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2.1 Objectifs et hypothèses

Cette partie analyse dans quelle mesure les dynamiques territoriales participent à l’émergence de maisons de santé. Ce questionnement contient plusieurs questions : quels sont les objectifs des porteurs de projet de maison de santé ? Quels sont les éléments facilitateurs et les freins à la mise en place de projets ? Quelles sont les caractéristiques socio-spatiales des territoires dans lesquels émergent les maisons de santé? Dans quelle mesure les acteurs et leurs interactions influencent l’émergence d’un projet ?

De cette manière, les processus (acteurs, politiques, financements) à l’origine des maisons de santé nécessitent d’être questionnés. Auparavant, il convient de rappeler que plusieurs « types » de maisons de santé coexistent :

- Celles pionnières (avant 2008). Elles sont principalement le fruit d’initiatives locales, peuvent avoir un projet de santé et peuvent bénéficier d’aides au fonctionnement ou à l’accompagnement (FAQSV, FIQCS puis FIR et ENMR), ainsi que d’aides de certaines collectivités territoriales.

- Celles bénéficiant des aides financières de l’État (plan de financement de 250 MSP rurales, politique de la ville, contrats de projets État-Région) ou d’autres acteurs publics. Elles peuvent cumuler des aides financières au fonctionnement ou à l’ingénierie et répondent toutes à un cahier des charges national.

L’hypothèse principale est ici qu’une politique nationale, les maisons de santé, est mise en œuvre différemment selon les territoires en fonction, notamment, de jeux d’acteurs.

L’implantation des maisons de santé dépendra des systèmes territoriaux locaux dans lesquels elles se trouvent ainsi que des systèmes d’acteurs d’autres échelles. A situation spatiale « équivalente », ce seraient les systèmes d’acteurs et leur superposition qui permettraient, ou non, l’émergence d’une maison de santé, mais aussi l’importance du lieu et de son histoire. Ainsi, le rôle des acteurs régionaux ou départementaux n’est pas la même partout.

Les buts poursuivis par les porteurs de projets et les différentes interactions ou non-interactions avec les autres acteurs constituent des jeux d’acteurs. Leurs résultantes participent à la production et l’évolution du territoire, mais aussi à l’émergence, ou non, de maisons de santé.

Pour tester ces hypothèses, des systèmes d’acteurs sont questionnés à différentes échelles géographiques : nationale, régionale, départementale puis locale. Ces systèmes d’acteurs s’imbriquent et interagissent de manière verticale, mais aussi de manière horizontale (au sein de l’échelle locale par exemple).

Ces systèmes d’acteurs sont explorés de deux manières :

- Par des entretiens avec des acteurs clés concernés par la problématique de la démographie médicale et des maisons de santé, ceci au niveau national ;

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- Par des terrains, c’est à dire des visites de maisons de santé et des entretiens avec les acteurs locaux concernés et des « contre-terrains », zones sans maisons de santé. Ces terrains sont réalisés dans deux régions.

Ce chapitre méthodologique est composé de plusieurs temps. En premier lieu, le choix des régions est explicité (2.2), puis celui des terrains (2.3). Ensuite la méthode de sélection des acteurs est détaillée (2.4), puis celle des entretiens réalisés (2.5).

2.2 Le choix des régions d’étude

Mener des terrains dans deux régions consiste à tester l’hypothèse de spécificités régionales dans la mise en place de la politique des maisons de santé18. Dans cette perspective il semble intéressant19 de questionner deux régions opposées en termes de dynamiques de maisons de santé (cf. partie 2). En ce sens, la sélection des régions a tenu compte de plusieurs critères : la structure spatiale, la faisabilité et la dynamique régionale en maisons de santé.

Le degré d’urbanisation permet de sélectionner des régions plus cohérente avec la « ruralité » des maisons de santé et des terrains ciblés. De la sorte, les régions les plus urbaines (Ile de France, Nord- Pas-de-Calais et PACA) sont exclues.

La faisabilité repose sur la possibilité de réaliser les différents types de terrains ciblés. Ceci conduit à prévoir un « taux de non-réponse »20 des acteurs et conduit à éliminer les régions ayant peu de situations « surprenantes » (cf. choix des terrains). Ainsi, la Haute-Normandie, la Picardie, l’Alsace, le Limousin, l’Auvergne, les Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes, l’Aquitaine et le Languedoc-Roussillon sont exclues.

