

L'objectif de la macro-évaluation consiste à obtenir des différents Bureaux de premier intérêt un nombre appréciable et suffisant de preuves documentaires. Celles-ci devraient refléter de la manière la plus concise possible, et en faisant appel aux meilleurs supports d'enregistrement existants, les répercussions d'une fonction ou d'un programme donné sur la population canadienne et l'interaction entre le grand public et cette fonction ou ce programme (Cook, 2001a).

Cette approche se réalise par l’analyse des fonctions de ces structures, de leurs missions et de leurs activités. Après quoi, la structure des fonds d’archives et leur contenu sont étudiés en tenant compte des liens entre ces différents éléments. Le fondement théorique auquel tient cette approche réside dans le principe de provenance (Cook, 1994; 2006).

Les structures organisationnelles nous offrent, selon Cook (1992b), une représentation assez fidèle de la logique particulière de son producteur. Ceci nous permet aussi de mieux comprendre le modèle de gestion de l’unité administrative ainsi que la dynamique à travers laquelle celle-ci interagit avec son milieu interne et externe dans un contexte sociétal général. Cook s’est inspiré de l’approche de Hans Booms, qui dans son article « L’ordre social et constitution du patrimoine archivistique », souligne justement l’importance des structures et des institutions en général par rapport à la détermination de la valeur des documents. Booms note que l’évaluation des archives doit se faire à partir d’une connaissance approfondie des institutions productrices, composantes de la société. Samuels (1986, 1992) rejette la centralité de l’étude de la structure organisationnelle par rapport au processus d’évaluation des archives, car cette dernière est une piste fragile et mouvante. Par ailleurs, elle reconnaît que l’étude de la structure organisationnelle est une étape secondaire dans le processus d’évaluation des archives, et ce, après avoir identifié, analysé et documenté les fonctions principales reflétant les valeurs d’une société. La macro-

évaluation se veut une approche centrée sur le créateur et ses structures. « An approach

which assigns a greater primacy to structure (the records creators) than to function as the first focus of archival appraisal, but it also assert that such structure are the manifestation

(or reflection) of societal functions » (Cook, 1992b, p. 40). Bailey (1997) établit le rapport entre la macro-évaluation et la Documentation Strategy. L’auteure soutient que les deux approches convergent en ce qu’elles sont deux approches logiques, planifiées et leur réalisation dépend d’une démarche analytique du producteur des documents et de son contexte interne et externe.

2.4.1.3.2 Volet technique

La réalisation de la macro-évaluation est redevable à la technique de l’analyse fonctionnelle qui consiste à étudier les fonctions de chaque structure de l’organisme producteur des archives et des unités qui la composent. Les fonctions institutionnelles selon la macro-évaluation sont celles qui concernent les structures, les missions, et les activités d’une institution. Cook (1992b, 2001b, 2002, 2006b) recommande aux archivistes l’analyse de ces fonctions institutionnelles, car elles leur permettent une connaissance approfondie des BPI - unités administratives jugées importantes en raison de leur pouvoir décisionnel au sein de la hiérarchie de l’institution. Selon Cook, le mérite de cette technique est qu’elle permet d’atteindre la documentation pertinente en la distinguant de celle qui semble être moins importante. En termes de qualité, la technique de l’analyse des fonctions institutionnelles, sur laquelle repose cette approche d’évaluation, vise à retenir des archives définitives pertinentes et représentatives par rapport aux activités des unités administratives permettant de la sorte, un contenu consistant et riche quant au témoignage documentaire d’une société.

2.4.1.3.3 Critères d’évaluation

Cook (1991, 2001b, 2002, 2006b) souligne que l’évaluation des archives doit s’appuyer sur des critères clairement définis par l’archiviste lui-même plutôt qu’imposés par le producteur des documents. « À l'aide de ces critères, l'archiviste justifie la préservation des documents en raison de leur valeur informationnelle, plutôt qu'à titre de preuve suffisante pour documenter les fonctions opérationnelles du gouvernement » (Cook, 2001b). L’auteur propose un ensemble de critères généraux pour guider l’archiviste dans la détermination de la valeur secondaire des documents gouvernementaux et plus particulièrement la valeur d’information. Les critères sont 1) la complétude des séries

