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Cette dernière section a pour but de présenter la méthylation d’arginines et ses implications en hypoxie. Les caractéristiques de cette modification post-traductionnelle sont d’abord présentées, suivies d’une description précise de la méthyltransférase PRMT1 qui est au cœur de mes travaux. Enfin, les évidences croissantes pointant vers un lien entre cette modification, ses régulateurs et la réponse cellulaire hypoxique sont détaillés, permettant ensuite d’aborder l’hypothèse et les objectifs de cette thèse.

Caractéristiques générales

La méthylation de résidus arginines est depuis longtemps connue en tant que modification régulatrice des histones, contribuant à la structure chromatinienne et à l’expression génique [499]. Au cours des dernières années, elle a émergé en tant que modification largement répandue chez les protéines non-histones, jouant un rôle au sein de divers processus cellulaires. Globalement, la méthylation d’arginines est impliquée dans la régulation de la transcription, l’épissage de l’ARN et la réparation de l’ADN, en plus des processus de croissance cellulaire, de différenciation et d’apoptose [500].

L’arginine (Arg ou R) est un acide aminé particulier en raison d’un groupe guanidine présent à son extrémité latérale, contenant cinq sites donneurs de liaison hydrogène positionnés de manière favorable à des interactions (Figure 1.17). L’ajout d’un groupement méthyle à une arginine a donc le potentiel de modifier les interactions protéiques ou nucléiques par encombrement stérique et par une augmentation de son hydrophobicité [501]. La méthylation n’altère toutefois pas la charge positive globale de l’arginine.

Il existe trois types de résidus arginines méthylés chez les cellules de mammifères [501]. La forme retrouvée de manière prédominante est l’arginine diméthylée asymétriquement (ADMA ; ω- NG,NG-asymmetric dimethylarginine), où deux groupements méthyles sont ajoutés sur le même atome d’azote (N) terminal de la guanidine (Figure 1.17). L’arginine diméthylée symétriquement (SDMA ; ω-NG, N’G-symmetric dimethylarginine), de son côté, contient un groupement méthyle sur chacun de ses atomes d’azote terminaux. La présence d’arginine monométhylée (MMA ; ω-NG- monomethylarginine) est également observée. Chacun de ces dérivés modifie de manière distincte les arginines et la disponibilité de leurs sites donneurs de liens hydrogènes, engendrant des réponses spécifiques.

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Figure 1.18 : La méthylation d’arginines catalysée par les PRMT.

Trois types de résidus arginines méthylés peuvent être produits, étant catalysés par différentes enzymes PRMT (protéines arginines méthyltransférases). Voir le texte pour plus de détails. SAM : S-adénosyl-méthionine; SAH : S-adénosyl-homocystéine; MAT : méthionine adénosyltransférase; SAHH : S-adénosyl-homocystéine hydrolase. Illustration par V.N. Lafleur.

Les enzymes PRMT

La méthylation d’arginines est catalysée par une famille de neuf protéines arginines méthyltransférases (PRMT) [502]. Celles-ci transfèrent le groupement méthyle provenant de la molécule SAM vers le résidu arginine ciblé, produisant le dérivé S-adénosyl-homocystéine (SAH) (Figure 1.17). Les PRMT sont classifiées en trois groupes, selon le type d’arginine méthylée qu’elles produisent. Les PRMT de type I, soit PRMT1, PRMT2, PRMT3, PRMT4/CARM1, PRMT6, PRMT8, catalysent la formation d’ADMA [502]. De leur côté, PRMT5, PRMT9 (ou FBXO11 ; F-box protein 11) constituent les PRMT de type II et catalysent la formation de SDMA [503-505]. Bien que toutes ces PRMT génèrent des MMA en tant qu’intermédiaires, PRMT7 est la seule véritable PRMT de type III responsable de la formation de résidus MMA [506].

