5 Étude anthropologique Annexe
M.- N Villena Mota
6.3. Interprétations et perspectives 1 Datation de l’activité et organisation
Les rebuts métallurgiques ne sont pas des éléments datants. Pour connaître la chronologie de l’activité, il faut donc se fier à la chronologie relative appor- tée par la stratigraphie et le matériel résiduel présent avec les déchets. Ces différents éléments montrent deux phases métallurgiques. Une première de la phase 2 (10e-12e) et une seconde de la phase 4 (17e-18e). L’activité la mieux documentée est celle de la phase 2. Les restes sidérurgiques ont été mis en évidence au sein d’un espace constitué de plusieurs faits archéologiques et interprété comme un possible fond de cabane. Le prélèvement sédimentaire étudié lors de cette étude provenait de l’UE 2070 est l’un des faits composant ce fond de cabane. L’étude des micro-restes magnétiques a mis en évidence la présence de battitures dans le comblement de cette fosse 2070. Cela est un marqueur indéniable que des activités de forge ont eu lieu dans et/ou en dehors de ce possible fond de cabane. Cette hypothèse est étayée par la présence de scories en culot et de chutes métalliques dans plusieurs faits constituants cet ensemble du 10e-12e siècles.
La seconde séquence métallurgique mise en évidence est plus récente, datée de la phase 4 d’occupation du site. Des restes sidérurgiques ont été mis en évidence parmi les niveaux de nivellement liés aux grands travaux de réaménagement de la place. La réutilisation des déchets sidérurgiques en milieu urbain est bien connue et documentée. En effet, les scories de forge étant des déchets non réutilisables par les métallurgistes, ces dernières sont régulièrement réem- ployées dans le comblement d’autres faits archéologiques. La réutilisation de tels rebuts pour la restructuration de places publiques a pu être observée lors des fouilles de la grand place de Tourcoing10. Des restes sidérurgiques d’un
10. Jagou en cours UE. Litres Micro-déchets magnétiques 2mm (g) Micro-déchets non magnétiques 2mm (g) Pourcentage de Micro-déchets magnétiques 2mm Micro-déchets magnétiques 0,5mm (g) Micro- déchets non magnétiques 0,5mm (g) Pourcentage de Micro-déchets magnétiques 0,5mm Pourcentage total de Micro-déchets magnétiques Scorie Charbon 2070 3 40 170 19 15 190 7 13 370 5
Tab.14 : refus de tamis de l’UE 2070. © Benjamin Jagou, - Inrap.
donc difficile de dater précisément la formation de ces déchets et ainsi dater l’activité métallurgique qui les a produits. Par contre il est possible de donner une large fourchette chronologique durant laquelle ces derniers ont pu être produits. En effet, la majorité des rebuts ramassés au sein de ces niveaux de remblaiement portent tous des marqueurs laissés par l’utilisation du charbon minéral. Hors les premières mentions d’utilisation de ce type de combustible pour Condé remonte au 13e siècle11. Ces déchets ont donc pu être produits
entre le 13e et le 18e siècle et ensuite réutilisés pour niveler la place. 6.3.2 Des indices de travaux de forge au charbon de bois à la houille. La faible quantité de rebuts découverte ne permet pas d’apporter une interpré- tation précise sur les activités métallurgiques et leurs organisations détaillées. Les déchets observés sont tous issus du travail de post-réduction et plus par- ticulièrement du travail de forge. Il est difficile de pouvoir apporter de plus amples informations à la fois sur les productions et les méthodes d’élaboration employées. La faible quantité de rebuts de permet pas la mise en place d’une première analyse statistique qui permettrait d’apporter un premier éclairage sur ces problématiques. La présence des traces jaunes de jarosite sur certains culots montre l’emploi du combustible minéral pour alimenter une ou plusieurs forges de la fin du moyen âge. Inversement les restes observés dans le cas de la phase 2 sont tous issus d’un travail de forge au charbon de bois. Ces découvertes sont intéressantes dans la compréhension de la transition entre l’utilisation du charbon de bois et le charbon de terre dans les foyers de forge. La recherche actuelle12 a montré une spécificité régionale quant à l’utilisation ancienne du
combustible fossile. De plus, cette dernière tend à démontrer que Condé sur Escaut est une place centrale dans l’économie du charbon provenant du bassin minier de Mons. Plusieurs diagnostics13 réalisés sur la commune de Condé ont
permis de retrouver des restes de charbon de terre, dont celui réalisé en 2015 sur l’ilot maternité�. Malheureusement ces sites n’ont pas fait l’objet de fouilles archéologiques. On constate donc que la présence du charbon de terre dans la ville de Condé sur Escaut a été de nombreuses fois attestée mais qu’aucune étude approfondie n’a encore été réalisée. La fouille de ce site permettrait peut-être de mieux cerner la période chronologique où le basculement de l’utilisation en forge du charbon de bois vers la houille se réalise.
6.3.3 Perspectives/Moyens
Dans le cadre d’une éventuelle fouille, il est donc important de prévoir la mise en place d’une étude paléométallurgique. Il est indispensable de mettre en place un protocole spécifique de collectage des déchets et de détection des possibles espaces de forge afin de pouvoir aboutir à une étude paléométallur- gique. Pour cela, il est important de procéder à un ramassage exhaustif des déchets métallurgiques mis au jour lors de la fouille et à la mise en place d’un protocole de prélèvement des sédiments qui accompagnent la mise au jour des différents vestiges sidérurgiques. Ces derniers permettront de déceler ou non la présence de micro-déchets magnétiques et plus particulièrement la présence de battitures qui sont les seuls réels marqueurs d’une activité de travail du fer sur un site archéologique. Pour finir, la présence d’un spécialiste lors de la fouille est également indispensable afin de pouvoir coordonner l’ensemble de ces collectages et mettre en place une première réflexion sur l’activité de martelage du fer lors de la phase de terrain.
11. Espinas 1913 12. Jagou en cours 13. Henton 2010 et 2014
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