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Partie 1 – Historique des méthodologies de l'enseignement des

1.7. La méthodologie Audio-Visuelle ou Structuro-Globale

1.7.1. Présentation générale

Après la deuxième guerre mondiale la France ressent plus que jamais la nécessité de rénover l’enseignement des langues vivantes et étrangères, plus spécialement, l’enseignement du Français Langue Etrangère. Ce contexte politique dans lequel la France cherche à diffuser sa langue de la manière la plus efficace possible hors de l’hexagone, invite à établir un domaine autonome de recherche en didactique de Français Langue Etrangère en coopération avec l’éducation nationale.

La linguistique sera en France comme l’était aux Etats-Unis le principal facteur de changement. Suite à une recommandation de la Commission de la République française pour l’Education, la Science et la Culture, une équipe de linguistes sous la direction de George Gougenheim, Paul Rivenc réalise le « Français Fondamental » dans le centre d’études de français élémentaire fondé en 1951 dans ce but.

Ce centre deviendra l’actuel CREDIF (Centre De Recherche et d’Etude pour la Diffusion du français). Depuis, plusieurs centres de recherche et bureau d’étude officiels voient le jour. En 1959, le BEL (Bureau d’Etude et de liaison pour l’enseignement du français dans le monde) qui deviendra le BELC (Bureau pour l’enseignement de la Langue et de la civilisation française à l’étranger), puis en 1961 l’organisme universitaire le CLAB (centre de linguistique appliquée de Besançon) est

fondé par Bernard Quemada suivi en 1964 par L’AILA (Association Internationale de Linguistique Appliquée).

L’enseignement des langues étrangères, mais surtout du Français Langue Etrangère, s’est donc développé d’une manière particulièrement dynamique et innovatrice surtout dans les textes officiels. Cela a conduit à une abondance dans les matériels pédagogiques. Ainsi, on considère souvent que la naissance de la didactique des langues étrangères en tant que telle date de la première génération de la méthodologie audio-visuelle.

Cette méthodologie audio-visuelle s’appuie essentiellement sur trois théories de références à savoir, le structuralisme, le distributionnalisme et le béhaviorisme.

Cependant, elle est moins radicale vis-à-vis de son adhésion à ces théories. Les tenants américains de la méthode audio-orale pensaient que l’apprentissage d’une langue étrangère ne nécessite pas la compréhension. En revanche, pour la méthodologie audio-visuelle / structuro globale, la compréhension était indispensable, bien qu’elle reste subordonnée à l’audition. En outre, contrairement à certaines conceptions américaines, il ne fallait pas se contenter de présenter en désordre des structures phonétiques, mais il importait préalablement de les organiser. En effet, cela se pressent dans la propre terminologie « structuro globale

»: la méthodologie SGAV se veut structuraliste au sens où les sons de la langue sont organisés en un système et leur enseignement ne peut se faire que par référence à ce système. Elle se veut également globale au sens où l’acte de communication oral est complexe autant sur le plan de la production que sur celui de la réception. Toute méthodologie doit, autant que faire se peut, reconnaître cette globalité sous peine de dénaturer l’acte de la parole et de supprimer toute spontanéité.

Désormais l’apprentissage d’une langue étrangère se fait dans l’unique objectif de communiquer dans cette langue. Ce phénomène est très explicite dès la conception des premiers manuels issus de la première génération de la méthodologie audio-visuelle (comme par exemple « Voix et Image de France », publié en 1960, par CREDIF). Voilà comment la première approche communicative voit le jour au sein de la didactique des langues étrangères en France. Cela a conduit également à l’élaboration du Français Fondamental, et comme contenu d’un cours de Français langue étrangère. Le but étant que les apprenants étrangers du Français arrivent à communiquer dans la langue dès le tout début de leur apprentissage, même si cela reste de l’ordre d’une conversation élémentaire. Le Français Fondamental consiste en un lexique usuel, parlé par la majorité des Français et considéré comme une première étape nécessaire pour établir une conversation de base. Il devient ensuite une base fondamentale de la méthodologie structuro-globale audio-visuelle.