PRMT1 est l’arginine méthyltransférase asymétrique principale, responsable de la formation d’environ 90 % des ADMA chez les mammifères [507]. De son côté, PRMT5 est majeure en ce qui a trait à la méthylation symétrique. Leur importance cellulaire respective est soulignée par la létalité embryonnaire survenant chez la souris lors de leur déplétion individuelle [508-510].

La majorité des PRMT ciblent des motifs riches en glycine et arginine, nommés motifs GAR (glycine- and arginine-rich motifs) ou motifs RGG/RG [511]. Ces motifs contiennent plusieurs résidus arginines pouvant être modifiés et certains motifs peuvent être ciblés autant par des PRMT de type I que de type II. Il semble donc exister une compétition entre PRMT envers certains sites. En effet, la délétion de PRMT1 entraine une forte augmentation des niveaux globaux de MMA et SDMA

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[512]. Ceci sous-entend que les sites ciblés de manière dominante par PRMT1 peuvent alors devenir substrats des PRMT de type II et III.

1.7.2.1 La structure des PRMT

Les PRMT de type I et II possèdent une architecture commune, où deux monomères s’associent en tête à queue grâce à un bras de dimérisation [513]. Ceci permet de former une interface en anneau où s’oppose le centre catalytique de chaque monomère. Cette conformation assure également le recrutement et positionnement adéquat du substrat. L’homodimérisation apparait donc essentielle à l’activité de PRMT. Des tétramères ainsi que de plus larges oligomères peuvent également être observés pour certaines PRMT [514-517].

Le centre catalytique des PRMT est hautement conservé et composé de deux domaines, soit un pli Rossman (Rossman fold) et un tonneau β (β-barrel) (Figure 1.18) [513]. Le premier est un domaine structural commun contenant le site de liaison du donneur de méthyle SAM. Ces deux domaines contiennent des motifs hautement conservés et spécifiques aux PRMT, participant entre autres à la formation de la poche de liaison de SAM et permettant l’orientation adéquate du groupe guanidine de l’arginine pour la catalyse de sa méthylation [518].

La spécificité de substrats et de localisation des PRMT est conférée entre autres par leur région N-terminale qui varie en longueur et en séquence. On y retrouve notamment différents domaines d’interactions protéiques participant à la liaison de substrats et de cofacteurs.

Figure 1.19 : Les domaines et motifs fonctionnels de PRMT1.

Les motifs hautement conservés parmi les PRMT sont représentés : motifs I, pI, II, III et boucle THW. Voir le texte pour plus de détails. Illustration par V.N. Lafleur.

1.7.2.2 La régulation des PRMT

La dynamique de la méthylation d’arginines demeure énigmatique, puisque l’existence d’une enzyme renversant cette modification n’a toujours pas été confirmée. Ainsi, en contraste à la méthylation des lysines, la méthylation d’arginines pourrait constituer une modification protéique permanente. Des mécanismes régulateurs des PRMT sont donc essentiels afin de moduler de manière appropriée la méthylation des arginines au sein des différents processus cellulaires.

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La régulation des PRMT peut être médiée directement par l’action de partenaires, par des modifications post-traductionnelles ou par des altérations dans leur état d’oligomérisation [502]. Ainsi, plusieurs protéines liant les PRMT furent décrites comme ayant des fonctions activatrices ou inhibitrices de leur activité. Certains partenaires semblent également modifier la spécificité de substrats des PRMT, dirigeant leur activité de manière préférentielle envers des cibles précises. De manière intéressante, de l’autométhylation fut observée pour plusieurs PRMT [502]. Bien que le rôle de l’autométhylation soit encore méconnu pour certaines PRMT, des impacts spécifiques furent observés pour d’autres.