d’archives, 2) l’authenticité des documents, 3) l’unicité des pièces d’archives, 4) les rapports avec d'autres documents. 5) l’ancienneté des documents (dates et laps de temps que couvrent les archives), 6) l’étendue des thématiques traitées dans les archives, 7) la facilité d’utilisation, 8) la facilité de manipuler le document et son support, 9) et finalement, l’état matériel des documents (Cook, 2001b). Ceux-ci représentent des pistes pertinentes porteuses de qualités des archives définitives. Plus précisément, au terme de l’exercice de l’évaluation, les archives définitives - composantes du patrimoine documentaire d’une société – seront, selon Cook (2002) complètes, authentiques, uniques, liées organiquement avec d’autres documents, anciennes le cas échéant (critère lié aux dates et laps de temps), exhaustives (critère 6) et exploitables (critères 7, 8 et 9).

2.4.1.3.4 Instrumentation

Le rapport d’évaluation est l’un des instruments clés de la macro-évaluation. Selon Cook (2006b), « the Archival Appraisal Report serves as an accountability and audit trail for the appraisal process itself, in the same way that other business process of government should be conducted in a transparent and accountable way » (p. 139). Cet instrument vise d’une part, la documentation des différentes étapes du processus d’évaluation et d’autre part, l’argumentation des décisions concernant la valeur attribuée aux archives évaluées. Il comporte une analyse exhaustive et descendante (top bottom) du contexte de l’institution, « de l’entité administrative (direction générale, division, bureau, etc.), du processus administratifs [sic], de la fonction des opérations ou du groupe de transactions opérationnelles - ou toute combinaison de ceux-ci » (Archives nationales du Canada. Direction des documents gouvernementaux, 2001, p. 9). Concrètement, un rapport d’évaluation est réalisé pour répondre adéquatement à une demande d’autorisation de disposer de documents (DADD). Une demande formulée par une institution et adressée à l’archiviste national du Canada afin qu’il lui permette de céder les documents à sa charge, une fois que ces documents ne servent plus aux besoins administratifs courants. Le rôle du rapport d’évaluation est alors de présenter des recommandations argumentées et bien étudiées pour offrir une documentation suffisamment éclairante permettant la prise de décision adéquate quant au sort final des documents gouvernementaux ainsi que les

modalités et les conditions de son application. En termes de qualité, le rapport d’évaluation vise à indiquer clairement :

1) L’importance ou la signification relative de la fonction ou du processus organisationnel faisant l’objet d’un examen archivistique et (2) la détermination du genre et de la quantité des documents nécessaires pour documenter - de façon adéquate, convenable et complète - le processus en question (Archives nationales du Canada. Direction des documents gouvernementaux, 2001, p. 16).

Compte tenu de sa double finalité, le rapport d’évaluation permet d’une part, d’appuyer la décision relative au sort final des documents soumis à l’évaluation, et d’autre part d’appuyer leur qualité comme une trace pertinente des activités des institutions gouvernementales et de leur contexte, d’autant plus que « le concept de preuve suffisante est la clé de cette stratégie d’évaluation » (Archives nationales du Canada. Direction des documents gouvernementaux, 2001, p. 16).

2.4.1.3.5 Synthèse

L’étude de la macro-évalutation, révèle que cette approche offre des pistes prometteuses qui permettent d’alimenter l’étude des qualités que l’on souhaite avoir dans des archives définitives. Le volet technique, qui repose sur l’analyse fonctionnelle de l’institution, permet de s’assurer de la pertinence des archives et de leur représentativité par rapport à leur créateur. Toutefois, la pertinence des archives présentée par Cook, ici, diffère de celle qui a été évoquée par Samuels. Selon Cook, la pertinence des archives est liée à la capacité des archives à renseigner sur les bureaux de premier intérêt et leurs fonctions respectives dans le contexte gouvernemental. Pour Samuels, la pertinence des archives réside, plutôt, dans l’importance des thématiques majeures d’une société, sur lesquelles ces archives renseignent.

Les critères d’évaluation évoqués par la macro-évaluation visent par ailleurs la complétude des archives définitives, leur authenticité, leur unicité, leur ancienneté, leur exhaustivité, leur exploitabilité ainsi que l’organicité qui les distingue. Dans l’objectif d’une meilleure application du processus d’évaluation, le rapport d’évaluation - instrument

essentiel dans la macro-évaluation - tend à justifier les considérations qui motivent le choix des archives pertinentes à la mémoire de l’ensemble des institutions gouvernementales pour enfin présenter des preuves solides du passé de celles-ci.