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Métiers et secteurs économiques

La législation germanique se distingue du reste de notre corpus par son formalisme d’inspiration romaine107. Comme ces textes ne mentionnent que quelques métiers, ils nous informent peu sur la spécialisation et la division du travail réelle de l’époque. Cependant, ces textes nous fournissent de précieuses données sur la valeur de compensations pour meurtre d’esclaves qualifiés. Ces textes n’ont toutefois été étudiés que sous l’angle de la représentation108. À notre avis, ces données appellent, non seulement à un traitement qualitatif, en relevant les différentes catégories et échelons, mais aussi à un traitement quantitatif, en établissant des ratios de primes à la spécialisation. Dans ce chapitre, nous souhaitons rendre compte de la hiérarchie entre les métiers, et donc, de la place économique et sociale accordée à la spécialisation du travail.

a. Catégorie de métiers : quelle hiérarchie entre les métiers?

Pour comprendre la place de la spécialisation du travail dans la Gaule de l’Antiquité tardive, nous allons baser notre analyse sur les quelques rares données chiffrées touchant le travail de notre période. Nous avons ainsi pu y discerner une hiérarchie entre les différents métiers qui rappelle celle que nous pouvons retrouver à partir des listes de salaires de l’Édit

des Prix de Dioclétien109. Ceci suggère une certaine continuité dans le marché et l’organisation du travail entre la période impériale romaine et la Gaule des Ve-VIIe siècles.

Certains ont considéré que les métiers des codes germaniques étaient ceux auxquels la société du haut Moyen Âge avait attribué des statuts particuliers ; les autres métiers 107 Ian Wood, op. cit., 2010, p. 159-177.

108 Lisi Oliver, op. cit., 2011, 304 p. ; Jacques Le Goff, op. cit., 1999, p. 112.

109 La comparaison d’échelle et de ratios est suggérée comme l’un des traitements possibles des données de l’Édit des Prix, évitant ainsi les problèmes d’inflation du début du IVe siècle. Miriam J. Groen-

seraient donc inférieurs à ceux qui y sont mentionnés110. Nous pensons qu’il faut plutôt replacer ces lois dans le contexte des activités économiques des domaines mérovingiens111. De fait, on y retrouve essentiellement des métiers qui correspondent aux besoins constants et aux secteurs économiques des domaines fonciers des VIe-VIIe siècle : les éleveurs et les travailleurs du sol, des vignerons pour le vin destiné à l’exportation et à la consommation du domaine ; des forgerons pour les outils et peut-être les armes ; des charrons pour entretenir les charrettes nécessaires au commerce régional ; et finalement les orfèvres pour le luxe, le prestige et peut-être aussi la quête de profit112. D’autres métiers (le cordonnier, le tailleur et l’artisan du cuivre) sont mentionnés, dans LB XXI,113 aux côtés de l’orfèvre, de l’argentier et du forgeron, mais la loi concerne la pratique de leur art hors du domaine justement, dans un contexte qui concerne probablement la location d’esclaves114. On se demande alors pourquoi ils sont nommés dans cette loi et pas dans LB X115. Il faut probablement comprendre ces listes comme des séries d’exemples visant à donner un cadre comparatif aux juges qui devaient établir les règlements de ces compensations. En effet, pour les biens dont la valeur est spécifiée en cas de vol, on comprend que ce ne sont pas les seuls biens qui doivent être compensés, mais bien ceux qui sont les plus communs, ou peut- 110 Le Goff prend alors note de la symbolique germanique de l’orfèvre et du forgeron : Jacques Le Goff,

op. cit., (1971), p. 239-266.

111 Sur la villa mérovingienne et sur les liens entre certaines lois germaniques et la levée des impôts, voir : Jean-Pierre Devroey, op. cit., 2006, p. 526-533.

112 Des énumérations de métiers se retrouvent dans : LB X; LRB II; PLS XI; PLS XXXV; PLA XLI;

PLA XXII; ER 125-137; LA 72-74; LV VII, 6, 4.

113 LB XXI — Quicumque vero servum suum aurificem, argentarium, ferrarium, fabrum aerarium, sartorem vel sutorem in publico adtributum artificium exercere permiserit, et id, quod ad faciendam operam a quocumque suscepit, fortasse everterit, dominus eius aut pro eodem satisfaciat aut servi ipsius, si maluerit, faciat cessionem. « Ainsi, quiconque aura permis son esclave d'exercer en public

le métier attribué d'orfèvre, d'artisan de l'argent, de forgeron, de bronzier, de tailleur ou de cordonnier, et que celui-ci gâche, de quelque manière, ce que quiconque lui a fourni pour effectuer son travail, le maître de celui-ci devra donner satisfaction pour une même (valeur), ou s'il préfère, qu'il cède son esclave. » Traduction adaptée de Fisher 1972.