L’action des PRMT peut aussi être régulée de manière indirecte par la modification même de leurs substrats. Ceci peut survenir lors de la présence d’autres modifications post-traductionnelles à proximité du résidu arginine ciblé, masquant ou interférant avec celui-ci [519-521]. Il peut également y avoir conversion de l’arginine en citrulline (acide aminé non protéinogène), prévenant sa méthylation. Ceci consiste en une réaction de déimination, soit l’hydrolyse d’un groupement azote de la guanidine, catalysée par la déiminase d’arginine 4 (PAD4 ; protein arginine deiminase 4) [522]. PAD4 agit donc en tant qu’antagoniste de la réaction de méthylation d’arginines. Toutefois, peu est connu quant à la régulation de PAD4 et sa spécificité de substrats. Ces deux mécanismes indirects furent particulièrement observés dans le contexte de la méthylation des histones, mais ils émergent maintenant en tant que mécanismes intéressants pouvant moduler la méthylation de protéines non- histones.

PRMT1, l’arginine méthyltransférase asymétrique principale

PRMT1 fut la première méthyltransférase d’arginine humaine à être identifiée, grâce à sa similarité avec son homologue HMT1/RMT1 de levure [523]. C’est également la protéine de la famille des PRMT à être la mieux caractérisée. Bien que généralement décrite en tant qu’une seule enzyme, jusqu’à sept isoformes distinctes de PRMT1, soit PRMTv1-v7, furent identifiées, provenant d’évènements d’épissages alternatifs complexes [524]. Ces isoformes, possédant des régions N- terminales uniques, ont des caractéristiques distinctes en ce qui a trait à leur expression, localisation cellulaire, activité enzymatique et spécificité de substrat. Il est à noter que PRMT1v1 est l’isoforme la plus abondante et représenterait celle généralement référencée lorsqu’il est question de PRMT1 dans la littérature. PRMT1v1, de même que PRMT1v2 et PRMT1v3, sont exprimées de manière ubiquitaire, tandis que PRMT1v4-7 ont une distribution tissu-spécifique [524]. De plus, PRMT1v1 et v7 sont généralement présentes de manière plus importante au noyau, tandis que PRMT1v2 est majoritairement cytoplasmique [524]. Les autres isoformes (PRMT1v3-6) ont plutôt une distribution cellulaire uniforme. Ces distinctions, ainsi que leurs préférences respectives pour certains substrats,

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soulignent les fonctions non redondantes de ces différentes isoformes de PRMT1. Leur conservation à travers l’évolution suggère également l’importance de leurs fonctions respectives. Toutefois, les connaissances sur ces fonctions spécifiques demeurent globalement limitées. Ainsi, pour la suite de ce manuscrit PRMT1 sera identifiée en tant qu’une seule enzyme, en raison de l’absence générale de distinction entre ses isoformes au sein des études.

1.7.3.1 Les fonctions de PRMT1

PRMT1 possède une liste croissante de substrats, incluant de nombreuses protéines liant l’ARN, des enzymes de la réparation de l’ADN, de même qu’une variété de facteurs impliqués dans le processus de transcription et de signalisation cellulaire [525]. Ces derniers sont particulièrement pertinents dans le contexte de cette thèse. En effet, au Chapitre 2 de cette thèse, il sera question de l’impact de PRMT1 dans la régulation des facteurs de transcription HIF et Sp1/3, tandis qu’au Chapitre 3 un nouveau rôle de PRMT1 dans la signalisation cellulaire sera décrit. Un résumé des fonctions connues de PRMT1 dans la transcription et dans la signalisation sont donc présentés ici. 1.7.3.1.1 Les fonctions de PRMT1 dans la régulation de la transcription

Premièrement, PRMT1 possède un rôle dans le contrôle épigénétique de la transcription via la modification de l’arginine 3 de l’histone H4 (H4R3me2), associée à l’activation transcriptionnelle [526, 527]. PRMT1 peut donc agir en tant que coactivatrice, suite à son recrutement à la chromatine. Ceci fut décrit dans le contexte de son interaction directe avec les facteurs de transcription p53, NFĸB et Yin Yang 1 (YY1) [528-530].

