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Dans cette section, il est question des réponses moléculaires précises coordonnant les changements cellulaires nécessaires à l’adaptation hypoxique. La présentation des éléments principaux de ces réponses moléculaires permet de soulever la complexité de la réponse à l’hypoxie, tout en détaillant davantage le rôle central joué par les facteurs de transcription HIF.

Une modulation coordonnée du programme d’expression génique et protéique est sous- jacente aux différents processus adaptatifs décrits plus haut. Globalement, l’hypoxie entraine une répression marquée de la transcription et de la traduction, préservant ainsi les réserves énergétiques, tout en augmentant et maintenant la synthèse de facteurs essentiels aux processus cellulaires adaptatifs. Cette régulation, en grande partie sous le contrôle des facteurs HIF, s’effectue à trois différents niveaux : transcriptionnel, épigénétique et traductionnel.

La réponse transcriptionnelle

En conditions d’hypoxie prolongée (24h à 0.2 % d’O2), une répression globale de la synthèse

d’ARN de plus de 40 % peut être observée [89]. Ceci a pour but de conserver les ressources énergétiques cellulaires et découle en partie d’une diminution générale de la machinerie de transcription. Il semblerait en effet que l’assemblage du complexe de préinitiation (PIC ; pre- initiation complex) soit largement inhibé lors d’hypoxie sévère. Le PIC est constitué de facteurs généraux de transcription (TFIIA, TFIIB, TFIID, TFIIE, TFIIF et TFIIH) s’associant à l’ARN polymérase II aux séquences promotrices des gènes [90]. En hypoxie, l’inhibition de la formation de ce complexe résulte de l’augmentation du cofacteur négatif 2 (NC2 ; negative cofactor 2) [91]. NC2 est entre autres connu pour inhiber la transcription en retirant les facteurs TFII associés aux promoteurs [92]. Toutefois, ce mécanisme ne cible qu’un sous-groupe de gènes, puisque certains gènes demeurent stables et que d’autres sont plutôt augmentés en hypoxie pour soutenir les processus adaptatifs. L’augmentation de la transcription de gènes particuliers en hypoxie sous-entend la présence de processus actifs de régulation transcriptionnelle.

1.4.1.1 La transcription sélective à partir d’éléments de réponse à l’hypoxie (HRE)

Lors d’une situation hypoxique, une induction de l’expression de nombreux gènes survient. Cette augmentation dirigée de la transcription est en fait l’élément caractéristique de la réponse à l’hypoxie, orchestrant les différents processus cellulaires permettant de s’y adapter. Des analyses à large spectre révèlent que l’expression de quelques centaines de gènes serait modulée en réponse à une carence en O2. Cette réponse transcriptionnelle est très variée et semble être hautement spécifique

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Plusieurs des gènes induits en hypoxie sont sous le contrôle direct des facteurs HIF, tandis que d’autres le sont de manière indirecte. Une liste non exhaustive de gènes cibles confirmés comme étant induits par les HIF est présentée à la Figure 1.5. On y retrouve des gènes impliqués dans tous les processus cellulaires adaptatifs au stress hypoxique, dont plusieurs furent présentés précédemment. L’analyse des séquences régulatrices d’un grand nombre de ces gènes a permis d’identifier le motif consensus conservé 5’-RCGTG-3’, correspondant au site de liaison des HIF (HBS ; HIF-binding site) [96]. Ce motif est présent de manière abondante à travers le génome. Toutefois, seulement une faible portion correspond à des sites réellement fonctionnels. Des analyses de liaison à travers le génome soulignent la présence des facteurs HIF sur plus de 500 motifs HBS, ce qui représente moins de 0.1 % de tous les motifs HBS identifiés (plus de 1 million) [97, 98]. La distribution de ces sites semble hautement enrichie à proximité des sites d’initiation de la transcription. Néanmoins, la liaison des HIF est fréquemment retrouvée à des HBS localisés au sein de régions amplificatrices (enhancer) en 5’ ou 3’ des gènes cibles, au sein de régions introniques et exoniques, de même qu’à des régions intergéniques [98-100]. Les HIF peuvent même réguler des promoteurs localisés à plus de 100 kilobases de distance de leur site de liaison avec la même efficacité. La forte sélectivité pour la liaison des HIF à certains motifs HBS suggère un contexte particulier définissant leur accessibilité et fonctionnalité, dirigeant de manière précise la réponse transcriptionnelle à l’hypoxie. Effectivement, la fonctionnalité des HBS dépend d’éléments régulateurs minimaux adjacents qui forment, avec le HBS, l’élément de réponse à l’hypoxie (HRE ; hypoxia-responsive element). Il est également fréquent que plusieurs motifs HBS soient à proximité au sein du même promoteur, formant un HRE fonctionnel.

