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Chapitre 2. Revue de la littérature

2.6 Le concept de qualité

2.6.1 Qualité : genèse, définition et mesure

2.6.1.1 La genèse du concept qualité

Au tournant de la Première Guerre mondiale, l’effort des grandes industries surtout aux États-Unis s’est orienté vers l’augmentation de la capacité de production. Cette tendance a affecté la qualité des produits réalisés en masse et a affaibli par conséquent leur compétitivité.

Face à cette difficulté, plusieurs experts ont proposé des solutions. Radford (1922), expert en statistiques appliquées au domaine de la production et un des pionniers de l’approche contrôle qualité, affirme la nécessité de définir et de mesurer la qualité des produits pour atteindre une meilleure satisfaction de leurs utilisateurs (p. 7). Il explique : “In meeting and satisfying the purchaser's expectations, the manufacturer's problem would be very simple indeed if quality were some definite thing which could be easily and accurately measured” (Radford, 1922, p. 7).

Shewhart (1931, 1989), physicien, chercheur aux laboratoires Bell et expert des méthodes statistiques, confirme la nécessité d’améliorer la connaissance de la qualité par les méthodes du contrôle statistique qui implique trois étapes : « la spécification que l’on demande, la production des objets demandés, et l’inspection des objets réalisés, pour voir s’ils sont conformes aux spécifications » (Shewhart, 1989, p. 1).

Par ailleurs, pendant leur guerre contre le Japon (1941-1945), les États-Unis étaient confrontés à un défi important qui consistait, non seulement à augmenter la production du secteur militaire, mais encore à maintenir leur niveau de qualité de manière à garantir leur fiabilité. Pour ce faire, les statisticiens étaient les premiers à avoir offert leurs services afin de faire face aux défis de la production d’une part et de la qualité des produits réalisés d’autre part.

Pendant cette période, Deming, professeur et consultant en statistiques, collaborateur de Shewhart et fonctionnaire au Bureau fédéral de Recensement (Bureau of the Census), a été sollicité pour développer des solutions statistiques et académiques pour le gouvernement américain. Deming (1991) a sensibilisé les ingénieurs et les cadres supérieurs, aux principes de gestion de qualité totale « Total Quality Management » (TQM), ou encore la qualité d'entreprise. Il a proposé également une méthode efficace pour réduire l’instabilité (la chute et la reprise) d’un processus de fabrication. L’importance de cette approche et son succès résident dans le fait d’associer le processus de production à la gestion de la qualité totale. Les principes de qualité développés par Deming (1991) sont largement répandus et reconnus non seulement aux États-Unis, mais aussi au Japon et en Europe.

Par ailleurs à l’échelle mondiale, la nécessité d’investir dans la qualité des produits et des services est reconnue désormais comme la clef du développement de l’économie mondiale. Plusieurs organismes de standardisation se sont réunis pour former une instance de normalisation internationale. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément le 23 février 1947, l’American Standards Association (ASA), l'Association Française de Normalisation (AFNOR) et la British Standards Institute (BSI) participèrent à Londres avec les instituts de normalisation de 22 autres pays à la création de l'Organisation Internationale de Normalisation (ISO)27.

Dès lors, le développement du concept qualité, ses implications et ses enjeux ont été approfondis dans diverses études et selon différentes approches de qualité, et ce, dans plusieurs disciplines (statistiques, mathématiques, physique, marketing, gestion, mécanique automobile, électronique, etc.) (Kélada, 1991; Gogue, 2000).

