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Dans ce mémoire, je priorise la démarche compréhensive afin d’atteindre mes objectifs de recherche. Il faut rappeler que mon objectif général est de comprendre la faible représentation des femmes dans des postes de décision politique en Haïti, à partir des expériences vécues et des points de vue des élues haïtiennes elles-mêmes. De façon plus spécifique, je cherche à saisir à quel point et en quoi ces dernières sentent que leur genre constitue un obstacle à l’accession des femmes aux postes de décision politique. De plus, je souhaite voir dans quelle mesure les femmes haïtiennes qui ont eu accès à des postes de décisions politiques se sentent représenter le groupe des femmes et porter leurs luttes et intérêts spécifiques dans l’arène politique.

Selon Pierre Paillé et Alex Mucchielli (2012 : 40), l’approche compréhensive permet de parvenir à la « formulation d’une synthèse finale, plausible socialement, qui donne une interprétation ‘en compréhension’ de l’ensemble étudié ». Plus précisément, cette démarche permet d’interpréter les données recueillies et d’appréhender le problème de la faible représentation politique des femmes haïtiennes à partir du vécu et de la compréhension des répondantes elles-mêmes, c’est-à-dire à partir du sens que les femmes haïtiennes qui ont eu accès à des postes de décision politique dans le pays donnent à ce phénomène. Par conséquent, j’ai priorisé l’entrevue individuelle semi-dirigée comme technique de collecte de données. Cette technique m’a permis de recueillir la parole de celles qui font partie de la courte liste des femmes ayant eu accès à des postes de décision politique en Haïti afin de comprendre le problème à partir de leur propre vécu et de leurs expériences en politique.

Avant de présenter les outils et la démarche de collecte de données, je ferai un portrait descriptif des participantes à l’étude, en plus d’apporter des précisions quant à l’échantillonnage et au recrutement des participantes. Enfin, j’aborderai les questions liées à l’expérience et aux limites du terrain de recherche effectué.

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3.1. Participantes

Les participantes sont toutes des femmes haïtiennes qui ont eu accès à des postes de pouvoir aux niveaux exécutif et législatif en Haïti. Plus précisément, je fais référence ici aux postes de députée, de sénatrice et de ministre. Pour les postes ministériels, j’ai priorisé le ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes qui a comme mission d’œuvrer en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Il me semblait particulièrement pertinent sur le plan de l’analyse de prendre en compte le vécu des femmes qui ont été à la tête de ce ministère et d’interroger leur « conscience de genre ». Par ailleurs, j’ai priorisé le recrutement de femmes ayant eu accès à des postes de décision entre 2000 à 2019. Cette période inclut notamment le moment où le principe de quota de 30% de femmes à tous les postes de décision a été adopté en Haïti (Le Moniteur, 2012).

La sélection des participantes s’est faite de manière raisonnée, selon les critères suivants :

- Être une femme haïtienne.

- Avoir été dans un poste de décision politique en Haïti, c’est-à-dire avoir été soit ministre à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, soit députée ou sénatrice.

- Avoir été nommée ou élue à ces postes de décision politique durant la période allant de 2000 à 2019.

Le critère voulant que les participantes à l’étude soient des femmes étant ou ayant été des personnalités politiques publiques a rendu le recrutement plus difficile. En effet, l’accès à ces personnalités n’est pas aisé, elles qui ont le souci de préserver leur sécurité et leur vie privée. Pour faciliter ma démarche de recrutement, je me suis donc référée à des intermédiaires qui ont pu m’aider à obtenir les coordonnées de ces femmes et à prendre un premier contact avec elles. Ces intermédiaires sont des personnes qui ont travaillé de loin ou de près avec les répondantes. Ils et elles ont été pour la plupart des membres de leur cabinet quand elles étaient au pouvoir, des proches conseillères ou conseillers, ou encore, des membres de leur parti politique. Après avoir obtenu les coordonnées d’un certain nombre de femmes politiques, j’ai envoyé par courrier électronique une lettre de sollicitation (qui peut être consultée en Annexe III) expliquant en quoi consistait mon projet

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de recherche. Dans cette même lettre, je formulais une demande à participer à une entrevue. De plus, la lettre était accompagnée de l’approbation du comité plurifacultaire d’éthique de l’Université Laval. Suite à une réponse positive de la part des répondantes, je leur envoyais, à des fins de signature, le formulaire de consentement (qui se trouve en Annexe II) dans lequel étaient expliquées les modalités de leur participation à ma recherche. Je prenais ensuite rendez-vous avec elles pour l’entrevue dans un lieu de leur choix.