1.4.1.2 Les caractéristiques des HRE fonctionnels

Plusieurs caractéristiques, facteurs et modifications s’associent afin de définir de manière précise les HRE actifs [101].

Premièrement, certains nucléotides sont présents de manière non aléatoire à des positions avoisinantes du motif HBS central [96, 98]. Il semblerait que ces nucléotides peuvent conférer différentes intensités d’activation transcriptionnelle par les HIF, ainsi qu’une certaine spécificité de réponse d’un gène à l’autre [102, 103]. Leur fonction précise demeure toutefois énigmatique.

Deuxièmement, plusieurs HRE contiennent une séquence accessoire aux HIF (HAS ; HIF- ancillary sequence), nécessaire pour leur activité [104, 105]. L’élément HAS est localisé précisément 8 nucléotides en amont ou aval du HBS et consiste en une répétition inversée imparfaite de celui-ci. Bien que peu caractérisé, cet élément permettrait la liaison de plusieurs complexes protéiques.

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Figure 1.5: Les gènes cibles des HIF.

Une liste non-exhaustive de gènes cibles directement régulés par les facteurs HIF est présentée. Les gènes sont regroupés sous divers processus cellulaires d’adaptation à l’hypoxie. Illustration par V.N. Lafleur.

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Troisièmement, la structure même de la chromatine est une caractéristique dictant la sélectivité de liaison des HIF envers certains HBS. L’accessibilité des motifs HBS, étudiée par leur hypersensibilité à la DNAse ou par le positionnement des nucléosomes, est fortement corrélée à la présence des HIF à ces motifs [98, 99]. La structure chromatinienne décondensée de certains HBS est observée même en conditions oxygénées, suggérant que l’accessibilité d’un locus particulier peut prédéterminer la liaison des HIF en hypoxie. En effet, il fut démontré qu’en hypoxie, les facteurs HIF se lient préférentiellement à des sites étant déjà actifs en conditions oxygénées [95, 99]. Des conditions prolongées d’hypoxie, en revanche, sont susceptibles de faire intervenir des sites de liaison supplémentaires, notamment grâce à des changements dans la conformation de la chromatine par des modifications d’histones, comme discuté dans la prochaine sous-section [100].

Quatrièmement, il est à noter que tous les motifs HBS caractérisés comme accessibles ne sont pas nécessairement ciblés par les HIF (seulement 1 % le sont). À l’inverse, certains motifs liés par les HIF ne sont pas forcément considérés comme accessibles [98]. Ceci sous-entend un niveau supérieur de régulation épigénétique contribuant à dicter la fonction de ces sites. Notamment, le dinucléotide CpG présent au sein du HBS peut être ciblé par méthylation. Cette modification est connue pour interférer avec la liaison des facteurs de transcription [106]. Plus de détails sur cette modification seront apportés dans la section 1.4.2.2. Étant donné que la majorité des promoteurs des gènes cibles des HIF possèdent un contenu élevé en GC (appelé ilots CpG), leurs motifs HBS demeurent généralement non méthylés et fonctionnels [93]. Cette modification permettrait néanmoins de contrôler de manière sélective l’expression de certains gènes.

Finalement, la fonction des HRE peut être dépendante de la liaison d’autres facteurs de transcription aux motifs adjacents. Un enrichissement de motifs de liaison pour certains facteurs de transcription, notamment pour les membres des familles AP1 (activator protein 1), CREB (cAMP response element-binding), CEBP (CCAAT-enhancer binding protein), NFY (nuclear transcription factor Y) et Sp1 (Specificity protein 1), fut observé à proximité de motifs HBS actifs [93, 94]. Ces facteurs sont liés avec la réponse aux stress cellulaires et certains ont un rôle confirmé dans la régulation hypoxique de certains gènes [94]. Ces facteurs peuvent donc agir de manière coopérative avec les HIF pour amplifier la réponse transcriptionnelle lors de conditions spécifiques, entrainer une réponse précise à un type cellulaire ou procurer une spécificité envers certains gènes cibles.

Globalement, il est maintenant évident que la séquence et l’organisation des HRE assurent une réponse transcriptionnelle unique à chaque gène en réponse à l’hypoxie, autant dans l’intensité, la sélectivité ou la dynamique d’induction. Ces particularités permettent d’optimiser l’intégration des conditions hypoxiques à chaque gène cible, assurant une réponse cellulaire adéquate.