Deuxièmenent, divers facteurs de transcription sont directement ciblés par PRMT1. On dénote la méthylation de FOXO1 (forkhead box O1), un suppresseur de tumeur impliqué dans plusieurs processus cellulaires. La méthylation de FOXO1 sur plusieurs sites par PRMT1 inhibe sa dégradation protéosomale, favorisant alors l’expression de ses gènes cibles [531, 532]. De manière similaire, PRMT1 méthyle le facteur RUNX1 (ou AML1) sur deux résidus arginines, bloquant son association avec un complexe répresseur et menant à son activation [533]. Une isoforme de la protéine de fusion RUNX1-ETO, AE9a, fortement associée au développement de leucémie, est également modifiée par PRMT1, ce qui est associé à une répression de sa liaison à l’ADN [534]. De manière intéressante, AE9a recrute toutefois PRMT1 aux promoteurs de ses gènes cibles, résultant en la méthylation de H4R3 et en une activation transcriptionnelle. Enfin, une dynamique intéressante de la méthylation d’arginine fut décrite pour le facteur de transcription E2F-1, ciblé de manière compétitive et antagoniste par PRMT1 et PRMT5 [535]. La méthylation d’E2F-1 par PRMT1 augmente sa liaison à l’ADN et son rôle apoptotique, tandis que la méthylation d’E2F-1 par PRMT5 a l’impact inverse et facilite son rôle dans la prolifération cellulaire.

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Troisièmement, PRMT1 cible quelques corégulateurs transcriptionnels, dont PGC-1α (peroxisome proliferator-activated receptor γ coactivator-1α) et RIP140 (receptor interacting protein 140). PGC-1α est un coactivateur transcriptionnel pour plusieurs récepteurs nucléaires, de manière tissu-spécifique et inductible. PRMT1 modifie PCG-1α sur plusieurs résidus arginines afin d’induire ses fonctions coactivatrices [536]. De son côté, RIP140 est plutôt un corépresseur de récepteurs nucléaires. La méthylation de RIP140 par PRMT1 inhibe ses fonctions de corépresseur transcriptionnel en favorisant son export nucléaire [537].

Finalement, PRMT1 modifie le facteur d’élongation de la transcription SPT5 [538]. La méthylation de SPT5 a lieu au sein de son domaine d’interaction avec l’ARN polymérase II. Il en résulte une inhibition de cette interaction, provoquant un arrêt de la transcription.

1.7.3.1.2 Les fonctions de PRMT1 dans la signalisation cellulaire

En plus de rôles dans les processus nucléaires, PRMT1 a également des fonctions au sein d’évènements de signalisation cytoplasmiques, notamment en aval de récepteurs.

Premièrement, en réponse à l’insuline, PRMT1 est rapidement relocalisée à la membrane plasmique où une induction transitoire de son activité est observée [539]. Ceci mène à la méthylation de plusieurs protéines membranaires, entrainant le maintien de la phosphorylation et de l’activation du récepteur à l’insuline IR-β et de son substrat IRS-1. Ceci contribue donc à l’activation soutenue de la signalisation IR/IRS-1/PI3K.

Deuxièmement, le récepteur α de l’estrogène (ERα) est directement et transitoirement méthylé par PRMT1 sur son domaine de liaison à l’ADN [540]. ERα est un récepteur nucléaire, induisant la transcription de différents gènes suite à son activation par l’estrogène, mais possédant également des fonctions non génomiques via différents partenaires de signalisation cytoplasmiques. Ainsi, la méthylation d’ERα par PRMT1 est requise pour ses fonctions extranucléaires, permettant son interaction avec les kinases PI3K, Src (proto-oncogene tyrosine-protein kinase Src) et FAK (focal adhesion kinase) et induisant une signalisation rapide contribuant à la prolifération. De manière intéressante, il fut observé qu’ERα est hyperméthylé dans un sous-groupe de cellules épithéliales de cancers du sein invasifs [540].

