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organisationnel complexe

Chapitre 5. La méthodologie déployée : une combinaison de méthodes

Pour cette intervention-recherche, différentes méthodes ont été combinées, des observations

in situ, des entretiens ouverts ou semi-directifs, des expérimentations, en s’assurant à l’intérieur de chaque méthode de la validité écologique et de l’explicitation des limites. L’association de ces méthodes qui combinent une approche qualitative et une approche quantitative permet de neutraliser ou réduire les limites inhérentes à toute méthode isolée (Creswell, 2009).

La combinaison séquentielle de différentes méthodes et leurs résultats conduit le chercheur à formuler de nouvelles hypothèses, à choisir et élaborer de nouvelles méthodes, démarche classique utilisée en ergonomie.

Comme nous avons pu le décrire, la spécificité de la modalité de prise en charge en chirurgie ambulatoire est la place accordée au patient. L’activité conjointe se réalise parce qu’il y a coopération entre des professionnels, et entre des professionnels et un non professionnel. Cela nous a amené dans la phase de diagnostic à adapter notre méthodologie en considérant le patient (non-professionnel) comme un acteur dans l’activité et comme une ressource pour comprendre l’activité mise en jeu dans cette relation de service. L’environnement ambulatoire a été alors pensé à partir des personnes auxquelles il s’adresse, c’est-à-dire les patients et leurs proches ainsi que les différents soignants dans les situations concrètes qu’ils vivent quotidiennement. Cette approche suppose de considérer tous les acteurs, tant professionnels que non-professionnels, non seulement en tant que porteurs de besoins individuels particuliers, mais en tant que partenaires engagés dans une tâche commune contribuant aux objectifs de l’interaction, à savoir coproduire la santé.

Les interventions ont été de deux ordres :

- une intervention qualifiée de diagnostic qui a consisté à analyser le fonctionnement du processus de chirurgie ambulatoire toutes spécialités chirurgicales confondues et dans les différentes unités de chirurgie ambulatoire du CHU ;

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- une intervention favorisant et soutenant la conception participative d’une organisation de chirurgie ambulatoire (figure 14). Ce travail de conception réalisé avec des opérateurs appartenant à des équipes multi-métiers du processus ambulatoire, s’est centré sur la spécialité chirurgicale de traumatologie/orthopédie et l’unité de chirurgie ambulatoire de Purpan. Les raisons de ces choix seront exposées dans le chapitre 6, § 1.

Figure 14 : Les différentes étapes de notre intervention

La mise en œuvre du diagnostic et de la conception d’une organisation a nécessité la combinaison de différentes méthodes.

1. Les observations in situ

Une première phase de la recherche était destinée à la familiarisation avec le domaine de la chirurgie ambulatoire. Pour cette première approche, une méthodologie ethnographique a été privilégiée, permettant de décrire l’ensemble du processus ainsi que d’identifier les dérives et dysfonctionnements potentiels à chacune de ses étapes.

ETAPE 1 : Observations ouvertes ETAPE 2 : Entretiens semi-directifs auprès de professionnels et des patients ETAPE 3 : Observations

systématiques de prise en charge de patient en chirurgie ambulatoire dans les

unités de chirurgie ambulatoire

ETAPE 4 : Simulation de cas médicaux concrets ETAPE 5 : Constituer un réservoir de situations d'actions évocables à la demande spécifiques au processus ambulatoire de chirurgie orthopédique ETAPE 6 : Construire une représentation commune de l'activité réelle ETAPE 7 : Analyser collectivement l'existant ETAPE 8 : Décider des objectifs à atteindre ETAPE 9 : Formaliser l'activité future et confronter les solutions Conduire le changement Construire et poser un diagnostic

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1.1. Les observations ouvertes

Les observations ouvertes sur le terrain ont représenté 15 jours répartis dans les 3 unités de chirurgie ambulatoire et ont été couplées à des entretiens informels réalisés lors des observations avec les différents acteurs. Il n’a pas été possible en situation de soin d’enregistrer, ni de filmer. Nous avons donc procédé à la prise de notes pour le recueil des traces de l'activité. L’observation a permis d’expliquer les interactions entre les variables observées (prises d’informations, échanges verbaux …) et les régulations utilisées par les opérateurs, c’est-à-dire : comment ils utilisent et gèrent les contraintes et les ressources d’une donnée situation (en fonction de l’organisation, du système technique, de leurs compétences).

