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Arguments contre l’utilisation des textes littéraires en classe de langue

De nombreux enseignants soulèvent des arguments en défaveur de l’intégration des textes littéraires en classe de langue étrangère et évoquent les problèmes qui peuvent survenir dans ce contexte.

On peut tenter de classer ces opposants à l'utilisation des textes littéraires en plusieurs catégories :

- Une première catégorie correspondrait à ceux qui pensent que l’apprentissage des langues étrangères n'a, à l’heure actuelle, qu'un seul objectif, celui de la communication. Pour eux, le texte littéraire n’est pas adapté.

- Une deuxième catégorie comprendrait ceux qui avancent que les textes littéraires sont forcément très complexes et difficiles. Selon ces auteurs, les textes littéraires ne sont adaptés que pour les niveaux avancés ou très avancés.

- Il y aurait enfin une troisième catégorie comprenant ceux qui appellent à la prudence : pour eux il est envisageable d’exploiter un texte littéraire en classe de langue étrangère mais les précautions à prendre sont nombreuses concernant le

Nous détaillons maintenant les arguments couramment avancés contre un usage de la littérature en classe de langue étrangère.

2.2.1. Un vocabulaire déconnecté de la réalité actuelle

Un des arguments majeurs avancé par les opposants est que la langue ou l’usage de la langue dans les textes littéraires peut être très particulier et parfois très différent de l’usage général de la langue ou de l’usage de la langue dans d’autres types de textes.

Notamment, le vocabulaire apporté par la plupart des textes littéraires pourrait être déconnecté de la langue des apprenants. “Voices speaking against the inclusion of literature in language courses usually resort to the well-known argument that most literary texts bring vocabulary that is not relevant to language learners and some go to lengths to say that we do not really want twenty-first century English speakers to go around the streets uttering ‘outdated poetic’ language." (Brumfit and Carter, 1986).

Pour ces raisons qui relèvent surtout de la particularité des textes littéraires, beaucoup de didacticiens et d’enseignants concluent à la prudence dont il faut faire preuve quand il s’agit de l’intégration de ce genre de support en classe de langue.

"Lexical appropriacy objections can easily be overcome with the teacher’s careful selection of texts and judicious task designing (Collie and Slater, 1987)”. Ils mettent surtout l’accent sur le travail important de sélection de textes, mais également au niveau de la sélection des activités proposées autour du texte et ainsi au niveau des démarches que les apprenants vont avoir à mettre en œuvre. Les critères de ces

choix dépendent des objectifs pédagogiques, du public et de ses besoins. Le niveau linguistique, le background culturel et les centres d’intérêt des apprenants influencent également ces critères de choix.

2.2.2. Des textes trop complexes

Une classe de langue, comme son nom l’indique, a pour but principal l’acquisition de la langue. Toutes les activités et tous les travaux planifiés et effectués en classe devraient donc tendre vers cet objectif principal.

Le texte littéraire, même si il n'est pas forcément compliqué, est linguistiquement complexe. L’usage de la langue dans ce genre de textes est particulier et fait appel à des compétences de compréhension et d’analyse d’un niveau supérieur, et ce, pas seulement au niveau de la langue. Les textes littéraires sont gorgés de figures de styles, d'images et de références culturelles spécifiques.

Ainsi, la complexité ne se retrouve pas seulement au niveau du vocabulaire, mais également dans l’usage particulier de ce vocabulaire, la construction des phrases et surtout le développement du sens. Face à un texte littéraire, il peut y avoir plusieurs niveaux de compréhension : le premier niveau correspond au sens littéral des phrases, mais bien sûr d'autres niveaux sont présents et comprennent des significations plus symboliques ou qui devront faire appel à des capacités interprétatives. La compréhension en profondeur, l'appréhension de ces différents niveaux exige un niveau de maitrise de la langue avancé ainsi qu'une prise en compte des contextes socioculturel et historique dans lesquels le texte a été produit et, également parfois, de la personnalité de l'auteur. Ces éléments peuvent rendre le

même pour les niveaux avancés. Sandra Mckay dans son article "Literature in the ESL classroom" en 1982 expose cet argument. Elle considère que l’objectif principal de l’enseignement de l'Anglais Langue Seconde (ESL = English Second Language) est la transmission des règles de grammaire et de la structure de la langue. Selon elle, à cause de la complexité de sa structure et de sa façon unique d’utiliser la langue, la littérature n’aide pas forcément à atteindre cet objectif.

2.2.3. Des textes peu adaptés pour l'apprentissage de la grammaire

Par ailleurs, on peut évoquer l'objectif de l'enseignement de la grammaire de la langue étrangère. L'utilisation des textes littéraires dans cet objectif ne respecte pas la nature des textes littéraires. Leur intérêt peut même en être diminué. De plus, encore une fois, la complexité de ce type de support ne semble pas forcément adaptée à ce genre d’exercice.

Une étude exposée dans l’article « l’impact de la littérature dans l’apprentissage grammaticale en FLS ? Par Ambosio et Bourdages en 2009 évalue la relation qu'il pourrait y avoir entre l’exposition des apprenants en classe de langue à la littérature et leur apprentissage de la langue, surtout au niveau des compétences de communication. L’article présente des résultats de groupes de discussion, des commentaires d'apprenants face à l’intégration de textes littéraires, ainsi que la perception de ces apprenants concernant la relation entre ces textes et leur compétence grammaticale. Les auteurs découvrent au terme de leur étude qu’il est difficile d’établir un lien entre l’intégration de la littérature et la progression grammaticale. Leur interprétation est la suivante. Pour eux, l’apprentissage de la

langue repose en grande partie sur l’enseignement de la grammaire et des compétences linguistiques. A ce niveau le texte littéraire présente deux problèmes : a) d’une part il n’est pas adapté pour l’enseignement de la grammaire car complexe et compliqué

b) d’autre part, il n’est pas adapté car il est difficile de l'utiliser pour des objectifs linguistiques sans faire tort à sa littérarité.

