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Partie 1 – Historique des méthodologies de l'enseignement des

1.4. La méthodologie directe

1.4.1. Présentation générale

La méthodologie directe apparait au tout début du XXe siècle. Cette méthodologie s’inscrit dans un contexte socio-économique et culturel européen marqué par une forte croissance des échanges économiques, culturels et touristiques. Selon Puren elle doit son émergence à « un accroissement plus rapide encore qu’auparavant de la demande sociale d’enseignement des langues vivantes étrangères » (Puren, 1988, p 95). En fait, elle est née des nouveaux besoins de son époque où l’enseignement des langues cesse d’être un instrument de culture littéraire « mais d’abord un outil de communication au service du développement des échanges économiques, politiques, culturels et touristiques qui s’accélèrent en ce début de XXe siècle. » (Puren, 1988, p 95)

Ainsi deux facteurs majeurs ont donné naissance à cette méthodologie : le premier est une réaction contre la méthodologie traditionnelle qui dominait depuis

deux siècles et le deuxième est l’évolution externe socio-politique qui produit de nouveaux besoins et de nouvelles attentes sociales auxquels doit répondre l’enseignement des langues vivantes étrangères.

A la fin du XIXe siècle, la psychologie élargit son champ d’étude à l’enfant et fournit à la méthodologie directe une psychologie de l’apprentissage qui conçoit l’apprenant comme actif. Le principe de cette méthodologie directe rejoint celui de l’approche dite naturelle basée sur l’observation de l’apprentissage de la langue maternelle par l’enfant. Comme l’analyse Puren (1988, p 100), la méthodologie directe rend l’apprenant complètement actif dans son apprentissage : « Toutes ces techniques et méthodes visent à favoriser dans l’enseignement scolaire cette activité personnelle de l’élève que toutes les disciplines scolaire depuis le réforme de 1890 appelait déjà constamment à solliciter et à développer. Les raisons de cette nouvelle orientation fondamentale de l’éducation sont à la fois :

- Idéologique : l’élève formé par la méthode active, pensant et agissant par lui-même, prépare le citoyen idéal de la république démocratique.

- Economique : cet élève pourra être plus tard l’agent économique exigé par un état moderne et puissant.

- Militaire : l’idée de revanche contre l’Allemagne est devenue à l’époque une véritable obsession collective. » Puren (1988 : 100)

La méthodologie directe s’impose dans le système scolaire français à partir de 1901. On note en effet que l’expression de méthode directe apparaît pour la première fois dans la directive de l’institution publique du 15 novembre 1901 (Puren, 1988, p 94). C’est l’Allemagne qui a influencé théoriquement et politiquement l’implantation de cette nouvelle méthodologie en France. Elle est désignée comme

réforme", la méthode "phonétique" ou la méthode "intuitive", car c’est le principe

"directe" qui est le noyau de cette nouvelle approche.

Cette méthodologie directe envisage l’enseignement des langues sans passer par les langues maternelles. Cela marque une rupture complète avec les éléments fondamentaux qui constituent la méthodologie traditionnelle, à savoir : l’usage de la langue maternelle, l’usage des documents pédagogiques sous forme écrite, l’usage et l’exploitation de la grammaire. Puren explique cela de la façon suivante : « ce principe directe ne se réfère pas seulement dans l’esprit de ses promoteurs à un enseignement des mots étrangers sans passer par l’intermédiaire de leurs équivalents français, mais aussi à celui de la langue orale sans passer par l’intermédiaire de la langue écrite, et à celui de la grammaire étrangère sans passer par l’intermédiaire de la règle explicitée. » (Puren, 1988, p 95.)

Cette méthodologie exige l’application des trois approches essentielles : directe, méthode active et orale. Elle nécessite également l’intégration d’autres approches telles que l’approche interrogative, intuitive, imitative et répétitive. Ainsi en terme d’objectif de cette méthodologie on retrouve les trois objectifs fondamentaux da la méthodologie traditionnelle : objectif formatif, culturel et linguistique. Néanmoins ces objectifs sont interprétés d’une manière différente au sein de cette méthodologie.

