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Partie 1 – Historique des méthodologies de l'enseignement des

1.6. La méthodologie Audio-Orale

1.6.1. Présentation générale

Nous avons vu que la méthodologie directe française est apparue en réaction à la méthodologie traditionnelle en s’appuyant sur la théorie de la didactique allemande et sous la pression sociopolitique de l'époque. De son côté, c'est aux Etats-Unis que la méthode audio-orale s’est élaborée, un demi-siècle plus tard, également en réaction à la méthodologie traditionnelle du type grammaire-traduction, dominante de l'autre côté de l'atlantique jusqu’aux années 1940.

L’apparition de cette méthode audio-orale américaine est encore plus liée au contexte historique et politique que celle de la méthodologie directe française.

La première raison de ce besoin d’une nouvelle stratégie didactique des langues étrangères chez les Américains, est leur entrée dans la guerre en 1941, contre le Japon et les puissances de l’Axe. Dès 1942 a été lancé un programme intitulé ASTP (Army Specialised Training Program) dans l’armée américaine. Ce programme avait pour objectif de former dans un délai court un nombre suffisant de militaires possédant une connaissance pratique des langues parlées par les belligérants. Ce programme gigantesque de formation linguistique lancé par l’armé

sera appelé la méthode de l’arme « Army Méthode »1. Pour la conception des manuels utilisés dans cette méthode, l’armé fait appelle aux linguistes, et ce sont les linguistes que seront chargés de l’enseignement accompagnés par des assistants.

L'objectif ici étant de répondre aux exigences particulières de l’armée américaine à l’époque, les contenus linguistiques sont principalement la langue parlée, les supports sont pour la plus part oraux et les schémas méthodiques s’articulent entre les méthodes orale répétitives et imitatives. Et puisque l’on vise à acquérir des compétences de compréhension et d’expression orale, les activités sont principalement d’ordre auditif et d’expression orale.

Ainsi, c’est sur ce modèle de la méthode de l’Armé, et en appliquant les principes de la psychologie béhavioriste de l’apprentissage et de la linguistique distributionnelle (élaborée par Léonard Bloomfield en 1926) que s’élabore la méthodologie audio-orale. Dans les années 1950, des spécialistes en linguistique appliquée comme Lado, Fries, Brooks et d’autres conçoivent les manuels qui vont être utilisés pour l’enseignement des langues aux Etats-Unis.

L’objectif de la méthodologie audio-orale est unique et ne vise que le côté pratique. Ses supports pédagogiques sont principalement oraux, les matériaux techniques sont le laboratoire de langue, le magnétophone, etc. Quant à la théorie, comme nous l’avons déjà signalé, elle est basée fondamentalement sur le béhaviorisme, le structuralisme américain et, la linguistique.

Le behaviorisme en psychologie de l'apprentissage estime que le langage est un des comportements observables au même titre que les autres comportements.

1 Les résultats réels de cette approche, intensive, basée sur la répétition et renforcée par la recréation

Skinner2 déduit de cette conception du langage sa théorie de l’apprentissage que Muller résume de la façon suivante en 1971 : « une langue est un comportement qui peut être acquis au moyen d’un 'conditionnement opérant' semblable au conditionnement employé dans le dressage des animaux » (cité par Puren 1998, p.

301). Selon cette théorie les comportements verbaux sont sous la dépendance d’associations stimulus-réponse renforcées sous l’effet de l’environnement3.

Ainsi, les principes développés sous la méthodologie audio-orale dans les années 1960 désignent la langue comme étant un comportement parlé. Apprendre une langue n’est pas un exercice intellectuel mais, un processus mécanique d’acquisition d’automatismes qui ne consiste pas à apprendre quelque chose mais à faire quelque chose. Cette psychologie du comportement de l’acquisition en association avec le structuralisme linguistique utilise des « exercices structuraux » qui sont des exercices basés sur la théorie du behaviorisme et développés par l’école linguistique de Bloomfield. Ces exercices structuraux sont le centre des activités d’apprentissage dans la méthodologie audio-orale (on peut noter ici que l'on retrouvera ce type d'exercice dans la méthodologie audio-visuelle française, voir paragraphe suivant). Ils consistent en des :

« a) répétitions orales intensives aux fins de mémorisation des phrases-modèles d’introduction des formes linguistiques (pattern sentences) : on retrouve là, à la même, place le procédé mim-mem [mimicry-memorization] que la «méthode de l’armé » appliquait à ses dialogues de base.