Finalement, la signalisation des protéines osseuses morphogénétiques (BMP ; bone morphogenetic proteins), un sous-groupe de la famille de ligands du facteur de croissance transformant β (TGF-β ; transforming growth factor β), est également modulée par PRMT1 [541]. Les BMP induisent l’activation de leurs effecteurs, les facteurs de transcription SMAD (mothers against decapentaplegic), via la dimérisation de deux types de récepteurs à activité sérine-thréonine kinase (type I et type II). Il fut démontré que PRMT1 est associée au récepteur de type II, tandis que l’inhibiteur SMAD6 est associé au récepteur de type I. En réponse aux BMP, la formation du dimère

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de récepteurs permet la méthylation de SMAD6 par PRMT1, menant à la dissociation de SMAD6 du récepteur de type I et permettant l’activation subséquente des SMAD effectrices [541]. PRMT1 est donc un régulateur positif de la signalisation des SMAD induite par les BMP.

La méthylation d’arginines et la réponse hypoxique

Cette section a pour but de mettre en évidence la modulation du processus de méthylation d’arginine en conditions hypoxiques. Ceci permet de souligner l’importance potentielle de la méthylation d’arginine dans la réponse à l’hypoxie, en lien avec l’hypothèse de cette thèse.

Il est depuis longtemps connu que l’hypoxie altère le potentiel de méthylation cellulaire, mais l’impact sur la méthylation de substrats protéiques reste inexploré. Une régulation du métabolisme (synthèse/dégradation) des arginines méthylées asymétriquement en hypoxie suggère néanmoins une modulation et implication des PRMT. De plus, des évidences émergent maintenant quant à l’implication de certaines PRMT dans la régulation même des niveaux de HIF-1α.

1.7.4.1 Les niveaux de SAM en hypoxie

La réaction de méthylation requiert la présence d’un donneur de méthyle et fait appel à la molécule SAM de manière prédominante. La SAM est en fait le deuxième substrat enzymatique cellulaire le plus utilisé, derrière l’ATP [542]. Les réactions de méthylation produisent la molécule dérivée SAH, qui agit comme inhibiteur endogène de ces mêmes réactions [543]. Ainsi, le ratio des concentrations SAM/SAH représente l’indice du potentiel de méthylation cellulaire.

L’utilisation grandement préférentielle de SAM en tant que donneur de méthyle découle de ses caractéristiques énergétiques favorables. En effet, la réaction de méthylation dépendante de SAM libère plus d’énergie que l’hydrolyse de l’ATP [542]. Bien que bénéfique, la SAM est par contre considérée comme le métabolite le plus onéreux des cellules, sa synthèse de novo nécessitant une grande demande énergétique [544]. Une utilisation efficace de SAM et une régulation de sa production sont donc importantes pour les organismes. La synthèse de SAM est catalysée par la méthionine adénosyltransférase (MAT) à partir de méthionine et d’ATP (Figure 1.17A). La SAM peut être synthétisée par toutes les cellules de l’organisme, mais elle l’est de manière principale au niveau du foie, où la majorité de la méthionine provenant de la diète est convertie en SAM [545].

En conditions hypoxiques, une diminution du niveau de la molécule SAM au niveau du foie et des reins est observée. Il peut être proposé que ceci soit un mécanisme adaptatif contribuant à conserver les ressources énergétiques en de telles conditions de répression métabolique. Ainsi, des rats exposés de manière chronique à des conditions hypoxiques (10 jours à 10 % d’O2) présentent un

niveau de SAM réduit et une hypométhylation de l’ADN au niveau hépatique [546, 547]. Des conditions hypoxiques transitoires (30 min d’ischémie rénale ou 5 min d’anoxie environnementale

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postnatale) mènent également à une réduction du niveau de SAM [548, 549]. Les changements hypoxiques des niveaux de SAM et SAH provoquent alors une diminution marquée du ratio SAM/SAH, indiquant un potentiel de méthylation cellulaire réduit en hypoxie.

