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Les métiers de la construction : recul, continuité et évolution

À partir du Ve siècle, le ralentissement économique, la fragmentation de l’aristocratie et la régionalisation des élites contribuent à réduire les flots de financement pour le secteur de la construction. Les aristocrates appauvris et les royaumes germaniques n’avaient tout simplement pas les moyens d'investir massivement dans l’édification de bâtiments publics et privés comme ont pu le faire l’élite et l’État romain, durant le Bas- Empire. Le financement plus local et de plus petite envergure n’empêche cependant pas la construction, la restauration, l’entretien et la réutilisation d’un nombre considérable de structures. Si les bâtiments publics typiques de la cité romaine disparaissent peu à peu, la construction monumentale ne cesse pas pour autant. En effet, plusieurs murailles, édifices ecclésiaux ou royaux et des complexes monastiques sont entrepris au cours des VIe-VIIe siècles, mobilisant ainsi d’importantes ressources. Effectivement, on dénombre la construction de plusieurs centaines d’églises, dont 40 seulement à Metz et 29 à Paris210. Venance Fortunat raconte la rénovation et la construction d’une vingtaine d’églises, de sanctuaires, de villae, d’un castellum et d’une muraille, essentiellement en Austrasie, tant par des ecclésiastiques que par des princes211. Ces bâtiments monumentaux constituent cependant l’essentiel des nouvelles constructions en pierre de la période. Bien que les ouvrages en pierre soient plus rares depuis le Ve siècle, les archéologues s’intéressant aux mortiers, et aux techniques de maçonnerie ont démontré qu’il n’y a pas eu d’abâtardissement du savoir-faire ; les techniques de construction en pierre demeurent essentiellement les mêmes que celles de la période romaine et leur exécution montre des niveaux de maîtrise similaire de la part des artisans. La plupart des savoir-faire romains, tels que les joints à la chaux ou le dallage en mosaïque sont bel et bien représentés dans les vestiges du VIe et du VIIe siècle, même s'ils sont rares212. La chaîne opératoire d’une 210 Jean-Pierre Devroey, op. cit., 2003, p. 130-134 & 219 -221.

211 Marc Reydellet, op. cit., 1983, p. 374 -378.

212 Stéphane Buttner et Arnaud Coutelas, « Mortiers de chaux et décors architecturaux en Gaule de l’Antiquité au haut Moyen Âge », Catherine Balmelle et al., éd., Décor et architecture en Gaule

construction en pierre suit généralement l’ordre suivant : extraction, transport, planification, taille, finition de surface, construction et travaux additionnels213. Ainsi, comme cette chaîne est complexe, que les techniques sont variées et que les ouvrages monumentaux demandent un certain degré de coordination, les chantiers se prêtent naturellement à la spécialisation et à la division du travail.

Les récits de construction de chantiers ecclésiaux de l’hagiographie, tout comme les découvertes archéologiques mettent en lumière le faste de ces édifices. Ces derniers étaient ornés en peintures, broderies214, dorures, vitraux215 et fournis massivement en produits comme les chandelles216. Cela témoigne alors d’une capacité certaine d’investissement de la part de l’Église qui commandite ces constructions et qui est l’un des plus grands propriétaires terriens de l’époque. De plus, elle-même formée par des aristocrates devenus évêques, l’institution reçoit beaucoup de dons de la part des rois germaniques, des aristocrates laïcs ou même des strates plus aisées de la population217.

Pour les constructions privées, le bois devient le matériau principal de construction dès le début du Ve siècle dans le nord de la Gaule, puis de manière progressive dans tout le 213 W. Wooton, B. Russell, et P. Rockwell, « Stoneworking Techniques and Processes », The Art of

Making in Antiquity : Stoneworking in the Roman World., 2013, p. 3- 16,

http://www.artofmaking.ac.uk/content/essays/3-stoneworking-techniques-and-processes-w-wootton- b-russell-p-rockwell/, consulté le 8 janvier 2018

214 Fortunat mentionne des broderies contenant notamment de la pourpre. Fortunatus. Poésie, II, 3. Fortunat et Marc Reydellet, Poèmes, Paris, Belles Lettres, 1994, p. 36-37

215 DMGH, SS rer. Merov. 1,1. GT, LH, VII, 29. effractis celloae vitreis. les vitres colorée brisées. 216 Alfons Dopsch, The Economic and Social Foundations of European Civilization, New York,

Routledge, 2006 (1926), p. 331-332.