Parmi les régions restantes, il s’agit de sélectionner une région pionnière en maisons de santé (Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine et Rhône-Alpes) et une dans laquelle le dispositif est plus récent (Centre et Midi-Pyrénées). Il semble aussi approprié de choisir deux régions différentes en termes de profils spatiaux (cf. partie 2). Les régions pionnières et le Centre sont caractérisés par un faible écart entre la situation attendue en maison de santé (nombreuses zones fragiles) et celle observée (maillage plus dense). Midi-Pyrénées a un écart plus important conduisant à retenir cette région plutôt que le Centre.

18 Pour tester cela de manière plus approfondie il faudrait mener une étude exhaustive des politiques

régionales pour en comprendre les spécificités. Cette démarche apparaissait ici peu envisageable notamment du fait du temps imparti à cette recherche.

19 Il est supposé que cette démarche apporte plus d’enseignement sur leurs rôles qu’une démarche explorant

deux dynamiques régionales similaires, notamment en ne neutralisant pas un éventuel « effet région ».

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les acteurs que l’on souhaite rencontrés ne sont pas tous disponibles ou ne souhaitent pas tous nous accorder du temps. Il s’agit donc d’anticiper d’éventuels refus.

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Au final, la Lorraine et Midi-Pyrénées apparaissent suffisamment différentes au regard des critères énoncés et constituent ainsi les deux régions choisies pour mener les terrains.

2.3 Le choix des terrains

L’exploration de plusieurs terrains vise à illustrer divers contextes locaux et les réponses mises en place par les acteurs pour faire face aux problèmes d’offre de soins. Des situations différentes sont ciblées afin de voir si les acteurs apparaissent davantage déterminants dans la mise en place de projets de maisons de santé que les seules caractéristiques spatiales des territoires.

Le choix des terrains est guidé par l’hypothèse selon laquelle les maisons de santé sont implantées dans certains espaces aux caractéristiques spatiales définies dans la partie 221. Ainsi, plusieurs étapes se succèdent : la mise en évidence des communes correspondant aux situations à explorer, puis l’étude de la faisabilité des terrains, évaluée selon les réponses des acteurs ciblés.

2.3.1

Méthodologie du choix des communes

L’analyse à différents échelles géographique, réalisée dans la deuxième partie, identifie quatre types de situations :

les espaces supposés propices aux maisons de santé et qui en sont dotés : les « maisons de santé conformes » ;

 les espaces supposés non-propices aux maisons de santé mais dans lesquels il en existe : les « maisons de santé surprenantes » ;

les espaces supposés favorables aux maisons de santé dans lesquels il n'y en a pas : les « terrains contrefactuels» ;

 enfin, les espaces dans lesquels il n’est pas attendu de trouver des maisons de santé et dans lesquels il n’y en a effectivement pas. Ce dernier type ne sera pas exploré.

Chaque situation sera explorée par un terrain dans les deux régions. Les terrains « surprenants », sont doublés avec l’étude de projets de maisons de santé22. Ceci conduit à 4 configurations de terrains explorées dans deux régions, portant ainsi le total à 8 terrains (Figure 10).

Les maisons santé monosites et multisites diffèrent par leur étendue spatiale sur un territoire donné, plus conséquente pour les multisites. Dans un souci de comparabilité, il a été décidé de se concentrer

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Les choix des terrains reposent notamment sur le recensement des maisons de santé de la DGOS de 2013, ainsi que sur les travaux des ARS.

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uniquement sur les maisons de santé monosites. Pour celles-ci, les enjeux en termes de centralité de l’offre de soins et du respect du maillage existant se posent différemment.

Figure 10 - Méthodologie du choix des communes pour les terrains

Situation propice Situation non-propice Échelle intermédiaire Situation propice Situation non-propice Situation propice

Échelle locale Situation

non-propice MSP Absence de MSP MSP Type de terrain A = MSP conforme Type de terrain B = absence de MSP

là où on s’attend à en trouver

Type de terrain C = MSP surprenante

Réalisation : G. Chevillard, 2013 MSP

Échelle régionale Deux profils de régions différentes

Terrain 1 et 5 MSP Terrain 2 et 6 Projet en cours Terrain 3 et 7 Contrefactuel Terrain 4 et 8 MSP

2.3.2

Les terrains choisis

Les terrains choisis en Midi-Pyrénées sont Vic-Fezensac (Gers) pour la maison de santé « conforme », Aspet (Haute-Garonne) pour celle « surprenante », Carbonne (Haute-Garonne) pour le projet « surprenant » et Graulhet (Tarn) pour le « contrefactuel » (Carte 20).

