5 Étude anthropologique Annexe
M.- N Villena Mota
6.1 Méthodologie et inventaire
Pour la réalisation de cette étude, différentes méthodologies ont été employées afin de répondre aux différentes problématiques. On distingue celles utilisées durant la phase terrain de celles utilisées en post-fouille.
6.1.1 Méthodologie de terrain
6.1.1.1 Collectage des déchets
Un simple échantillonnage des déchets a été réalisé lors de ce diagnostic.
6.1.1.2 Prélèvements sédimentaires
Un protocole de prélèvement sédimentaire a été mis en place avec pour objectif de cerner la présence ou non de micro-restes magnétiques dans le comblement d’une des UE où de possibles battitures ont pu être observées. Ces échantillons de sédiments sont conservés à la base de la Pilaterie dans l’attente d’une analyse complémentaire éventuelle
6.1.2 Méthodologie de post-fouille
6.1.2.1 Le traitement des rebuts sidérurgiques
Les rebuts ont été lavés à l’aide d’un nettoyeur à haute pression. Leur compo- sition permet de supporter ce mode de lavage, mais également un nettoyage plus approfondi. Une fois secs, ils ont été inventoriés selon la typologie123 et
la méthodologie actuelles45. Elle repose principalement sur une observation
macroscopique. Elle consiste à réaliser une différenciation morphologique mais également d’identifier la nature des matériaux qui composent ces déchets. Ces observations macroscopiques permettent de caractériser les gestes techniques et fonctionnels qui ont engendré la formation des rebuts et ainsi de cerner les processus métallurgiques employés.
1. Dunikowski et al 1996 2. Bauvais 2007 3. Eschenlohr et al 2007 4. Le Carlier et al 2007 5. Berranger et al 2015
Benjamin Jagou
6.1.2.2 Le traitement des prélèvements sédimentaires
Le prélèvement a été tamisé à l’aide de tamis de 2,8 et 0,5 mm. Une fois secs, les refus de tamis ont été triés à l’aide d’un aimant, afin de pouvoir séparer les micro-déchets magnétiques des autres éléments non magnétiques. Les éléments magnétiques ou non ont été par la suite pesés, et les différentes catégories de micro-déchets inventoriées.
6.2.Inventaire
5280 grammes de déchets divers ont été inventoriés (Fig.139, Tab.12). Ils
proviennent essentiellement de la phase de post-réduction et plus particulière- ment du travail de forge. On observe une forte proportion de scories en culot.
Fig.139 : inventaire général des déchets sidérurgiques. © Benjamin Jagou - Inrap.
Tab.12 : inventaire général des déchets sidérurgiques. © Benjamin Jagou, - Inrap.
SGD Chutes métalliques Culot Fragments de culot Scories informes Fragment de Scorie informes Produit épais
UE. Nbr Poids (g) Nbr Poids (g) Nbr Poids (g) Nbr Poids (g) Nbr Poids (g) Poids total par UE. (g) 1010 4 520 3 85 605 1075 2 485 2 380 865 2026 1 280 280 2070 3 870 3 980 1850 3048 3 245 245 4009 2 510 1 45 1 90 645 4013 2 305 1 55 360 total 13 2690 3 425 1 90 7 385 4 1260 4850
Les scories regroupent l’ensemble des déchets tombés dans le foyer durant les différentes étapes de travail effectuées par le forgeron : métal, oxydes, ajouts siliceux, scories en inclusion, parois. Ces rebuts se forment à l’emplacement le plus chaud du foyer, situé à l’endroit où l’oxygène apporté par la ou les tuyères arrive dans la structure. Leur composition dépend de plusieurs facteurs : nature et proportion des matériaux perdus, conditions thermodynamiques, durée des opérations, morphologie de la structure de combustion, etc. La masse et les dimensions des scories de post-réduction sont directement dépendantes de la proportion des pertes et donc de l’intensité du travail effectué. L’étude de leur morpholo- gie, de leurs conditions de formation, et des types de déchets qu’elles contiennent renseigne directement sur les produits transformés et sur les techniques employées. En ce qui concerne les déchets de la place Delcourt, des spécificités ont été observées, qui ont entraîné des changements dans la typologie des faciès élaborée par V. Serneels6, et généralement utilisée
dans ce genre d’étude. Associées aux inclusions « classiques » en scorie grise dense (SGD), on retrouve des inclusions de couleur jaune à jaune orangé. Ces dernières ont été observées lors de l’étude des sites métallurgiques de Fiennes7