217 Simon Esmonde Cleary, op. cit., 2013, p. 431- 435. ; On notera de la construction d’un baptistère par un monetarius, dans : DMGH, SS rer. Merov. 1,2. GT, Gl. Conf., CIII ; Succedente deinde tempore,

monitarius urbis [ ipsius s ] graviter aegrotare coepit, cui in visione puella apparuit, dicens :" Vade ", ait, « quantotius et tumulum Criscentiae virginis tege. Erit tibi hoc adiutorium, ne a morbo quo captus es c diutius fatigeris ». At ille confisus, calces inquerit, oratorium desuper construit, protinusque ab infirmitate laxatur. « Plus tard, le monétaire de la ville étant tombé gravement

malade, la jeune fille lui apparût en songe et lui dit : "Va au plus vite et mets un couvercle sur le tombeau de la vierge Crescence. Cela te sera un secours pour n’être pas tourmenté plus longtemps par la maladie que tu as prise." Celui-ci, plein de confiance, va chercher de la chaux, construit un oratoire sur le tombeau et est aussitôt délivré de son incommodité. » Traduction adaptée de Bordier, 1856.

reste du territoire. Tant chez l’aristocratie laïque que chez les petits propriétaires et les tenanciers, les maisons et bâtiments secondaires sont construits en bois. Bien que le bois permette l’autoconstruction des maisons paysannes, l’emploi d’une main-d’œuvre spécialisée était nécessaire pour réaliser nombre d’édifices complexes et luxueux218. En effet, l’emploi de cette ressource gagne aussi en importance pour les ouvrages techniques comme les aqueducs et les moulins, de même que pour certains édifices monumentaux comme les halls ou certains bâtiments ecclésiaux219. Cependant, il ne faut pas oublier l’emploi massif du bois durant l’ensemble de la période romaine. On l’utilisait pour des charpentes de support à d’autres matériaux comme la pierre, pour les planchers, pour les toits et pour le mobilier220. Si les techniques et l’outillage du travail du bois ont peu évolué entre l’Antiquité et le Moyen Âge, son importance a largement fluctué221. Quoique le bois n’ait pas laissé de vestiges aussi impressionnants que la pierre, l’archéologie parvient à retrouver un nombre considérable de nouveaux édifices. Cependant, il ne faut pas oublier que le secteur de la construction, tout comme le reste de l’économie, subit un ralentissement important durant notre période. Il convient alors de mesurer l’effet de cette baisse et des changements, comme le passage de la pierre au bois, sur la spécialisation du travail dans le secteur de la construction.

a. Les bâtisseurs de la « civilisation du bois » : un secteur sous-

représenté?

218 Folke Damminger, « Dwellings, Settlements and Settlement Patterns in Merovingian Southwest Germany and Adjacent Areas », Ian Wood, éd., Franks and Alamanni in the Merovingian Period, San Francisco, The Boydell Press, 1998, p. 42- 66.

219 Jean-Pierre Devroey, op. cit., 2003, p. 88-90 ; Charles Bonnet, « Les églises en bois du haut Moyen Âge d’après les recherches archéologiques », Supplément à la Revue archéologique du centre de la

France, 13, (1997), p. 217-236.