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1.4.1.3 La répression transcriptionnelle sélective en hypoxie

Il est pertinent de noter qu’en plus d’induire de nombreux gènes en réponse au stress hypoxique, l’activité des facteurs HIF est également associée à la répression de certains gènes. Par exemple, la diminution d’un sous-groupe de gènes impliqués dans le métabolisme mitochondrial est observée en hypoxie, contribuant à l’atténuation de la phosphorylation oxydative (tel que détaillé à la section 1.3.2.1) [93]. La répression transcriptionnelle n’apparait toutefois pas être directement sous le contrôle des HIF, leur liaison n’étant pas observée aux promoteurs des gènes réprimés [97, 107]. Les HIF seraient plutôt impliqués dans la répression de gènes via l’induction de répresseurs transcriptionnels et de microARN, qui réduisent l’expression de certains groupes de gènes de manière post-transcriptionnelle [108, 109].

La réponse épigénétique

La modulation importante de la transcription en hypoxie, autant positivement que négativement, est soutenue par des changements épigénétiques notables. La chromatine, soit l’ADN et les protéines histones associées, est une structure hautement dynamique pouvant être modulée en réponse à divers stimuli cellulaires [110]. La chromatine est retrouvée sous deux états principaux de compaction : l’hétérochromatine, une structure compacte et associée à des régions non transcrites, et l’euchromatine, une structure décondensée où l’ADN est accessible et associée à des gènes activement transcrits [111]. Divers mécanismes épigénétiques peuvent altérer la structure chromatinienne et ainsi moduler la transcription, la réplication de l’ADN ou sa réparation. Ceci peut impliquer le remodelage actif de la chromatine, l’incorporation de variants d’histones ou la modification post-traductionelle des queues N-terminales de ces dernières [112-114]. La modification directe de l’ADN, par méthylation, contribue également aux changements épigénétiques modifiant les évènements transcriptionnels [106].

1.4.2.1 Les modifications des histones en hypoxie

Les modifications post-traductionnelles des histones se sont révélées comme une partie intégrale de la réponse à l’hypoxie [115, 116]. Ces modifications, de nature variée, permettent des changements rapides dans les contacts des histones avec l’ADN et d’autres protéines. Elles corrèlent avec l’expression de gènes spécifiques, puisqu’elles procurent des plateformes pour le recrutement de facteurs de remodelage de la chromatine et de régulateurs de la transcription.

En hypoxie, les modifications post-traductionnelles des histones surviennent de manière globale, mais également de manière différentielle d’un gène à l’autre. Elles semblent ainsi à la base de la répression globale de la transcription observée en hypoxie, contribuant au maintien des ressources énergétiques cellulaires, tout en soutenant l’expression de gènes codants pour des facteurs

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de la réponse à l’hypoxie. Ainsi, des changements complexes furent observés lors de divers degrés et temps d’hypoxie [89, 117-119]. On observe notamment des modifications d’histones contribuant à la répression transcriptionnelle, mais également une augmentation de modifications activatrices (Figure 1.6) [89, 117-120].

Figure 1.6: La régulation des modifications post-traductionnelles des histones en hypoxie.

Divers évènements de méthylation et d’acétylation des histones sont modulés en réponse à l’hypoxie, sous le contrôle de diverses enzymes spécifiques. Voir le texte pour plus de détails. SETD7 : SET domain-containing

protein 7 ; HDAC1/3 : histone deacetyltransferases 1/3; Sirt1 : Sirtuin 1; G9a (ou EHMT2) : euchromatine histone-lysine N-methyltransferase 2; Suv39H1/H2 : suppressor of variegation 3-9 homolog 1/2; KDM : lysine- specific demethylases. Me : méthylation; Ac : acétylation. Illustration par V.N. Lafleur.

À la base des changements post-traductionnels des histones survenant en hypoxie, on retrouve une modulation directe des enzymes responsables de ces modifications. On dénote une augmentation de l’expression de certaines déacétylases, soit HDAC1, HDAC3 (histone deacetyltransferases 1/3) et Sirtuin 1, via l’action directe du facteur HIF-1 (Figure 1.6) [121-123]. Une augmentation de l’expression de la lysine méthyltransférase (KMT) G9a est également observée, tout comme le

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recrutement de certaines KMT à des promoteurs spécifiques, dont Suv39H1, Suv39H2 (suppressor of variegation 3-9 homolog 1/2) et SETD7 (SET domain-containing protein 7) (Figure 1.6) [118, 124, 125]. Ces changements contribuent à la diminution de l’acétylation et l’augmentation de la méthylation des histones en hypoxie.