(62), Dunkerque8. Pour ces sites des analyses chimiques ont permis de caractériser ces inclusions jaunâtres. Il s’agit d’un
sulfate hydraté de fer nommé jarosite (K+Fe3+
3(OH−)6(SO42−)2). Les études récentes9 ont démontré que la présence de la jarosite dans la constitution des scories de forge est significative de l’utilisation du charbon de terre comme combustible dans le foyer de forge. Cela en fait pour les scories un marqueur extrinsèque permettant d’identifier de telles pratiques. Pour les éléments retrouvés sur la place Delcourt, on observe la présence de 690 grammes de scories SGD contenant ces traces jaunes principalement dans l’UE 1010. Plus en détail Tab.13), il a été observé la présence de quatre culots
entiers pour un poids total de 520 grammes. Ces culots SGD ont des dimensions moyennes de 67 mm de long, 71 mm de large, 37 mm d’épaisseur, pour un poids moyen de 130 grammes. On retrouve également une scorie informe SGD à traces jaunes parmi les déchets de la place Delcourt. Cette dernière mesure 93 mm de long, pour 72 mm de large, une épaisseur de 51 mm et un poids de 180 grammes. Enfin de nombreux fragments de culot et de scorie informe ont été inventoriés représentant un poids total de 810 g. Ces différents déchets sont donc les marqueurs d’un travail de forge à la houille. Concernant les autres scories en culot découvertes à Condé, elles disposent d’un faciès « classique ». On retrouve ainsi la présence de 2980 grammes de scories SGD. On observe la présence de neuf culots entiers SGD. Les dimensions moyennes de ces derniers sont de 62 mm de long, pour 77 mm de large, 43 mm d’épaisseur et un poids moyen de 241 grammes. Ce type de déchet « classique » montre qu’une partie des déchets métallurgiques ont été formés dans un foyer de forge alimenté par le charbon de bois.
6. Serneels 1993 7. Willot 2014 8. Colliou 2014 9. Jagou en cours
UE Faciès Forme Morphologie Aspect Longueur
(mm) Largeur (mm) Epaisseur (mm) Poids (g) Magnétisme 1010 SGD à trace jaune Semi-circulaire Plano-Convexe Irrégulier 49 82 59 175 Local 1010 SGD à trace jaune Ovale Long Plano-Convexe Irrégulier 82 83 39 180 Local
1010 SGD à trace jaune Rond Plano-Convexe Irrégulier 58 63 20 55 Local
1010 SGD à trace jaune Rond Plano-Convexe Irrégulier 80 56 29 110 Local
1075 SGD à trace jaune Semi-circulaire Plano-Convexe Irrégulier 99 99 37 385 Local
1075 SGD Ovale Large Plano-Convexe Irrégulier 36 68 38 100 Local
2070 SGD Ovale Large Plano-Convexe Irrégulier 70 110 58 540 Local
2070 SGD Ovale Large Plano-Convexe Irrégulier 40 64 45 80 Local
2070 SGD Semi-circulaire Aplatie Irrégulier 60 83 37 250 Local
4009 SGD Semi-circulaire Plano-Convexe Irrégulier 73 75 44 200 Local
4009 SGD Semi-circulaire Plano-Convexe Irrégulier 63 72 51 310 Local
4013 SGD Semi-circulaire Plano-Convexe Irrégulier 36 51 31 60 Local
4013 SGD Ovale Long Plano-Convexe Irrégulier 80 68 50 245 Local
Tab.13 : inventaires des culots entiers. © Benjamin Jagou, - Inrap.
6.2.2 Les micro-déchets magnétiques
Le prélèvement sédimentaire de trois litres a été mis en place dans l’UE 2070. Ce dernier a été tamisé à l’aide d’une colonne de 0,5 et 2,8 mm. Une fois traité, il représente un poids total de 790 grammes de refus de tamis (Tab.14).
Après passage de l’aimant, 40 grammes de micro-déchets magnétiques ont été collectés dans les refus de tamis 2,8 mm et 15 grammes dans les refus de tamis 0,5 mm. A cela s’ajoute la présence de 370 grammes de scories et 5 grammes de charbon de bois. Dans le cadre du diagnostic, les micro-déchets magnétiques ont été brièvement passés sous un microscope afin de constater ou non la présence de battitures. Ces battitures proviennent d’une couche fragile d’oxydation qui s’est formée sur le métal lors de son passage dans le foyer et qui s’est brisée lors du martelage du fer sur l’enclume. Après passage sous binoculaire, la présence de battitures de morphologies diverses a été observée.
6.2.3 Chutes métalliques
Quatre soies de préhension ont été retrouvées associées aux rebuts sidérurgiques. Le poids total de ces dernières est de 1280 grammes. Ce type de déchets apporte des informations sur le type et la morphologie du métal travaillé dans la forge.