220 Roger Bradley Ulrich, Roman Woodworking, London, Yale University Press, 2007, p. 90-213. 221 Ibid., p. 15-16.

Vu l’importance qu’a prise le bois dans la construction tardo-antique en Gaule, on aurait pu croire à une certaine variété de noms de métier pour ce secteur. D'autant plus que la construction en bois avait déjà une grande importance à l’époque gallo-romaine. Les noms des métiers liés au travail du bois restent, toutefois, assez peu nombreux. De plus, les recherches sur ce secteur d’activité au haut Moyen Âge sont assez rares puisque les quelques vestiges archéologiques dont nous disposons sont difficiles à interpréter ; on peut rarement déterminer la qualité des structures et des objets en bois de notre période. Il faut cependant se garder de conclure trop vite à une faible division du travail dans ce secteur. En effet, la construction en bois pouvait se faire selon plusieurs styles d’ossature qui variaient entre l’utilisation d’un système de poutrage ancrée dans le sol et l’édification d’une charpente sur solives horizontales. On remployait aussi de la maçonnerie gallo-romaine pour ériger une nouvelle fondation, alors que dans certains cas les édifices étaient installés sur des vestiges romains222. Trois types de recouvrement étaient fréquents, la planche, le bois plein ou les enduits divers comme le plâtre ou le torchis. À cela, il faut ajouter la sculpture ornementale, la toiture en chaume, en tuile ou en bardeaux et accents architecturaux comme les arches, comme technique attestée par l’archéologie, qui auraient pu donner lieu à certains métiers spécialisés223. Les techniques pour assembler les pièces de bois pouvaient aussi atteindre des niveaux de complexité impressionnante allant du simple clou jusqu’au complexe « trait de Jupiter », en passant par le joint en queue d’aronde, en usage encore aujourd’hui224. Les églises norvégiennes en bois conservées depuis le XIIIe siècle sont souvent citées comme exemple de la finesse et de la monumentalité que pouvait atteindre cette architecture, mais elles ne sauraient guider notre étude sur la division du travail puisqu’elles sont trop éloignées chronologiquement et spatialement pour être utilement comparées aux ouvrages de la Gaule tardive225. Toutefois, les études 222 On a même retrouvé une église la partie occidentale était en bois, alors que la partie orientale était en

pierre : Charles Bonnet, op. cit., (1997), p. 217 -236.

223 Ibid., p. 1-5 ; Folke Damminger, op. cit., 1998, p. 33-56 ; Sur la chaîne opératoire des tuiles

mérovingiennes : Marie Christine Maufus, « Le décor architectural en terre cuite dans la région Nantaise, pendant l’Antiquité tardive », Rennes, Université de Haute-Bretagne, 1983, p. 173-174. Pour une réflexion sur les tuiliers à partir de l’archéologie des techniques, lire : Helmut Roth, op. cit., 1986, p. 79-80.

224 Roger Bradley Ulrich, op. cit., 2007, p. 59- 67. 225 Charles Bonnet, op. cit., 1997, p. 234.

archéologiques sur les fonds d’églises mérovingiennes en bois notent une volonté d’imiter la monumentalité et le style des églises en pierre226.

Selon Isidore de Séville, le terme général pour désigner les différents métiers de la construction en bois est celui de lignarius227. Pendant la période romaine, ce même vocable désigne plutôt ceux qui font le commerce du bois228. Parmi ces métiers, on retrouve le

sacritector, le tignarius, le navicularius et le carpentarius (spécifié comme constructeur de

chars). Le premier terme est probablement un emprunt au Concile de Carpentras (527), où l’on a nommé sarcitector (ou sarchetector) celui qui gère l'entretien des Églises229. Toutefois, le manuscrit N du concile indique architectus au lieu de sarchetector, ce qui renforce l'idée que c'était une position officielle, plutôt qu'un métier manuel. Néanmoins, il est possible qu'Isidore de Séville utilise ce terme avec un autre sens, afin de désigner un métier, comme poseur de planche. Le tignarius est désigné par Isidore comme celui qui applique (inducit) un enduit (tectorium) sur le bois (lignis) d’un bâtiment, on reconnaît alors le travail du torchisseur. Cependant, cette définition ne concorde pas avec le latin classique qui définit le tignarius comme celui qui construit la charpente d’une bâtisse (comme c’est le cas dans CTh XIII, 4, 2)230. Il est donc difficile de déterminer à quels métiers se rapportent ces termes utilisés par Isidore. De plus, pour la construction des 226 Ibid., 1997.

227 IS. Eth XIX 19. Lignarius generaliter ligni opifex appellatur. Carpentarius speciale nomen est.

Carpentum enim solum facit, sicut navicularius quia tantum navium est fabricator et artifex. Sarcitector dictus, quod ex multis hinc inde conjunctis tabulis unum tecti sarciat corpus. Idem et tignarius, quia tectoria lignis inducit. « On appel généralement lignarius l’artisan du bois. Le

charron est un terme spécifique, puisqu’il fabrique seulement des charrettes, tout comme l’ingénieur naval est uniquement le constructeur et le concepteur de navires. On nomme le sarcitector ainsi, parce qu’en joignant plusieurs planches il redresse la structure d’une bâtisse. De la même manière, on nomme le tignarius, parce qu’il applique un enduit sur le bois. » traduction adaptée de Barney et

al., 2006.