2 B.F. Skinner (1904-1990), psychologue américain. Auteur de travaux sur l’apprentissage et les conditionnements opérant, il a développé un courant radical et autonome au sein du behaviorisme. Il a publié The Behavior of or ganismes en 1938pour présenté le formule et le méthode behavioriste basé

b) manipulations orales intensives aux fins d’ 'automatisation' des structures dans les exercices structuraux ». (PUREN, 1988, p 302)

Le but des activités proposées aux apprenants par cette méthodologie est de renforcer et de fixer systématiquement les mécanismes de la langue d’une manière intensive. En somme, l’apprentissage d’une langue étrangère dans cette méthodologie est considéré comme l’acquisition, non réfléchie, d’un ensemble d’automatismes et d’habitudes par les processus d’imitation, répétition sous forme de dialogues de structures ou d’énoncé-modèles en utilisant des exercices structuraux et le laboratoire de langue.

Cette méthodologie audio-orale sous sa forme canonique n’a pas vécu plus longtemps que la méthodologie directe française. Après la motivation et l’enthousiasme du début, la déception fut très importante au bout de quelques années. Tout d’abord parce que l’approche fondée sur la mémorisation et la répétition de texte, à travers des exercices structuraux, sans en comprendre le sens démotivent les apprenants. Ensuite, ces stratégies d’enseignement-apprentissage dépourvues de toute progression logique et ordonnée, qui se résument à une sélection lexicale très limitée, rendent la progression de l’apprentissage difficile voir impossible. Les résultats des apprenants, même au niveau de la compréhension et de l’expression orale, n’étaient pas satisfaisants. Puis sont venus s'ajouter à ces constats, les travaux de Chomsky qui remettent en cause les théories de références de la méthodologie audio-orale. En effet, Porquier explique en 1977 le point de vue de Chomsky en écrivant qu'apprendre une langue ne signifie pas l’acquisition d’ "un simple système d’habitudes qui seraient contrôlées par des stimulus de

l’environnement", mais d' "un système de règle qui permet de produire des énoncés nouveaux et de comprendre des énoncés nouveaux". (cité par Puren, 1988, p 308).

Cette remise en cause du béhaviorisme est confirmée par de nombreuses recherches en psycholinguistique. Ces constats et nouvelles théories ont donné lieu à des critiques fondées : ces critiques concernent d’une part le noyau dur de la méthodologie audio-orale et contestent que la simple imitation et répétition augmente la capacité à produire des énoncés nouveaux. D’autre part, elles concernent le principe même de la lente progression par étape et du montage des automatismes dans les exercices structuraux. Sur ce point, Roulet indique en 1972 que « rien ne permet d’affirmer que le système de règles élaboré par le linguiste constitue non seulement une description de la langue, mais aussi une représentation des processus cognitifs qui interviennent dans l’acquisition et dans l’usage de la langue » (cité par Puren, 1988, 308).

Malgré les résultats assez décevants de cette méthodologie audio-orale, elle a tout de même largement influencé l’enseignement des langues étrangères et vivantes en France. Nous constatons cela par une simple observation des exercices structuraux diffusés massivement entre 1960 et 1970, dans l’enseignement scolaire et l’enseignement du FLE (français langue étrangère). Puren estime qu'il y avait des similitudes entre la méthodologie audio orale et la méthode directe en française, telle que par exemple la coexistence de l’approche orale, imitative et répétitive. C’est grâce à ces similitudes avec la méthodologie directe française, que la méthodologie audio-orale a été adapté en France. De plus, outre l’influence de la linguistique appliquée américaine, H. Besse estime en 1985 que « l’influence qu’a eue la méthodologie audio-orale en France […] paraît essentiellement liée à des facteurs

conçue par des universitaires américains, appliquant les ‘lois’ de la science, l’expérience d’une armé victorieuse et faisant appel à la technique la plus avancée ?

» (cité par Puren, 1988, 314).

Néanmoins, La méthodologie audio-orale n’a pas été réellement importée telle quelle en France mais plutôt transplantée sous la forme de la méthodologie audio-visuelle dans les années 1960 (voir paragraphe suivant).

1.6.2. Les textes littéraires dans la méthodologie audio-orale

Dans la méthodologie audio-orale les textes littéraires disparaissent complètement. En effet, cette méthodologie ne conçoit pas d’approche particulière concernant l’acquisition de compétences telles que la compréhension et l’expression écrite. Les documents authentiques y compris les textes littéraires sont totalement absents. Jacques Tallot décrit ainsi en 1959 l’approche des textes littéraires dans la deuxième année de la méthodologie audio-orale : « simultanément, selon une tactique qui tient plus du parachutage que de la progression graduée, les élèves lisent des textes de Maupassant et La Fontaine en même temps que le manuel ».

(cité par Puren, 1988, p 306).

Cependant, on doit noter tout de même que des composantes culturelles sont étrangement prises en compte puisque les fondateurs de cette méthodologie considèrent qu’à travers de simples observations et comparaisons des comportements de différentes personnes, les apprenants arriveraient à cerner la culture. Rivers indique ainsi en 1964 que « la comparaison de la façon dont les gens jouent ou nagent serait très révélatrice de la culture des divers groupes » (cité par Germain, 1993, p 143).

1.7. La méthodologie Audio-Visuelle ou