De manière intéressante, l’augmentation générale de la méthylation d’histones en hypoxie découle également de l’inhibition des déméthylases de lysines à domaine JmjC (KDM ; lysine- specific demethylases ou JMJD ; JumonjiC (JmjC) domain-containing demethylases), dont il existe six sous-familles (KDM2-7) [126]. Faisant partie de la famille des dioxygénases dépendantes de l’O2,

du Fe2+ et du 2-oxoglutarate (2-OG), ces enzymes se sont révélées être des médiatrices importantes

de la réponse à l’hypoxie [127, 128]. Leur activité catalytique nécessitant une molécule d’O2, une

diminution graduelle de leur activité est observée en hypoxie et corrèle avec une hyperméthylation des histones (Figure 1.6) [129-131]. Paradoxalement, une augmentation de l’expression d’un grand nombre de KDM survient en hypoxie, sous le contrôle direct de HIF-1. Le rôle précis de cette surexpression demeure toutefois énigmatique.

1.4.2.2 La méthylation de l’ADN en hypoxie

De manière générale, l’hypoxie semble aussi entraver la méthylation de l’ADN [132-134]. Cette modification épigénétique survient sur les cytosines des dinucléotides CpG. La méthylation de ces cytosines est une marque associée à la répression transcriptionnelle, puisqu’elle interfère avec la liaison des facteurs de transcription [106]. À travers le génome, les dinucléotides CpG sont souvent regroupés, formant ce qu’on appelle des ilots CpG. Ces régions à haute concentration de CpG sont généralement dépourvues de méthylation et surtout retrouvées au sein de promoteurs.

La méthylation de l’ADN est sous le contrôle de méthyltransférases d’ADN (DNMT ; DNA methyltransferases) et des protéines de la famille TET (TET-eleven translocations). L’expression de TET1 et TET3 est induite par HIF-1 en conditions hypoxiques et est associée à une déméthylation génomique globale facilitant la réponse transcriptionnelle [135-138]. Il est à noter qu’à l’instar des KDM, les TET sont des dioxygénases dépendantes de l’O2, du Fe2+ et du 2-OG [139]. Néanmoins,

leur affinité pour l’O2 étant élevée, un maintien de leur activité en hypoxie est suggéré [140].

La diminution de méthylation d’ADN observée en hypoxie est aussi causée par une diminution de l’expression de DNMT1, DNMT3A et DNMT3B [133, 137, 141]. Une hyperméthylation globale de l’ADN fut toutefois rapportée au sein de cellules exposées à des conditions d’hypoxie chronique (de plusieurs jours à semaines) et associée à une augmentation de l’expression de DNMT1 et DNMT3B par HIF-1 [142, 143]. Ceci semble représenter un certain état dynamique ou compensatoire de cette marque épigénétique en fonction du contexte hypoxique.

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La réponse traductionnelle

En parallèle aux changements transcriptionnels et épigénétiques survenant en hypoxie, des altérations majeures apparaissent au niveau traductionnel [144]. La synthèse protéique est un processus finement contrôlé en fonction des ressources nutritionnelles et énergétiques de la cellule, ainsi qu’en réponse à divers stress et facteurs mitogènes [145]. Ainsi, la déplétion métabolique survenant en stress hypoxique altère globalement ce processus à consommation énergétique élevée (utilisant de 25-30 % de l’ATP) [146, 147]. Après seulement une heure d’anoxie (0 % d’O2), une

diminution de la traduction d’environ 40 à 60 % peut être observée, bien que l’impact d’hypoxie modérée (0,2 %) soit plus modeste et tardif [148].

1.4.3.1 La répression globale de la synthèse protéique en hypoxie

En conditions hypoxiques, différents mécanismes convergent vers une inhibition générale de la machinerie de traduction conventionnelle dépendante de la coiffe d’ARN messager (ARNm) [149]. C’est au niveau de l’initiation, c’est-à-dire lors du recrutement de l’unité ribosomale 40S à la coiffe m7GTP 5’-terminale de l’ARNm, que la traduction est principalement régulée.

Dans un premier temps, il y a phosphorylation et inhibition rapide du facteur eucaryote d’initiation de la traduction 2α (eIF2α) par la kinase du réticulum endoplasmique PERK (protein kinase RNA-like endoplasmic reticulum kinase) (Figure 1.7) [148, 150, 151]. La phosphorylation d’eIF2α est commune à différents stress et réduit sa capacité à recruter l’ARNt-méthionine initiateur, compromettant l’assemblage du complexe d’initiation.