Juran (1951) introduit les trois processus de gestion nécessaires à l’amélioration organisationnelle, soit : le contrôle de la qualité, son amélioration et sa planification. Il a eu

27 « L’ISO (Organisation internationale de normalisation) est le plus grand producteur et éditeur mondial de normes internationales. L'ISO est un réseau d'instituts nationaux de normalisation de 157 pays, selon le principe d'un membre par pays, dont le Secrétariat central, situé à Genève, [en] Suisse, assure la coordination d'ensemble. L'ISO est une organisation non gouvernementale qui jette un pont entre le secteur public et le secteur privé. Bon nombre de ses instituts membres font en effet partie de la structure gouvernementale de leur pays ou sont mandatés par leur gouvernement, et d'autres organismes membres sont issus exclusivement du secteur privé et ont été établis par des partenariats d'associations industrielles au niveau national. L'ISO permet ainsi d'établir un consensus sur des solutions répondant aux exigences du monde économique et aux besoins plus généraux de la société ». Source : http://www.iso.org/iso/fr/about.htm. Page consultée le 12 mai 2010.

le mérite d’introduire également l’approche du cercle de qualité : une méthode qui permet d’évaluer la qualité des produits dans une entreprise. Juran (1951, 1987) a présenté également la théorie de Pareto : une approche qui étudie et évalue les défaillances d’une production.

Feigenbaum (1983) développe l’approche de la Total Quality Control, qui la qualifie de système effectif intégrant la qualité du développement, de la maintenance et aussi des efforts investis pour l’amélioration de l’organisation. L’objectif de cette approche est de satisfaire, pleinement et de manière économique, les exigences des clients.

Ishikawa (1984), pour sa part, propose de créer des cercles de qualité dans l’entreprise. Ces derniers représentent une méthode japonaise qui consiste à former un groupe d’employés qui se chargent volontairement du contrôle de la qualité des produits ou des services. Ishikawa développe ainsi une démarche holistique qui permet de gérer la qualité en fonction des besoins identifiés lors des cercles de qualité. Les principaux objectifs des activités du cercle de qualité sont : 1) l’amélioration et le développement de l’entreprise, 2) le respect et la valorisation de la dimension humaine, et 3) l’optimisation des capacités humaines et du potentiel de chaque individu.

Crosby (1986a, 1986b) propose la théorie du Zéro défaut. Cette dernière définit la qualité comme étant une recherche perpétuelle de l’excellence et de l’amélioration continue pour se rapprocher des exigences des clients. La rencontre de la satisfaction du client se réalise, selon Crosby, par le contrôle des taux d’erreurs. En visant une production ayant un taux d’erreurs très faible ou nul, l’entreprise sera en mesure de gagner la confiance de ses clients.

Garvin (1987), diplômé de l’Université de Harvard, propose quatre étapes stratégiques de qualité : 1) définir la qualité aux yeux des clients, c'est-à-dire que les organismes indiqueraient la juste signification de la qualité telle qu’elle est demandée par les clients; 2) déterminer comment mesurer la qualité définie par les clients; 3) fixer des objectifs et tracer un profil des pratiques internes 4) et enfin, former des équipes d'action pour répondre aux conditions de qualité.

Taguchi (1994) étudie le concept de perte et le considère comme une composante constante dans un processus de production. Concrètement, le concept de perte correspond à l’écart entre le produit et l’exigence des clients. Taguchi soutient que les concepts de qualité et de fiabilité devront être développés dès la conception des produits afin de

contrôler la variation du processus de fabrication. La fonction de perte influence, selon Taguchi, la qualité des produits.

Milakovich (1995) approfondit de son côté la qualité totale dans le domaine des services Total Quality Service (TQS) aussi bien dans le domaine public que privé. La TQS vise à optimiser, de façon compétitive, rapide et adéquate, la réponse aux attentes des clients.

Conclusion

En somme, l’étude de la genèse du concept de qualité démontre que sa perception a considérablement changé depuis son apparition au début du 20e siècle. Elle s’est transformée d’une qualité basée sur l’accroissement de la capacité de production vers une qualité soucieuse de l’adéquation du produit et du service aux besoins des clients. En conséquence, les exigences du client sont devenues un élément essentiel quant à détermination de la qualité. Les efforts et les ressources des entreprises se sont orientés davantage vers l’objectif de garantir la qualité des produits et des services et ses différentes dimensions objectives et subjectives. Ainsi, le besoin de préciser la définition de la qualité et la nécessité de développer les moyens permettant sa mesure se sont fait sentir dans différents secteurs et domaines.