228 Roger Bradley Ulrich, op. cit., 2007, p. 273.

229 DMGH, Conc. 1. Concilium Carpentoratense, p. 41. Si vero episcopum multas expensas et minorem

substantiam habere constiterit, parrociis, quibus largior fuerit conlata substantia, hoc tantum, quod clericis vel sarchetictis rationabiliter sufficiat, reservetur. « Si au contraire il apparaît que l'évêque a

de grandes dépenses et peu de ressources, on ne réservera aux paroisses auxquelles seront faites de riches offrandes que ce qui paraîtra raisonnable au sarchitector. » Traduction adaptée de Gaudemet, 1989.

230 Voir les entrées « tector » et « tignarius » dans Blaise Patristique, Le Gaffiot, « The Database of Latin Dictionaries », op. cit. 2005.

navires, Isidore mentionne non seulement le navicularius, qui est peut-être l’ingénieur ou le constructeur (voir discussion en chapitre II), mais aussi un métier spécialisé dans la pose d’étoupe (sti[u]ppator)231. Ceci renforce l’idée que, sur certains ouvrages complexes en bois, il pouvait y avoir une division du travail, surtout pour les tâches connexes (comme celles du torchisseur), c’est-à-dire les sections de l’ouvrage qui nécessitent un savoir-faire différent de celui du travail du bois. Finalement, le propos général du passage sur le travail du bois (IS. Eth XIX 19) stipule que certains lignarius sont spécialisés dans des ouvrages particuliers, ce qui indique aussi une division et une spécialisation du travail dans ce secteur. Par comparaison, les spécialisations présentes chez Isidore de Séville (charpentier, charron, ingénieur naval) rappellent les différents métiers relatifs au travail du bois que l’on retrouve dans les lois irlandaises232. On y relève des spécialistes de la construction de navires, de moulins, de charrettes et de différents types de maison, ainsi que des artisans sculpteurs d’if et tourneurs de bois233. Comme le niveau technologique de l’Irlande du VIIe siècle est comparable à la Gaule mérovingienne, ces métiers peuvent nous éclairer sur les différentes spécialisations que n’a pas nommées Isidore de Séville.

La Vita Pardulfi (avant 737) est un bon exemple de division du travail sur un chantier de construction en bois234. Des artifices lignorum s’occupent de mesurer 231 IS. Eth XIX, 27. Unde et sti[u]ppatores dicuntur, qui in navibus eam componunt. « De là on nomme les calfats (sti[u]ppatores) qui utilisent l'étoupe (stuppa) pour calfeutrer les navires. » Traduction adaptée de Barney et al., 2006. Malgré l'orthographe stippator (serviteur), il faut comprendre, via le contexte, qu'Isidore fait plutôt référence au stuppator (calfat).

232 UB V 102, V 47. « The accurate wright of oaken houses is equal in franchise to an aire de'sso. The diligent wright of ships and barks and hide covered boats and vessels, who is able to make all these, has the same amount of franchise. The millwright, the same amount. The master in yew-carving, the same amount. The franchise of an aire de'sso to each of them.; 50. Chariot-wright and house- carpenter and cloth-figurer and relief-carver and shieldmaker, the franchise of a second boaire for them. If he practise together two crafts of them, the franchise of a first boaire for him.; 51. Turners and fettermakers and leather-workers and [wool-] combers and fishermen, the franchise of a fer mid both for them. » « Ancient Irish Law. The Law of Status or Franchise », Trad. Eoin MacNeill. Proceedings of the Royal Irish Academy: Archaeology, Culture, History, Literature, 36, (1924), p.

265-316.

233 Riita Latvio, « Status and Exchange in Early Irish Laws », Studia Celtica Fennica, 2, (2005), p. 67- 96.

234 DMGH, SS. rer. Merov. 7, Vita Pardulfi 17, p. 36. Voir le texte et la traduction en note 167 ; Ce passage de la Vita Pardulfi ressemble énormément à GT, Gl. Martyr., XLI où, par contre, les métiers ne sont pas spécifiés, mais les locaux (incolae) vont dans les bois et coupent (incisare), allègent