114 Renée Doeheard, op. cit., 1971, p. 223.

115 LB X. [1.] Si quis servum natione barbarum occiderit, lectum ministerialem sive expeditionalem, LX solidos inferat , multae autem nomine solidos XII ; si alium servum, Romanum sive barbarum , aratorem aut porcarium , XXX solidos solvat. [2.] Qui aurificem lectum occiderit, CC solidos solvat. [3.] Qui fabrum argentarium occiderit, C solidos solvat. [4.] Qui fabrum ferrarium occiderit, L solidos inferat. [5.] Qui carpentarium occiderit, XL solidos solvat. ; « Si quelqu'un tue un esclave

barbare de naissance, serviteur qualifié ou éclaireur, qu'il compense 60 solidi, quant à l'amende elle est de 12 solidi ; si c'est un autre esclave, romain ou barbare, bouvier ou porcher, le contrevenant compensera 30 solidi. Quiconque tue un orfèvre payera 200 solidi. Quiconque tue un artisan de l'argent payera 100 solidi. Quiconque tue un forgeron compensera 50 solidi. Quiconque tue un charron compensera 40 solidi. » Traduction adaptée de Fisher 1972.

être ceux qui ont fait jurisprudence. De plus, on note plusieurs variations dans les différentes versions de la loi des Burgondes quant aux valeurs de compensation pour l’aurifex et pour le carpentarius116. Ces variations pourraient suggérer l’établissement progressif du cadre comparatif alors que le code était mis à l’écrit. Il est donc possible que les métiers mentionnés dans les lois germaniques soient des exemples de métiers pouvant servir de jurisprudence. Ceci rejoint les conclusions auxquelles sont arrivés Groen-Vallinga et Tacoma concernant les métiers présents dans l’Édit des Prix. Malgré l’apparente exhaustivité des métiers représentés, comme plusieurs manquent, la vocation de l’édit était probablement de servir d’exemple117.

Tableau 1.1 Comparaison d'échelles : Édit des prix (301) et compensation pour meurtre d'esclave selon sa spécialisation dans les Leges Burgundionum (502), le Pactus Legis

Alamannorum (VIe-VIIe) et l'Edictum Rhotari (642)

Édit des prix, 7

(valeurs en denarii) LB IV ; X & LRB II, 2 (valeurs en

solidi)

PLA XLII

(valeurs en solidi) ER 129-136 (valeurs en solidi)

pastor 20 servus 25 servus X discipulus 16 operarius rusticus 25 birbicarius 30 birbicarius 2X servus rusticus 16 camelarius, asinarius,

burgonarius, mulionus 25

arator 30 vaccarius 2X magister armentarius 20

lapidarius structor 50 porcarius 30 stotarius 2X magister caprarius 20 faber intestinarius 50 carpentarius 40-60 mulio 2X magister pecorarius 20 faber ferrarius 50 faber ferrarius 50 porcarius 3X bovulcus 20

tessellarius 50 ministeriale 60 servus massarius 20 carpentarius 50 faber

argentarius 100

faber ferrarius 40 porcarius 25 calcis coctor 50 aurifex 100-200 aurifex 50 secundus servus

minesteriale 25 pistor 50 actor 100

faber ignuarius 50 magister porcarius 50

116 La valeur de compensation du carpentarius est de 60 dans le manuscrit A4 de LB et C1, C2, C4 de LRB, elle est aussi de 110 dans le manuscrit B5 de LB. Pour l’aurifex, la valeur est de 200 dans les versions A1 et A2 de LB, mais elle est de 150 dans les autres et de 100 dans LRB.

naupegus in navi maritima 60 servus ministeriale doctum 50 marmorarius 60 musaearius 60 pictor parietarius 75 pictor imaginarius 150