Selon Christian Puren, la cohérence de cette méthodologie, qui est dominante en France dans les années 1960 et 1970, est construite autour de l’utilisation conjointe de l’image et du son. (1988, p 284). L’élaboration de cette méthodologie coïncide avec une évolution technologique qui marque cette époque. L’influence de la méthodologie audio-orale américaine dans ce sens est décisive puisqu’elle a contribué à placer l’usage des moyens technologiques à la fois sonore et visuelle au centre des nouvelles orientations méthodologiques. Mais en France, cela n'est pas allé jusqu’à l’imitation et l’importation. Malgré cette influence américaine, la méthodologie audio-visuelle française « est de toute évidence originale –plus originale même que la méthodologie directe française ». (Puren, 1988, p 287).

Dans cette méthodologie les unités pédagogiques sont construites sur la base d’un dialogue accompagné de documents non linguistiques, tels que des images et du son, susceptibles d’aider les apprenants à deviner intuitivement le sens du vocabulaire, voir même les règles grammaticales en évitant l’utilisation de la langue maternelle dans l’explication de la grammaire. Il faut, néanmoins noter que dans son approche interrogative et intuitive, elle exclut tout recours aux explications grammaticales. Sur ce point elle se rapproche beaucoup plus de la méthodologie audio-orale que de la méthodologie directe. Son approche consiste ainsi à procéder par la méthode interrogative en suivant le schéma question-réponse d’une manière systématique. Ses supports sont audio-visuels et ses activités sont d’ordre imitatif et répétitif principalement. Ces activités, fortement influencées par la méthodologie orale, sont indispensables dans la méthodologie structuro-globale audio-visuelle. C’est à travers la pratique de ces activités qu’une grande partie da la langue est acquise. Comme par exemple procéder par l’imitation pour corriger les problèmes d’ordre phonétiques. Malgré cette influence de la méthodologie audio-orale sur la méthodologie audio-visuelle, une différence fondamentale les sépare ces deux approches. La méthodologie audio visuelle structuro globale française, contrairement au structuralisme-béhaviorisme américain, adhère à une théorie de la signification et de la compréhension en contexte de communication orale. Elle se focalise, en effet, sur l’acquisition des capacités communicationnelles sociales interindividuelles.

Il faut souligner que cette méthodologie audio-visuelle, contrairement à la méthodologie directe, a connu une évolution interne permanente. Depuis son début qui remonte à la fin des années 1950, cette méthodologie a dominé le domaine de la didactique des langues sans cesser d’évoluer. Selon Puren cette évaluation critique permanente tient à deux facteurs didactiques : le premier facteur correspond à « la

précocité et la permanence de cette évolution critique de la méthodologie audio-visuelle ». (Puren, 1988, p 351). Le sentiment d’insatisfaction était très rapidement exprimé par ses praticiens eux même. Le deuxième facteur «c’est qu’il n’est pas apparue de méthodologie alternative ; ce qui oblige en quelque sorte la méthodologie audio visuelle à s’adapter en intégrant les évolutions didactiques» (Puren, 1988, p 353), qui sont d’ailleurs nombreuses.