L’analyse des données a visé à éclairer trois points :

- comprendre le fonctionnement des trois unités,

- se familiariser avec l’ensemble des professionnels du processus,

- avoir une vision globale du processus et l’enchainement des étapes.

Observer nécessite d’aller sur le terrain sans influencer la situation de travail (de quelque façon que ce soit), compte tenu du but poursuivi. La coopération des acteurs est indispensable et elle n’est possible que si la présence de l’ergonome n’entraîne pas de risques ou de complications pour eux. Ainsi la " banalisation " ne signifie pas simplement "faire partie des meubles", mais également d’être accepté dans un rôle précis que les acteurs concernés ont correctement identifié d’où la nécessité récurrente d’expliquer ce qui est observé et pourquoi c’est observé.

Pour maintenir un climat de confiance, il est primordial à toutes les étapes de l’étude de : - définir les conditions et les modalités de l’observation (enjeux, destination des

résultats, ne pas gêner les opérateurs…) ;

- garantir l’anonymat et le secret des sources d’informations ; - justifier les types de données recherchées ;

- expliquer le traitement des données dans le but de clarifier en permanence les enjeux liés à l’étude et diminuer de ce fait le risque de rejet.

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1.2. Les observations systématiques

Afin de ne pas se contenter des « représentations » de chacun sur le travail et ses déterminants (Guérin et al., 2007), les observations ouvertes et les entretiens menés ont été complétés par des observations systématiques au sein des différentes équipes multi-métiers intervenant dans le processus chirurgie ambulatoire. Les observations ouvertes ont permis de recueillir des informations utiles pour préparer une grille d’observation systématique et choisir les moments d’observation propices au recueil des données.

Deux campagnes d’observations ont eu lieu :

- Une première campagne ciblée sur les étapes qui concernaient le jour de l’intervention chirurgicale : de l’accueil du patient dans l’unité de chirurgie ambulatoire jusqu’à sa sortie. Nous nous sommes intéressés à la prise en charge des patients sous cette modalité de façon globale sans tenir compte de la spécialité chirurgicale.

- Une seconde campagne ciblée sur les trois phases du processus de chirurgie ambulatoire, spécifique à une spécialité chirurgicale : la chirurgie traumato/orthopédique. Cette seconde campagne a été menée après la formalisation du diagnostic car, suite aux résultats exposés aux chefs de projet, la démarche de conception de l’organisation s’est centrée sur cette spécialité. Nous avions alors besoin d’acquérir une connaissance plus approfondie du processus de chirurgie ambulatoire en traumato/orthopédie et construire un réservoir de situations évocables lors des interactions avec les participants engagés dans le travail de construction du processus réel.

Concernant le déroulement de ces observations, l’activité des opérateurs a été observée pendant son cours naturel et il a été demandé à chaque opérateur de verbaliser simultanément ou a posteriori ce qu’il était en train de réaliser dans son activité, la verbalisation simultanée n’étant pas possible dans les phases où le patient était présent. L’objectif était de relever les différents observables et, plus largement, d’accéder aux ressources cognitives des individus, à leur raisonnement et aux stratégies mises en œuvre dans l’activité.

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1.2.1. La première phase d’observation

Les observations se sont déroulées au sein des unités de chirurgie ambulatoire et ont été complétées par le suivi du parcours de patient le jour de l’intervention. Les phases d’observations ont pu être couplées à un enregistrement dès lors qu’il n’y avait pas d’interaction avec le patient mais des interactions professionnel-professionnel.

Il s’agissait de relever différents observables relatifs :

- aux caractéristiques du travail : identifier les modalités d’exécution de la tâche, les outils mobilisés, les documents consultés, les variabilités des situations de soin gérées, les façons de faire, etc. ;

- aux moments de coopération entre les professionnels mais aussi entre les professionnels et les patients ;

- aux différents types de collectif : identifier l’existence d’un collectif-métier, d’un collectif transverse et leurs rôles ;

- aux régulations : l’objectif était d’identifier les mécanismes de régulation mis en place par les opérateurs pour faire le travail.

Au total, 60 heures d’observation ont été réalisées au sein des trois unités de chirurgie ambulatoire ainsi que le suivi de deux patients tout au long de leur journée d’intervention en chirurgie ambulatoire. Dans les unités de chirurgie ambulatoire, la totalité des personnes présentes (infirmière, aide-soignante, secrétaire) ont été observée dans la logique des interactions par rapport à la prise en charge des patients (accueil du patient, préparation du patient, demande de transfert au bloc, gestion du dossier patient) puis dans la logique du travail quotidien de chaque personne (par exemple gestion simultané de plusieurs patients par l’infirmière, préparation des dossiers patient par l’équipe infirmier…).