À première vue, trois paliers se dégagent de EP 7, de LB X et de LRB II118, où l’organisation hiérarchique des métiers est similaire. Même si au niveau des chiffres la distinction semble plus marquée entre les métiers du luxe (en gris foncé) et ceux de l’artisanat et qu’entre les métiers agricoles (en gris pâle) et les métiers de l’artisanat, il y a une séparation importante entre les métiers agricoles et les métiers artisanaux. Cette distinction est basée sur l’identité et la reconnaissance sociale qui est différente pour ceux travaillant dans le secteur agricole et ceux travaillant dans les secteurs artisanaux et de construction. En effet, les codes germaniques tendent à séparer les métiers de l’artisanat des métiers agricoles dans l’organisation du texte (LB X ; LA 74 ; PLA XXII & XLI). De plus,

LB XXI montre un groupe de métiers dont font partie autant les orfèvres que les

cordonniers, ce qui suggère une certaine cohésion entre les métiers du luxe et ceux du quotidien. Dans le contexte des chantiers publics, on reconnaît la constitution des métiers de l’artisanat comme un groupe cohérent. On retrouve autant des métiers du luxe que des métiers du quotidien, mais aussi des métiers de la construction et quelques professions dites libérales comme le médecin ou le vétérinaire119. L’utilité de ces artifices à l’État leur 118 LRB II, 6. Si servus cuiusque occisus fuerit ab ingenuo et ipse homicida ad ecclesia convolaverit, secundum servi qualitate eius rescriptis cogatur exsolvere, hoc est : pro actore centum, pro aurifice electo centum, pro ministeriali sexaginta, pro fabro ferrario quinquaginta, pro carpentario quadraginta, pro aratore triginta, pro porcario aut birbicario aut aliis servis triginta solidos inferatur. « Si un quelconque esclave est tué par un homme libre et que l'Église a été appellé pour ce

même meutre, le meurtrier devra acquitter de la compensation, conformément à la qualité de l'esclave, celle-ci étant de 100 solidi pour un intendant, de 100 solidi pour un orfèvre qualifié, de 60

solidi pour un serviteur, de 50 solidi pour un forgeron, de 40 solidi pour un charron, de 30 solidi pour

un bouvier, un porcher, un berger ou tout autre esclave. » Sans mention contraire, toutes les traductions sont de l'auteur. Je tiens à remercier Christel Freu, ainsi que mes collègues étudiants à la maîtrise de l'IEAM pour l'aide et les précisions en Latin.

119 CTh XIII, 4, 2. Artifices artium brevi subdito comprehensarum per singulas civitates morantes ab universis muneribus vacare praecipimus, si quidem ediscendis artibus otium sit adcommodandum; quo magis cupiant et ipsi peritiores fieri et suos filios erudire. Architectus, laquearius, albarius, tignarius, medicus, lapidarius, argentarius, structor, mulomedicus, quadratarius, barbaricarius, scasor, pictor, diatritarius, intestinarius, statuarius, musivarius, aerarius, ferrarius, marmorarius,

confère alors un statut privilégié dans la société, puisqu’ils bénéficient d’une exemption de charge publique. Ainsi, nous pouvons dégager deux catégories de métiers séparées socialement : l’agriculture et l’artisanat. Chacune de ces catégories peut alors se scinder en deux : métiers de l’élevage et métiers de la culture du sol, pour l’agriculture ; métiers du quotidien et métiers du luxe, pour l’artisanat.

Les valeurs moyennes de compensation pour chacune de ces catégories forment des paliers échelonnés de manière très similaire à ce que l’on retrouve dans l’Édit des Prix. De plus, il faut noter quelques métiers de cadre et de gestion. Premièrement, dans l’Édit des

Prix, le pictor imaginarius, traditionnellement traduit par peintre de murs, peut être compris

comme celui qui dirige une équipe de peinture ou encore de mosaïque120. Ainsi, son rôle se rapproche beaucoup plus de celui d’un architectus que de celui d’un artiste peintre. Dans la

Lex Romana Burgundionum (début VIe), on retrouve l’actor, intendant ou cadre, qui pourrait être comparé au directeur artistique. D’ailleurs, tous deux se trouvent dans le haut de leur échelle de valeurs respective. Dans l’Edictum Rothari (641), un passage suggère que les magistri commacini qui dirigeaient un chantier étaient en mesure de régler les compensations pour les accidents, puisque leur paye était assez élevée. Toutefois, dans le cas de ceux qui étaient engagés comme journaliers, les compensations pour les accidents étaient plutôt réglées par le commanditaire de la construction121. Ceci montre bien la valeur

deaurator, fusor, blattiarius, tessellarius, aurifex, specularius, carpentarius, aquae librator, vitrarius, ebuarius, fullo, figulus, plumbarius, pellio. « Nous ordonnons que les artisans de chaque