L’objectif traditionnel conçoit une maîtrise de la langue cible mais pas seulement, il envisage également la maîtrise de la langue maternelle. L’objectif culturel cherche l’enrichissement de la culture du pays de la langue cible mais aussi de celle de la langue maternelle à fin de donner à l’apprenant une culture humaniste.

L’objectif formatif a pour but de « créer des tendances. Des habitudes et des facultés d’espèce supérieure. » (Puren, 1988, p 189.)

Dans la méthodologie directe, centrée sur l’oral, l’objectif pratique est mis en avant et considéré comme prioritaire. Cependant les autres objectifs en sont indissociables. L’instruction de 1908 précise de manière claire la complémentarité de ces objectifs et de leurs relations internes réciproque :

- L’objectif culturel : l’enseignement de la littérature aura donc ses racines dans l’étude de la langue ; il s’en nourrira et viendra à son tour la féconder ; les deux disciplines ne seront jamais séparées, mais se fortifieront l’une l’autre, car une œuvre littéraire ne peut être pleinement appréciée que dans et par la langue où elle est écrite.

- L’objectif formatif : C’est à l’acquisition de la langue que tout doit être subordonné, c’est pour l’apprendre à l’élève qu’on développera son esprit et non pour développer son esprit qu’on la lui apprendra ; ou plutôt les deux opérations se confondent, ne sont que les deux faces d’une même réalité ; (Puren, 1988, p 188-189)

1.4.2. Les textes littéraires dans la méthodologie directe

Nous pouvons ainsi constater que l’utilisation des textes littéraires dans l’enseignement des langues étrangères et vivantes perdure avec cette méthodologie, la différence intervient dans la manière d’exploiter ces textes et dans la conception de la littérature comme étant liée à la culture étrangère. L’apprentissage ne consiste plus à apprendre la langue étrangère en tant que moyen d’accès à la littérature de la langue cible, comme c’était le cas dans la méthodologie traditionnelle. Avec la méthodologie directe, on apprend la littérature de la langue cible pour mieux maîtriser cette langue et s’imprégner de sa culture. Toutefois, on note aussi que la littérature n’est plus l'unique représentation de la culture d’une langue étrangère. En

également l’étude d'autres valeurs culturelles telles que le mode de vie au quotidien des natifs de L2 aussi bien que la géographie et l’histoire.

Nous découvrons dès le début de la méthodologie directe une évolution vers une large ouverture méthodologique et thématique considérant la littérature comme « la manifestation essentielle de la vie des peuples. » (Puren, 1988, p 180). La méthodologie directe permet donc toujours une approche culturelle de la vie et de l’environnement de la langue cible à travers les textes littéraires. Mais elle propose également des activités plus variées comme des explications de texte, des lectures collectives, des exposés, des résumés de lecture individuels ou des discussions.

Ainsi les textes littéraires au sein de cette méthodologie directe sont considérés comme nécessaires dans la pratique en tant que supports à la fois linguistiques, littéraires et culturels.

Cette méthodologie directe, qui a dominé durant les deux premières décennies du XXe siècle, a finalement connu son échec après la première guerre mondiale du fait de ses difficultés d’application pratique. Toutefois, ses principes essentiels restent dominants des années 1920 jusqu’aux années 1960 sous le nom de méthode active ou mixte, ou toujours de méthode directe.

Selon Christian Puren, malgré ses limites du point de vue historique « l’apport de la méthodologie directe (….) est à proprement parlé colossal. » Car elle « est parvenue en une dizaine d’années à se construire en un ensemble à la fois très complet et très cohérent sur lequel les méthodologies suivantes, jusqu’à nos jours, ne pourront qu’opérer des choix, des modifications et des variations limitées. » (Puren, 1988, p 201)