(mensuram) le bois qui leur est apporté pour l’édification d’une église, on peut supposer qu’ils ont un certain rôle de planification dans la construction. Un autre groupe de travailleurs, les carpentarii s’occupent plutôt de couper et de transporter le bois sur des

carpenta. On retrouve aussi des carpentarii avec des tâches similaires dans la version la

plus ancienne de la Vita Genovefae (milieu du VIe)235 où ils coupent, équarrissent (dolarent) et transportent (conveherent) le bois pour la construction de l’église236. Ces tâches recoupent celles des caesores lignorum qui sont décrites par Bède dans son commentaire de l’Erza juive237. On voit donc, dans la Vita Pardulfi, une distinction évidente entre deux corps de métiers différents, ceux qui s’occupent de la construction, désignée comme

artifices lignorum, et ceux qui sont employés au débitage et au transport sont identifiés

comme carpentarii. On notera aussi l’absence de métier spécialisé dans l’extraction de matière première dans nos listes romaines et dans le glossaire des termes relatifs au bois dans la monographie Roman Woodworking238. Le développement d’une désignation professionnelle des spécialistes du débitage et du transport pourrait être un indice de l’importance accrue que prend le bois dans l’économie et la culture de la Gaule tardive.

Chez Grégoire de Tours, le terme de faber lignarius sert à désigner trois personnages qui travaillent le bois. L’un d’eux est décrit comme étant un serviteur (familaris) de très (levigare) et équarrissent (efficere) des poutres (trabes), dont l’une d’elles sera trop courte, pour réparer une église.

235 DMGH, SS. rer. Merov. 3, Vita Genovefae I, 21, p. 224. Cum, collectis carpentariis, que ad crebro

dictum aedificium de ligno opus erant, in salto alii inciderint ac dolarent, alii in plaustra conveherent [...] « Une fois les équarrisseurs rassemblés dans la forêt, certains coupaient et

équarrissaient le bois destiné aux travaux sur l’édifice, d’autres le transportaient dans des charrettes [...] » traduction adaptée de McNamara et al., 1992.

236 Les versions « A » qui sont précarolingiennes utilisent le terme de carpentarius, alors que les versions plus tardives utilisent simplement le terme d’artifex : Martin Heinzelmann et Joseph Claude Poulin,

Les vies anciennes de sainte Geneviève de Paris : études critiques, Paris, Honoré Champion, 1986,

p. 33.

237 Bède, In Ezram et Neemiam, I, 1365. Dantur ergo pecuniae latomis et cementariis datur lignorum

caesoribus cibus potus et oleum ut ad aedificandam domum domini materias praeparent [...]. Deferunt uero ligna excisa in mare [...] « L’argent est donné aux tailleurs de pierres et aux maçons,

alors que l’huile d’olive, les breuvages et la nourriture sont donnés aux scieurs pour qu’ils préparent les matériaux nécessaires à la construction de la maison du Seigneur [...]. Ils transportent le bois scié droit vers la mer [...] » Traduction adaptée de S. DeGregorio, 2006

grande taille, mais le contexte ne précise pas davantage les tâches de son métier239. Cependant, un autre passage, concernant Léon, treizième évêque de Tours, dit de ce dernier qu’il est faber lignarius et mentionne la construction de tours à toits dorés parmi d’autres ouvrages240. Ceci suggère que ce terme de métier désigne à la fois les spécialistes qui dirigent des travaux complexes en bois et d’autres travailleurs du bois, comme les charpentiers. Il est évident que, tout comme le lignarius chez Isidore de Séville, le faber

lignarius est un terme très général, bien qu’il soit davantage relié à la charpenterie. En effet,

Grégoire de Tours reprend une citation de la Vulgate où apparaît le vocable d’artifex

lignorum, qui désigne alors un sculpteur ou un fabricant d’objets en bois241. En utilisant

faber lignarius au lieu d’artifex lignorum, il est possible que cela indique une différence

entre les deux termes.

Dans la poésie de Fortunat, le travail d’un artifex sur un bâtiment en bois semble aussi très spécialisé. Fortunat décrit un ouvrage de lambrissage en planches de très bonne qualité, il mentionne aussi la construction d’un portique orné de sculptures effectué par cet artisan ou entrepreneur242. Cela suggère la production d’un ouvrage plus fin que celui des 239 DMGH, SS rer. Merov. 1,1. GT. LH, VII, 41. Tunc et homo ille inmensi corporis ad regem de

Mummoli familiaribus adductus est, ita magni corporis elatus, ut duos aut tres pedes super longissimus homines putaretur magnus, lignarius faber, qui non multo post obiit. « On amena aussi

au roi le serviteur de Mummole, qui était d’une si grande taille qu’il dépassait, dit-on, de deux ou