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Chapitre I Cadre méthodologique : présentation des choix opérés et des gestes scientifiques posés

2. Triangulation de deux outils méthodologiques : l’entretien et l’analyse documentaire

2.2. Méthodologie de l’entretien compréhensif

Le socle de départ de la recherche s’appuie sur la passation d’entretiens avec les acteurs impliqués dans la patrimonialisation de Paulilles (anciens ouvriers, associations locales, élus locaux, institutions propriétaires et gestionnaires du site, ainsi que leurs partenaires). La méthode choisie s’inspire en partie de L’entretien compréhensif, tel que formalisé par le sociologue Jean-Claude Kaufmann.

2.2.1. L’échantillon théorique

L’objectif de mon échantillon est de représenter les différentes catégories d’acteurs et de montrer en quel sens chacune d’entre elles influence les modes de décision choisis dans le processus de patrimonialisation propre au cas du site de Paulilles. Kauffmann précise que, dans l’entretien compréhensif, « plus que de constituer un échantillon, il s’agit plutôt de bien choisir ses informateurs » (Kauffmann, 1996 : 44). Selon lui, « l’échantillon n’est qu’un instrument » (Ibid. : 43); ainsi l’erreur à éviter est de généraliser « à partir d’un échantillon mal diversifié » (Ibid. : 40).

Pour la méthode d'échantillonnage, j’ai fait le choix de l’échantillon par contraste : d’après Pires, « le but de l'échantillon par contraste avec entrevues est d’ouvrir les voies à la comparaison (externe) ou à une sorte de “totalité hétérogène” » (Pires, 1997 :157). Il s’agit d’adopter le principe de diversification externe. Celui-ci « s’applique lorsque la finalité théorique est de donner un portrait global d’une question […] » (Pires, 1997 : 155). Selon Pires, l’intérêt de l’étude de cas n’est pas « de s’intéresser seulement aux spécificités du cas mais à sa capacité de servir de voie d’accès à d’autres phénomènes ou à d’autres aspects de la réalité » (Ibid : 140).

2.2.2. Technique de collecte de données pour les entretiens

Pour construire l’échantillon théorique et rencontrer les personnes impliquées dans le processus de patrimonialisation de Paulilles, tous les moyens étaient mis en œuvre : appels téléphoniques aux anciens ouvriers de l’usine, aux représentants des associations, aux élus locaux, et courriels aux professionnels. Ensuite, il y a eu le bouche à oreille à travers les réseaux de connaissances des premiers participants, qui me référaient à d’autres répondants, puis lesobservations et les rencontres avec le public sur le site de Paulilles.

Lors de l’élaboration de mon protocole de départ pour la constitution du dossier d’éthique, je visais à réaliser en totalité vingt-quatre entretiens, soit six entretiens dans chacune des quatre catégories définies d’acteurs. Au final, j’ai mené vingt-neuf entretiens.

1. Les anciens ouvriers : J’ai mené six entretiens au moyen de la technique du bouche à oreille, à partir des personnes-ressources dans la société locale. Augustin Bonafos est le premier que j’ai rencontré; il m’a donné les noms d’autres anciens ouvriers en me disant de les contacter de sa part.

2. Les représentants des associations : J’ai mené neuf entretiens avec les membres des différentes associations qui sont impliquées au niveau du patrimoine naturel (classement du site de Paulilles) et du patrimoine culturel et industriel (collecte de témoignages d’anciens ouvriers de l’usine, élaboration d’expositions sur la mémoire ouvrière, et projet du musée sur l’histoire industrielle et Alfred Nobel).

3. Les représentants des institutions : J’ai mené huit entrevues avec des acteurs institutionnels impliqués dans le processus de patrimonialisation : délégués de rivage au Conservatoire du littoral, responsables au Conseil général, élus des municipalités impliquées dans le projet.

4. Les visiteurs du site de Paulilles : J’ai mené six entretiens au moyen de la technique de recrutement, sur le site, avec la participation de l’équipe d’accueil du Conseil

Général3, qui informait les visiteurs de ma présence et de mon projet de mener une enquête par entretiens. (guide d’entretien en annexes)

J’ai déterminé ces quatre catégories d’acteurs pour former mon échantillon théorique, afin de comprendre leur implication et leur vision du processus de patrimonialisation du site. Selon chaque catégorie, j’ai orienté ma volonté de comprendre quel rôle ils tenaient, quelles étaient leurs stratégies, leurs fonctions, ou, pour ce qui est des visiteurs, quelle était leur réception. J’ai pris en considération le fait que chacun d’entre eux occupe une place importante dans le paysage local ou dans l’appareil institutionnel lié aux enjeux de patrimonialisation.