Cette démarche m’a permis de recruter sept femmes ayant eu accès à des postes de décision politique en Haïti. Parmi les participantes à l’étude, deux sont d’anciennes sénatrices et cinq sont d’anciennes ministres à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes. Le nombre de participantes est relativement peu élevé, mais cela s’explique en partie par le fait que le nombre de femmes en politique est lui-même peu élevé. En effet, à peine une trentaine de femmes ont eu accès à des postes de décision politique en Haïti durant la période allant de 2000 à 2018 (Marino, 2018 ; Dorcé, 2013).

3.2. Entretiens

L’objectif de cette recherche étant de comprendre la faible représentation des femmes haïtiennes dans des postes de décision politique à partir des expériences vécues des élues, j’ai privilégié la technique de l’entretien semi-dirigé afin de recueillir les données soumises à l’analyse. Ainsi j’ai réalisé sept entrevues individuelles d’une durée moyenne de 90 minutes.

Les entretiens se sont déroulés autour des trois grands thèmes suivants : - Le parcours sociopolitique des répondantes ;

- Leur compréhension de la faible représentation des femmes haïtiennes dans des postes de décision politique ;

- Leurs principales réalisations pendant qu’elles étaient en poste.

Les entretiens ont été conduits en français et enregistrés à l’aide d’un magnétophone, facilitant ainsi leur retranscription par la suite. Par ailleurs, puisque ces femmes sont des personnalités politiques publiques, il m’a fallu prendre des mesures spécifiques afin d’assurer leur confidentialité. Ainsi, lors de la retranscription des entrevues, je me suis

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gardée de relater tout élément pouvant contribuer à identifier les répondantes. Par exemple, en plus de donner des prénoms fictifs à mes participantes, je n’ai pas cité les noms des partis politiques, associations et/ou organisations desquels elles sont membres, ni la période à laquelle elles ont été au pouvoir.

Le tableau qui suit est une présentation sommaire des entretiens semi-dirigés effectués dans le cadre de cette recherche. Il donne le nom fictif des répondantes ayant pris part aux entretiens individuels ainsi que la position occupée par ces femmes lorsqu’elles étaient au pouvoir. Il indique également le lieu, la date et la durée de l’entretien.

Tableau I : Tableau sommaire des entretiens semi-dirigés

Nom fictif des participantes

Lieu de l’entretien Date de l’entretien Durée de l’entretien Poste occupé

Antoinette Chez elle 20 novembre 2019 1 heure et 46 secondes Ancienne sénatrice

Mariette Au local de son parti politique

28 novembre 2019 1 heure 23 minutes et 40 secondes

Ancienne sénatrice

Marla Chez elle 29 novembre 2019 1 heure et 56 secondes Ancienne ministre à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes

Vanessa Au bureau de son organisation

05 décembre 2019 1 heure et 30 minutes Ancienne ministre à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes

Valérie Chez elle 14 décembre 2019 1 heure 30 minutes et 30 secondes

Ancienne ministre à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes

Marie-Anne Au bureau de son organisation

16 décembre 2019 1 heure 30 minutes Ancienne ministre à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes

Catherine Chez elle 04 Janvier 2020 1 heure 30 minutes Ancienne ministre à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes

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3.3. Expérience de terrain

Le contexte particulier dans lequel j’ai effectué mon terrain présentait des obstacles qui m’ont empêché d’atteindre pleinement l’objectif de recrutement que je m’étais fixé au départ. En effet, je me suis rendue en Haïti à l’automne 2019, dans un contexte de crise sociopolitique intense pendant laquelle toutes les activités du pays ont été paralysées. Les manifestations de rue se multipliaient pour réclamer le départ du président en place, Jovenel Moïse, et les institutions tant publiques que privées ne fonctionnaient presque pas. De plus, l’insécurité faisait rage partout dans les rues de la capitale du pays, Port-au-Prince, là où se trouvent habituellement les membres de la classe politique. Cette situation d’instabilité a donc rendu très difficile le recrutement et les rencontres avec les répondantes. Par conséquent, alors que j’avais prévu de rencontrer un total de douze femmes, je n’ai finalement pu rencontrer que sept d’entre elles.

Les entrevues que j’ai pu réaliser ont néanmoins été fort enrichissantes. La durée relativement longue de chaque entrevue et la générosité des répondantes m’ont permis d’aller en profondeur et de recueillir des données pertinentes à l’analyse. Malgré le climat de crise, j’ai pu établir assez facilement une relation de confiance avec les répondantes qui étaient contentes de partager leur expérience et leur propre compréhension de la faible représentation des femmes en politique. De plus, malgré sa petite taille, mon échantillon correspond parfaitement au profil de femmes ciblées dans le cadre de ma recherche. Enfin, mon échantillon est tout à fait valable au regard de la démarche compréhensive dans laquelle s’inscrit ma proposition de recherche qui suppose de comprendre et non pas de quantifier le phénomène de la faible représentation des femmes haïtiennes dans des postes de décision dans le pays.

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