Les terrains choisis en Lorraine sont Damvillers (Meuse) pour la maison de santé « conforme », Vicherey (Vosges) pour celle « surprenante », Metzervisse (Moselle) pour le projet « surprenant » et Stenay (Meuse) pour le « contrefactuel » (Carte 21).

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Carte 21 - Localisation des terrains d'étude en Lorraine

2.4 Les acteurs rencontrés

La littérature sur l’offre de soins en France et les maisons de santé (cf. partie 1), a fait émergé les principales catégories d’acteurs concernées (régulateurs, financeurs, élus, usagers, professionnels). La matrice CAPE (Tableau 5) a été utilisée pour faire ressortir les acteurs internes et externes au territoire du projet de maison de santé, ainsi que leur rôle de régulateurs ou non. La catégorisation des acteurs intervenant dans des projets territoriaux (Gumuchian, 2003), a aussi été utilisée pour faire ressortir les rôles et attentes supposés de différents acteurs locaux (Tableau 6). Ce cadre théorique réalisé en amont, est discuté ensuite puisqu’il a été nourri par les terrains.

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Tableau 5 - La matrice CAPE appliquée aux acteurs concernés par les projets de maisons de santé (Piveteau, 2010)

Acteurs Internes (par rapport au territoire) Externes Régulateurs Porteurs de projet : Professionnels

de santé du projet et/ou élus locaux

État (Datar, SGAR, préfectures), Assurance Maladie, ARS, URPS, Conseil régional et général

Non régulateurs

Usagers, professionnels de santé hors-projet (hôpitaux locaux, pharmacies, autres libéraux de premiers recours)

FFMPS, Ordre des médecins, Association des pharmacies rurales

Associations d’élus ou de collectivités HAS, représentants d’usagers, MSA

Tableau 6 - Les acteurs en situation de type projet (Gumuchian, 2003) : application aux maisons de santé

Leaders Porteurs de projet : élus ou professionnels de santé

Médiateurs à découvrir

Embrayeurs d’actions à découvrir

Participants aux travaux préparatoires

URPS, ARS, élus, professionnels

Habitants Habitants

Opposants ou concurrents Professionnels libéraux vs élus, autres professionnels libéraux du territoire, hôpital local, pharmaciens, élus voisins

Instructeurs de procédures non concernés territorialement

ARS, régions, Datar, Assurance Maladie … Partenaires extérieurs Bureaux d’études, consultants, MSA

La mobilisation de ces deux cadres d’analyse permet ensuite de contextualiser les acteurs les uns par rapport aux autres et de les situer aux différents échelles étudiés (Figure 11).

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Figure 11 - Les acteurs ciblés selon les échelles d'analyse (Réalisation : G. Chevillard, 2013)

Échelle régionale ARS

Conseils régional Représentants

des professionnels de santé SGAR … Échelle locale Maire Intercommunalité Professionnels de santé … Échelle nationale État Assurance Maladie Représentants

des professionnels de santé Représentants d’élus locaux Représentants d’usagers …

Conseil général

Délégation territoriales ARS CDOM …

Échelle départementale

2.5 La méthodologie des entretiens

Les entretiens menés, individuels et semi-directifs23, constituent le principal matériel de cette partie. Un exemple de guide d’entretien est disponible (cf. annexes). La plupart des entretiens ont eu lieu en face en face, au lieu de travail de l’acteur concerné ou au restaurant et étaient retranscrits uniquement par écrit. La durée d’entretien la plus courte était de 45 minutes et la plus longue a dépassé deux heures.

2.6 Conclusion du chapitre

L’analyse des dynamiques territoriales sous-jacentes à l’émergence des maisons de santé est menée à partir d’approches qualitatives mettant en avant les attentes et stratégies de différents acteurs vis- à-vis de ces structures.

Les chapitres suivants présentent les résultats de ces approches en distinguant les acteurs nationaux et le contexte général des terrains étudiés (Chapitre 3), puis les dynamiques territoriales régionales et infrarégionales (Chapitre 4).

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Le choix des entretiens semi-directifs visait à ce que les acteurs aient une certaine liberté dans leur réponse, qui pouvaient également ouvrir de nouvelles pistes non envisagées au départ.

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Chapitre 3 Les dynamiques territoriales des maisons de