La diminution de SAM en hypoxie résulte d’une dérégulation du niveau d’expression de l’enzyme MAT, responsable de sa synthèse [546, 547, 550]. Il doit être précisé que cette enzyme est le produit de deux gènes différents chez les mammifères : i) MAT1A, spécifique au foie chez l’adulte et codant pour les isoformes MATI et MATIII ; et ii) MAT2A, exprimé dans tous les tissus chez l’adulte, à l’exception du foie, et codant pour l’isoforme MATII. De manière intéressante, un changement d’expression entre ces deux gènes s’opère au niveau du foie lors de la transformation maligne des cellules, lors de cirrhose et lors de sa régénération après une hépatectomie partielle, où MAT2A remplace alors MAT1A [551-554]. La diminution d’expression de MAT1A et l’induction de MAT2A est connue en tant que MAT1A/MAT2A switch (changement MAT1A/MAT2A) et est associé à une réduction du niveau cellulaire de SAM. En effet, puisque l’isoforme MATII possède des paramètres cinétiques différents et peut être inhibée par le produit de sa réaction elle ne peut ainsi compenser la réduction des isoformes MATI/III. Ceci résulte en une diminution nette de la production de SAM [555, 556].

Des mécanismes transcriptionnels et post-transcriptionnels sont connus pour contribuer au changement MAT1A/MAT2A dans ces contextes [557]. En hypoxie, la survenue de ce changement semble impliquer de manière centrale les facteurs HIF, avec une répression transcriptionnelle de MAT1A, par une potentielle implication des HIF, et une induction de MAT2A sous la régulation directe de HIF-1 (Figure 1.19) [134, 550]. La régulation transcriptionnelle de MAT1A et MAT2A par HIF-1 en hypoxie est associée à une diminution de SAM et à une hypométhylation de l’ADN [134, 547, 550]. Un impact sur la méthylation protéique demeure néanmoins inconnu.

Bien que certaines lignées cellulaires présentent un ratio SAM/SAH réduit en hypoxie, une certaine hétérogénéité est observée entre lignées cellulaires [558]. En effet, certaines cellules présentent plutôt un ratio SAM/SAH accru en hypoxie. Il est proposé que ceci serait la conséquence d’une diminution des évènements de méthylation cellulaire, résultant donc en une accumulation de SAM inutilisé. Ainsi, un potentiel de méthylation accrue en hypoxie n’est pas nécessairement accompagné d’une augmentation des réactions de méthylation. Ceci soulève alors la possibilité d’un mécanisme alternatif réduisant l’activité des méthyltransférases en conditions hypoxiques dans le but de diminuer les besoins en synthèse de novo de SAM.

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Figure 1.20: La diminution du potentiel de méthylation cellulaire en hypoxie.

L’hypoxie, via HIF-1, entraine un changement dans le ratio des enzymes MAT1A/MAT2A, résultant en une diminution de la production de SAM. Une inhibition de l’enzyme SAHH (S-adénosylhomocystéine hydrolase) semble également survenir, augmentant les niveaux de SAH. Voir le texte pour plus de détails. Illustration par

V.N. Lafleur.

1.7.4.2 Les niveaux d’ADMA en hypoxie

La protéolyse des protéines possédant des arginines méthylées entraine la génération de résidus MMA, ADMA et SDMA libres au cytoplasme. Ces métabolites sont ensuite modifiés ou métabolisés par différentes voies et peuvent produire des impacts cellulaires importants. Les SDMA sont presque entièrement éliminées par excrétion rénale (≥ 90 %), suite à leur exportation dans le milieu extracellulaire par des transporteurs d’acides aminés cationiques (CAT ; cationic amino acid

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