cité qui pratiquent l'un des métiers de la liste suivante soient exemptés de toute charge publique, puisque leur loisir devrait servir à parfaire leur métier ; parce qu'ils souhaitent devenir plus experts et instruisent leur fils. Architecte, lambrisseur, crépisseur, charpentier, médecin, tailleur de pierre, argentier, maçon, vétérinaire, tailleur de pierre monumentale, brodeur, menuisier, sculpteur, graveur, artisan de marqueterie, statuaire, mosaïste, bronzier, forgeron, marbrier, doreur, fondeur, teinturier de pourpre, mosaïste de pavement, orfèvre, miroitier, charron, ingénieur des aqueducs, verrier, sculpteur d'ivoire, foulon, briquetier, plombier, pelletier. »

120 Catherine Balmelle et Jean-Pierre Darmon, « L’artisan-mosaïste dans l’Antiquité tardive : Réflexions à partir des signatures », Xavier I. Barral Altet, éd., Artistes, artisans et production artistique au

Moyen Âge : Les hommes, Paris, Picard, 1986, p. 245-253.

121 ER. 144. De magistros commacinos. Si magister comacinus cum collegantes suos cuiuscumque domum ad restaurandam vel fabricandam super se placito finito de mercedes susceperet, et contigerit aliquem per ipsam domum aut materium elapsum aut lapidem mori, non requiratur a domino, cuius domus fuerit, nisi magister comacinus cum consortibus suis ipsum homicidium aut damnum conponat; quia, postquam fabulam firma de mercedis pro suo lucro suscipit, non inmerito damnum sustinet. Au sujet des maîtres maçons. Si un maître maçon avec ses associés reçoit une

financière importante de la position de gestionnaire par rapport à celle de journalier, même si ce dernier est spécialisé.

Pour les tâches agricoles, il n’y a pas de distinction entre le travail d’élevage et le travail du sol chez les Burgondes, tandis que dans l’Édit des Prix, le pastor est sous-payé par rapport aux operarii rusticii et aux autres éleveurs (camelarii, asinarii, burgonarii,

mulioni). Cette distinction entre les différentes professions rurales se retrouve chez les

Lombards et les Alamans. Dans l’Edictum Rothari, on note une gradation entre plusieurs types de travailleurs agricoles ; des servi rustici dont la compensation est inférieure à celle du bovuculus ou des pastores qui sont toutefois inférieurs à celles des porcarii (ER 129- 136). Dans le Pactus legis Alamannorum, la compensation pour meurtre d’un porcarius (trois fois la valeur d’un servus) est aussi plus élevée que celle des autres éleveurs (deux fois la valeur d’un servus)122. On pourrait ainsi poser l’hypothèse d’une place économique et sociale plus importante des éleveurs spécialisés à partir du VIIe siècle.

construction, et que quelqu'un meurt à la suite d'une chute de matériel ou de pierre provenant de la maison en chantier, rien ne sera réclamé au maître, propriétaire de la maison, le maître maçon accompagné de ses associés réglera la compensation du meurtre ou des dommages ; parcequ'il a reçu une rétribution très lucrative, comme cela est convenu, il doit justement être tenu responsable des dommages. ER. 145. De rogatos aut conductos magistros. Si quis magistros commacinos unum aut

plures rogaverit aut conduxerit ad opera dictandum aut solatium diurnum prestandum inter servus suos, domum aut casa sibi facienda, et (contegerit) per ipsam casam aliquem ex ipsos comacinos mori, non requiratur ab ipso, cuius casa est. Nam si cadens arbor aut lapis ex ipsa fabriga occiderit aliquem extraneum, aut quodlebit damnum fecerit, non repotetur culpa magistris, sed ille qui conduxit, ipse damnum susteneat. « Au sujet de l'emploi de maître de maçon. Si quelqu'un emploie à

la journée ou embauche à la pièce un ou plusieurs maîtres maçons, travaillant aux côtés de ses esclaves sur une maison ou une bâtisse pour lui-même et qu'un de ces maçons meurt à cause de quelque chose sur cette bâtisse, rien ne sera réclamé à celui qui possède la bâtisse. De fait, si des pierres ou des poutres tombent de ce chantier et tuent un passant, ou lui font quelconque dommage, la responsabilité ne sera pas jetée sur le maître maçon, mais la compensation devrait être réglée par celui qui l'a engagé. »Traduction adaptée de Fisher, 1973.