Dans un seconde temps, l’hypoxie entraine l’inhibition de la kinase cible de la rapamycine chez les mammifères (mTOR ; mammalian target of rapamycin), nécessaire à l’assemblage du complexe eucaryote d’initiation de la traduction (eIF4F) au niveau de la coiffe d’ARNm (Figure 1.7) [150]. L’inhibition efficace de mTOR, ou plus spécifiquement du complexe mTORC1, est cruciale pour la répression traductionnelle globale en hypoxie et fait intervenir différents mécanismes [152]. D’abord, la protéine induite par HIF-1, REDD1 (ou RTP801 ou DDIT4), permet la formation du complexe inhibiteur de mTORC1, TSC1/TSC2 (tuberous sclerosis tumor suprressor proteins) (Figure 1.7) [153]. TSC2 serait également activée par la kinase activée par AMP (AMPK ; AMPK- activated protein kinase), elle-même induite en hypoxie (Figure 1.7) [154]. Ensuite, il y aurait une délocalisation nucléaire de mTORC1 par PML (promyelocytic leukemia), contribuant à son inactivation (Figure 1.7) [155].

Dans un dernier temps, l’étape d’élongation est également altérée en conditions hypoxiques, via l’inhibition du facteur d’élongation eEF2 (Figure 1.7). Une phosphorylation rapide de ce facteur

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survient en hypoxie, menant à son inactivation [156]. Cette modification résulterait, entre autres, de la stabilisation de sa kinase eEF2K et de l’activation de celle-ci par AMPK [154, 156].

Figure 1.7: La répression globale de l’initiation de la traduction en hypoxie.

La kinase mTORC1, lorsqu’activée par différents stimuli, favorise l’assemblage du complexe eucaryote d’initiation de la traduction 4F (eIF4F) au niveau de la coiffe (voir encadré) [157]. Premièrement, mTORC1 phosphoryle la protéine liant le facteur eIF4E de ce complexe (4E-BP1), renversant son effet inhibiteur sur eIF4E. Deuxièmement, mTORC1 phosphoryle la kinase p70 S6 (S6K), entrainant la phosphorylation subséquente de la protéine ribosomale S6 et favorisant l’assemblage du complexe d’initiation. En hypoxie, divers mécanismes convergent vers l’inhibition de mTORC1, de même que des facteurs eIF2α (facteur d’initiation) et eEF2 (facteur d’élongation), contribuant ainsi à l’inibition globale des étapes d’initiation et d’élongation de la traduction. Voir le texte pour plus de détails. Illustration par V.N. Lafleur.

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1.4.3.2 L’augmentation sélective de la synthèse de facteurs adaptatifs en hypoxie

Malgré la répression globale de la machinerie de traduction en hypoxie, une synthèse sélective de facteurs cruciaux pour la réponse à l’hypoxie doit être maintenue [144]. Cette synthèse est permise par différents mécanismes.

Premièrement, un certain niveau d’activité de mTORC1 est soutenu grâce à l’activation d’eIF4E2, un paralogue d’eIF4E, et par son recrutement sélectif à certains ARNm [158]. Ce recrutement est sous le contrôle du facteur de transcription induit en hypoxie HIF-2.

Deuxièmement, la phosphorylation d’eIF2α en hypoxie, bien qu’inhibitrice de la traduction dépendante de la coiffe, semble paradoxalement entrainer la synthèse sélective de certains ARNm par des processus indépendants. Dans ce contexte, eIF2α favorise la synthèse protéique à partir de cadres de lecture en 5’UTR (uORF : upstream open reading frame) de certains ARNm [159].

Troisièmement, le recrutement de ribosomes en hypoxie semble pouvoir s’effectuer directement à des sites internes d’entrée des ribosomes (IRES ; internal ribosome entry site) dans les régions 5’UTR de certains ARNm, sans la nécessité de facteurs d’initiation dépendants de la coiffe [160]. Toutefois, la réelle efficacité des IRES est encore débattue [161].

Finalement, il y a une modulation d’un grand nombre de protéines liant l’ARN (RBP ; RNA- binding proteins), régulant également la traduction de manière indépendante de la coiffe [162]. Il peut y avoir augmentation ou activation de RBP favorisant la traduction, parallèlement à la diminution ou répression de RBP inhibitrices.

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