La première génération de cette méthodologie reçoit des critiques de la part de la deuxième et troisième génération. Les dialogues trop conventionnels et les images souvent trop schismatiques sont accusés d’être à la base de la dégradation de la motivation chez les apprenants. En effet, après une première phase de l’apprentissage où les apprenants éprouvent un grand enthousiaste, leur motivation commence à baisser progressivement. L’autre critique concerne les besoins langagiers des apprenants. La méthode audio-visuelle basée initialement sur « le français fondamental », ne prend pas suffisamment en compte les besoins des apprenants et leurs objectifs. Cela limite son efficacité au niveau de la motivation des apprenants et ceci implique, bien évidement, des résultats insatisfaisants. D’où l’importance du pragmatisme et de la sociolinguistique en didactique dans les années 1970 et 1980, et de la mise à jour de l’approche « notionnelle-fonctionnelle » de la troisième génération. A partir de l’analyse des besoins langagiers des apprenants, la méthodologie audio-visuelle introduit le contenu linguistique en termes de notions et d’actes de parole. C’est dans cette perspective que s’opère le Niveau-Seuil, dans le cadre du projet du Conseil de l’Europe.

1.7.2. Les textes littéraires dans la méthode audio-visuelle

Les textes littéraires dans la méthodologie audio-visuelle, sont complètement chassés et mis à l’écart. Ils sont considérés comme un mauvais choix pédagogique, surtout au début.

Les textes écrits, et plus particulièrement littéraires, sont estimés comme contreproductif et peut être même dangereux. « Mettre, au début, le texte sous les yeux de l’étudiant, ce n’est pas l’aider, mais le placer au contraire devant une masse énorme de difficultés insurmontables à ce moment-là » (Germain, 1993, p 154). Ainsi ce genre de texte disparaît de la méthodologie audio-visuelle pendant deux générations, étant considéré comme une mauvaise tradition à éviter. Après une longue période de boycottage des textes littéraires en tant que supports pédagogiques en didactique des langues, ils reviennent à partir de la fin des années 1970 et font l’objet de recherches en didactiques des langues en tant que « documents authentiques ».

L’exploitation des « documents authentiques » d’un type spécifique n’était pas un concept complètement nouveau, ils étaient déjà reconnus dans la méthodologie directe. Cela vient de l’importance d’accomplir les trois objectifs fondamentaux de cette méthodologie. Surtout pour les apprenants de niveau 2 qui ont déjà plus ou moins acquis le Français Fondamental, « la pratique de structures plus complexes et plus délicates que les mécanismes de base, la compréhension de la production d’énoncés plus longs ou de registres plus variés que ceux qui sont proposés aux débutants, l’approche de textes littéraires, la découverte réflexive d’un contenu de civilisation sont autant de domaine que les méthodes nouvelles n’ont abordé qu’avec prudence et lenteur ». (Coste, cité par Puren, 1988, p 365)

La progression linguistique exige des compétences plus complexes, d’où la nécessité de l’usage des textes qui relèvent d’un certain niveau linguistique. Il faut également intégrer des éléments extra-linguistiques afin de motiver les apprenants d’une manière constante, en leur donnant de nouveaux intérêts dans l’apprentissage d’une langue étrangère. La langue ne reste plus un objet en soit mais devient la clef pour accéder à d’autres connaissances plus profondes et plus spirituelles concernant la culture des peuples dont ils étudient la langue. De cette manière les objectifs culturels et formatifs laissés de côté pendant un temps, sont révélés indispensable, et pour ce genre d’objectif il est devenu nécessaire d’utiliser des documents authentiques et variés comme des «Poèmes, morceaux choisis littéraires, des articles de journaux, publicités, photos, affiches, enregistrements radiophoniques, etc. » (Puren, 1988, p 367)

En acceptant les changements et modifications autant sur le plan théorique que pratique tout au long de son existence, la méthodologie audio-visuelle se retrouve à la fin de sa troisième génération très loin et différente de son identité d’origine. Depuis les années 1970 la didactique des langues vivantes et étrangères tente de s’orienter vers une pédagogie plus souple et générale : « on assiste depuis les années 1970 à un très net recentrage de la didactiques des langues vivantes et étrangères sur la pédagogie générale » (Puren, 1988, p 383). Ainsi une tendance à s’orienter vers une pédagogie éclectique voit le jour en didactique des langues étrangères et vivantes, revendiquant désormais des « approches » plutôt que des « méthodologies ».