2.2.4. Le texte littéraire ne serait pas adapté pour l’approche communicative

L'approche communicative est adoptée par les didacticiens, les concepteurs de manuels et les enseignants à partir des années 1980 (voir partie sur l'historique des méthodologies). Cette approche continue à dominer aujourd’hui en grande partie le paysage de l’apprentissage / enseignement des langues étrangères malgré les directives pédagogiques essayant d’innover, de faire adopter la perspective actionnelle et de prendre en compte les relations entre langue et culture. Cette approche communicative ne favorise pas l'utilisation des textes littéraires.

L'arrivée de la perspective actionnelle et son adoption par le conseil de l’Europe pour les langues n’ont pas encore réussi à concrètement imposer cette approche dans le paysage de la didactique des langues. Cette perspective actionnelle demande du temps, des moyens et des enseignants entrainés. Elle n’a ainsi pas encore réussi à remplacer l’approche communicative. Cette dernière reste en pratique l’approche dominante en classe de langue et dans les manuels même si le discours officiel est parfois un peu différent.

L’approche communicative reste dominante parcequ'elle correspond bien au monde actuel et à l'ère de mondialisation dans laquelle nous sommes. Les apprenants ont besoin de communiquer et vite. Les cours de langue qu’ils soient pour les enfants ou pour les adultes ont pour objectif d’armer les apprenants d'une maitrise d’une ou plusieurs langues et, ainsi, de leur donner le moyen d’être mobile pour pouvoir atteindre leurs objectifs professionnels. En Europe par exemple, le conseil de l’Europe pour les langues œuvre pour rendre la mobilité des citoyens européens plus facile. Dans le monde arabe, les centres de langue pour enfants et adultes fleurissent. Au niveau scolaire, les écoles privés qui privilégient un enseignement des langues dès les bas âges se développent et affichent complet malgré leurs frais élevés. Les écoles publiques et universités changent leurs politiques en matière d’enseignement des langues et font de l’apprentissage de deux langues étrangères une partie intégrante du programme dès le premier cycle.

Pour les transactions économiques, les affaires politiques, les communications médiatiques et toutes sortes de communications par l'intermédiaire de nouvelles technologies tels que les réseaux sociaux, les apprenants ont besoin d’un langage utilitaire, clair et direct. Ils n’ont plus besoin de "belles lettres", ni de prouver qu’ils font partie de l'élite ou des intellectuels parce qu'ils maitriseraient une langue étrangère et seraient ainsi capables de lire des œuvres d'écrivains incontournables.

Ces façons d'être qui régnaient durant les années de la méthodologie traditionnelle (voire partie historique des méthodologies) pendant lesquelles les textes littéraires étaient presque les seuls supports en classe de langue ne sont plus d’actualité.

L'évolution des valeurs a une grande influence sur les besoins et les objectifs d’apprentissage des langues étrangères. Cela ne signifie pas qu’il 'y a plus personne souhaitant apprendre une langue pour lire sa littérature, pour faire de la recherche,

ou même pour des raisons affectives. Mais, nous parlons ici d’une tendance générale découlant des changements historiques, culturels et surtout de raisons économiques, géopolitiques et sociales.

Le texte littéraire ne s’adapte pas vraiment pour ces besoins imposés par la situation économique et politique actuelle. La poésie n’est plus considérée comme une marque de connaissance et elle n’est pas non plus très adaptée à des contextes de communication commerciale, de relations internationales ou politiques. Les

"belles lettres" ont moins leur place dans la société que ne l'avait le latin, le grec ou encore l’arabe à une époque passée. Toutefois, cette époque correspondait aussi à une moindre démocratisation de l'apprentissage des langues étrangères.

2.2.5. Aspect trop subjectif des textes littéraires

Selon certains opposants à l'utilisation des textes littéraires pour l'apprentissage des langues étrangères, le langage serait dans ceux-ci trop distordu par le procédé littéraire. Par ailleurs le contenu même des textes littéraires serait trop subjectif. Les romans, nouvelles et pièces de théâtre sont les fruits de l’imaginaire de leurs auteurs. Ainsi que ce soit pour le langage ou pour le contenu, Brumfit et Carter peuvent dire : "we may wish to benefit from the added interest of literary texts. But we cannot justify such material [literary texts] on the grounds that literature offers pictures of foreign life, or samples of typical excellent language. Both of those claims are based on false theoretical positions." (Brumfit et Carter, 1986, p28). La poésie serait encore plus loin de donner une image fidèle et objective de la vie, de la culture et de la société de celui qui l’a forgée. Enfin s'ajoute encore à cette subjectivité

lecteur va reconstruire le message à partir de sa compréhension basée sur ses connaissances, sa sensibilité et son éducation. Ainsi, le texte littéraire peut paraître à certains trop subjectif pour être utilisé efficacement dans l'enseignement / apprentissage d'une langue étrangère.

Nous souhaitons citer maintenant les arguments en faveur de l’exploitation des textes littéraires pour l'enseignement des langues étrangères.

2.3. Arguments en faveur de l’usage des textes