2.2.3. Le guide d’entretien

Au niveau de l’opérationnalisation de l’enquête, j’ai appliqué, pour tous les acteurs interrogés (sauf le public), un même guide d’entretien. Quelques ajustements de la grille ont été faits au fur à mesure, en fonction des premiers entretiens et en lien avec l’analyse préliminaire de la documentation. La méthode de Kauffmann indique que la souplesse est requise dans l’usage du guide d’entretien : « C’est un guide simple, pour faire parler les informateurs autour du sujet, l’idéal étant de déclencher une dynamique de conversation plus riche que la simple réponse aux questions, tout en restant dans le thème » (Kauffmann, 1996 : 44). L’important est de constituer un « ensemble cohérent », où « la suite des questions doit être logique » et rangée par thèmes (Ibid. : 44-45). Afin d’optimiser la confiance, lors de l’entretien, je laissais le choix aux répondants (sauf aux visiteurs) de consentir ou non à être cités dans la recherche. Tous les répondants ont voulu être cités et ont signé le formulaire de consentement en cochant la case du consentement.

2.2.4. Méthode d’analyse des entretiens

3 Pendant les visites guidées, la guide annonçait mon intention de rencontrer des visiteurs pour une enquête

sociologique. La responsable du site, pendant ses congés en septembre 2011, m’a gracieusement prêté son bureau pour mener mes entrevues.

Tel que le préconisent de nombreux auteurs des méthodes qualitatives, et tel que l’indique plus précisément Tesch, « l’analyse n’est pas la dernière phase du processus de la recherche, elle s’inscrit parallèlement et cycliquement à la phase de collectes des données » (Tesch, 1990 : 77-78). Ainsi, j’ai procédé à l’analyse tout au long de mon enquête, à travers un va-et-vient constant entre le terrain et l’analyse documentaire préliminaire.

Pour ce qui est des entretiens, ils ont été enregistrés et retranscrits dans leur intégralité, puis codés et analysés. Une double analyse a été opérationnalisée : dans un premier temps, il y a eu une analyse horizontale de chaque catégorie d’acteurs, avec les faits saillants de chaque catégorie. Dans un second temps, j’ai opté pour une analyse verticale qui compare les quatre catégories d’acteurs, afin de saisir les faits saillants transversaux et utiles à l’analyse du processus de patrimonialisation. Ce type d’analyse sert à montrer les intentions communes de certains acteurs, ainsi que les tensions qui se produisent non seulement entre les catégories, mais aussi à l’intérieur de chaque catégorie d’acteurs. Outre les tensions, il y a la possibilité de voir, ou non, des enjeux partagés par les quatre groupes.

En dernier lieu, une analyse des jeux d’acteurs propres au processus de patrimonialisation du cas du site de Paulilles a permis la confrontation avec les modèles théoriques de patrimonialisation retenus dans le prochain chapitre des concepts sensibilisateurs, notamment le modèle de Davallon. À la lumière des résultats obtenus, la dernière étape a consisté à montrer quelles peuvent être les modifications à apporter au modèle de patrimonialisation pour qu’il convienne aux réalités de patrimonialisation d’un site comme Paulilles.

2.2.5. Validation des résultats et saturation

Kauffmann ouvre une brèche en ce qui concerne le fait d’utiliser des instruments complémentaires à l’entretien compréhensif afin d’assurer la validation des résultats de recherche (Kauffmann, 1996 : 29). Comme je l’ai montré plus haut, la stratégie de triangulation permet de vérifier plus amplement la saturation des données à partir du dispositif mis en place par le chercheur. Dans ma recherche, l’instrument de validation

complémentaire à la méthode par entretiens est celle de l’analyse documentaire. Lors de la confrontation des résultats de recherche, Kauffmann indique qu’il est possible que « les conclusions ne soient pas parfaitement identiques » (Ibid. : 30) À ce moment-là, « plutôt que de taire les différences, les analyser permet de préciser et de valider le modèle ». L’analyse documentaire possède cet avantage de valider, ou d’invalider, certains discours des répondants, sinon d’éclaircir des événements qui datent et dont les répondants ne se souviennent plus exactement.