Pour une meilleure compréhension des interactions et des formes de coopération entre les différentes équipes, le parcours ambulatoire de deux patients a été suivi : le premier patient opéré d’une cataracte et hospitalisé dans l’unité de chirurgie ambulatoire de Purpan, le second patient hospitalisé dans l’unité de chirurgie ambulatoire de Rangueil pour une ablation de broche au poignet.

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L’organisation de ces observations a été complexe : autorisation du patient, autorisation du chirurgien d’assister à l’intervention, autorisation du cadre supérieur de santé du pôle bloc opératoire et des cadres de santé de chaque spécialité chirurgicale, autorisation du cadre supérieur de santé du pôle anesthésie-réanimation et des cadres de chaque salle de surveillance post-interventionnelle, autorisation d’entrée dans la zone sécurisée bloc opératoire…

Au regard de la programmation coordonnée de tous ces éléments et du recueil des données des deux parcours, nous avons estimé que cela était suffisant pour alimenter notre diagnostic. Lors de ces deux séances d’observation, l’ergonome a fait en sorte d’avoir une position neutre (ne pas communiquer avec le patient) et de ne pas interférer dans la situation de travail. Lors de la présentation de l’étude, il avait été signalé au patient qu’il n’y aurait aucune interaction entre l’ergonome et lui mais qu’une séance de débriefing serait réalisée à sa sortie.

La première campagne d’observations a permis de comprendre le fonctionnement général du processus chirurgie ambulatoire et d’y repérer les problèmes les plus fréquents relatifs aux dysfonctionnements humains et organisationnels (Raspaud, 2012). Cela nous a permis d’avoir une connaissance la plus précise possible du travail réel, de la façon dont les personnes sont sollicitées dans le cours de leur activité de travail, et des formes de coûts que cela représente pour elles. La combinaison des données recueillies au cours des observations ouvertes et systématiques et des entretiens a permis d’élaborer un diagnostic de la situation de travail.

1.2.2. La seconde phase d’observation

Elle a servi essentiellement à outiller l’ergonome dans la compréhension des situations de travail pour élaborer une méthodologie de construction collective de l’organisation, centrée sur le processus de chirurgie ambulatoire d’orthopédie. La méthodologie construite a engagé l’ergonome dans une action participative qui cherchait à la fois à favoriser une démarche de conception pour les futurs utilisateurs et avec les futurs utilisateurs (Dugué, Petit et Daniellou, 2010). Concevoir avec les futurs utilisateurs les a engagés dans un processus qui leur permettait d’exprimer ce qu’ils considéraient de la situation actuelle et future, et d’apprendre ainsi sur le fonctionnement de la situation future (Daniellou, 2007). Mais cela signifiait pour l’ergonome, être amené à soutenir des débats et des confrontations ou même à les susciter si spontanément les acteurs ne les génèrent pas. Dans la méthodologie participative et collective

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déployée, les concepteurs étant les utilisateurs, ils avaient (ou ils pensaient avoir) une très bonne connaissance du terrain au moins pour les étapes du processus dans laquelle ils intervenaient. Cela supposait pour l’ergonome d’avoir lui-même une connaissance précise des situations de travail et du système de production dans son fonctionnement quotidien.

Les observations menées se sont portées plus spécifiquement sur la phase amont de l’intervention : de la consultation de chirurgie à la pré-admission du patient dans l’unité de chirurgie ambulatoire, les autres phases ayant déjà été explorées.

La spécialité d’orthopédie possédant deux services distincts sur les sites de Rangueil et de Purpan, le circuit de chacun a été observé. Au total 98 heures d’observations ont été menées. Elles ont été réparties en différentes séquences d’observation :

- prise de rendez-vous téléphonique des patients, - accueil des patients en consultation,

- installation des patients dans un box, - consultation chirurgicale,

- préparation de l’hospitalisation, - consultation d’anesthésie,

- pré-admission dans l’unité de chirurgie ambulatoire.

Ces observations ont permis à l’ergonome d’une part d’acquérir une connaissance fine du travail, d’autre part de se constituer un réservoir de situations dynamiquement évocables à la demande. Ceci sera expliqué dans le paragraphe §4.1 section 4.1.2 du chapitre 5.

2. Des entretiens semi-directifs réalisés auprès des