122 PLA XXII. Si porcarius legatus de via ostatus. vel battutus fuerit, sicut duo tenent et tertius percutit, 9 solidos conponat. Et de reliquo, quod ei fietur, sicut reliquis servos conponat ei in triplo. De quod berbigario, stotario et vaccario (et mulio in Glossa Monensis) fiet, sicut reliquis servis conponatur eis in duplum. « Si un porcher envoyé par la route est frappé ou battu, comme deux le tiennent et

qu'un troisième le frappe, la compensation est de 9 solidi. Et pour les autres crimes, que ce dernier a subit, la compensation sera du triple de celle d'un autre esclave. Pour ce qui est fait aux bergers de moutons, de chevaux, de vaches (et de mules dans le Glossa Monensis), que la compensation soit le double des autres esclaves. » Traduction adaptée de Rivers, 1977.

L’Édit des prix est riche en métiers du quotidien, alors qu’il n’y en a que deux dans LB X et LRB II. Ceci s’explique par la différente nature des deux textes. L’Édit des prix, bien qu’il vise surtout les biens et services destinés aux soldats et aux fonctionnaires, mentionne des métiers qui représentent tous les secteurs économiques. Quant aux codes germaniques, ils s’intéressent uniquement aux métiers utiles aux domaines et villae (forgerons, charrons, bergers), délaissant ainsi les métiers urbains comme les métiers de la construction. Toutefois, on peut remarquer une certaine similitude concernant la place dans l’échelle des valeurs des métiers de l’artisanat, qui se trouvent entre les métiers du luxe, et les métiers agricoles. À cet égard, l’Edictum Rothari fait exception, puisque le ministeriale

doctum et le ministeriale secundus, que l’on pourrait considérer respectivement comme des

maîtres artisans et comme des artisans subalternes123, se font attribuer la même valeur que les porcarii, qui demeure tout de même plus élevée que celle des autres métiers agricoles. N’ayant pas de détail quant aux spécialités des ministerales nous ne pouvons cependant pas aller plus loin dans notre analyse. Pour Lisi Oliver, c’est plutôt la proximité du travail de ces gens de métiers aux édifices du domaine qui induit les valeurs plus élevées accordées aux porcarii et aux ministerales, contrairement aux bergers et à ceux qui travaillent dans les champs124. Cette hypothèse nous semble cependant improbable, puisque les porchers ne travaillent pas nécessairement plus près du domaine que les autres bergers. En effet, on sait que les porcs, à partir du Ve siècle, sont de plus en plus élevés en pâturages forestiers autant en Italie que dans le nord de la Gaule125.

123 Dans le capitulaire « De Villis et curtis imperialibus » (810-813), les ministerales désignent autant des forgerons que des brasseurs de bière : Villis, 45. Ut unusquisque iudex in suo ministerio bonos

habeat artifices, id est fabros ferrarios, et aurifices vel argéntanos, sutores, tornatores, carpentarios, scutarios, piscatores, aucipites id est aucellatores, saponarios, siceratores, id est qui cervisam vel pomatium sive piratium vel aliud quodcumque liquamen ad bibendum aptum fuerit faceré sciant pistores, qui similam ad opus nostrum faciant, retiatores qui retia faceré bene sciant, tam ad venandum quam ad piscandum sive ad ave capiendum, necnon et reliquos ministeriales quos ad numerandum longum est. « Que chaque intendant dispose dans son ressort de bons artisans, à savoir :

de forgerons, d’orfèvres, d’artisans travaillant l’argent, de cordonniers, de tourneurs, de charpentiers, de fabricants de boucliers, de pêcheurs, d’oiseleurs, de fabricants de savon, de fabricants de cervoise, de cidre, de poiré, et qui sachent aussi fabriquer tous les autres jus, de boulangers qui façonnent des petits pains pour nos besoins, des fabricants de filets tant pour la chasse que pour la pêche ou la capture des oiseaux, et tous les autres ministériaux qu’il serait long d’énumérer. » « Capitulaire « De Villis et curtis imperialibus » (vers 810-813). Texte, traduction et commentaire », trad. Elisabeth Magnou-Nortier, Revue Historique, 300, 3 (1998), p. 643-689.

Les métiers du luxe sont les moins nombreux dans les textes, cependant il faut noter que pour l’Édit des Prix certaines de ces spécialisations, dont le travail de l’or et de l’argent font l’objet de rétribution à la pièce dans un titre spécifique (EP 30). Ce titre montre aussi