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"Le vertige est proche du doute, qui est âme et moteur de la science moderne".

Philippe Laburthe-Tolra, Roger Bastide

ou le réjouissement de l'abîme, 1994

1 - L'ethnologie "endotique" et l'héritage scientifique

Mener une recherche d'ethnologie1 dans son propre pays a posé un certain nombre de problèmes aux ethnologues français. Issue d'une "tradition" différente de celle vécue aux États-Unis (Urban anthropology), l'ethnologie urbaine en France2 n'a réellement débuté qu'à partir des recherches de Jean Monod sur les jeunes des banlieues en 1968, de Colette Pétonnet sur les cités de transit à la même époque, de Jacques Gutwirth sur une communauté hassidique en 1970, ainsi que de Gérard Althabe à la fin des années soixante-dix. A ce titre, je prétends m'inscrire dans la continuité de ces chercheurs, plutôt que du courant de l'école de Chicago, bien que les thèmes classiques de cette dernière soient proches de mon objet d'étude. En effet, les premiers travaux de Nels Anderson sur les Hobos aux États-Unis, en 1923, — qui ont été traduits en Français soixante-dix ans plus tard — n'ont pas eu l'influence qu'on pourrait le croire en France. L'anthropologie urbaine en France a eu ses propres courants de pensée et ses démarches, dans la lignée de Marcel Mauss à André Leroi-Gourhan.

De sorte que l'anthropologie urbaine n'est pas une anthropologie de la ville, mais plutôt une anthropologie "chez soi", ou endotique, car elle s'étend désormais au suburbain, au périurbain, voire au post-urbain. Fondée sur les méthodes de l'ethnologie, dans la lignée de

1 Les termes d'ethnologie ou d'anthropologie sont pour moi interchangeables, comme le fait remarquer Jacques Gutwirth (cf. Gutwirth, 1987 : 1).

Marcel Mauss, cette anthropologie a été calquée sur les thèmes de l'ethnologie classique avec la parenté, les modes de vie, la religion, les activités musicales, etc. Aussi, se pose la nécessité d'un rendu ethnographique, qui donne à cette discipline un caractère "qualitatif" particulier. Aujourd'hui, l'anthropologie urbaine développée au sein du laboratoire du CNRS répond à des attentes et à des centres d'intérêts très divers (cf. Gutwirth, 1987 ; Collectif, 1988). C'est à celle-là que je me réfère.

C'est pourquoi faire de l'ethnologie répond avant tout à une démarche ainsi qu'à une pratique plutôt qu'à un lieu — la ville. Or, ma recherche et les opportunités m'ont conduit de Paris au Puy-en-Velay. Devais-je renoncer à l'appellation d'ethnologie urbaine sous le prétexte que la Haute-Loire est essentiellement un milieu rural ? Non, car si pour "Leroi-Gourhan les villes constituent l'exemple parfait de l'humanisation de l'espace" (Pétonnet, 1987 : 247), alors l'espace social est bien le produit d'une socialisation, rendu possible par la présence et l'activité physique ou affective d'une communauté ou d'un groupe d'individus. En cela, la Haute-Loire est constituée d'espaces sociaux qui ont l'avantage — trompeur — d'avoir une densité moindre que ceux des mégalopoles. L'échelle y est différente, c'est pour cette raison que j'ai tenté de travailler sur l'ensemble du département. Mais après avoir effectué un recensement des accueils de nuit pour les "gens de passage", j'ai recentré mon travail d'observation sur la ville du Puy-en-Velay.

Sur le plan méthodologique, une nécessaire conciliation avec les grands courants anthropologiques s'impose d'elle-même à mesure que progresse la construction de l'objet d'étude et de son outillage théorique. Aborder le versant économique sans Marx, les relations étroites dans un ensemble sans Malinowski, les modèles inconscients sans Lévi-Strauss, ou le fait total social sans Mauss devient impossible. Il faut puiser partout où l'intérêt se fixe.

démarcation face à son objet, et de la nécessaire séparation une fois le terrain effectué. Or, l'objet de ma recherche est parallèlement objet d'enjeux socio-politiques et source anxiogène qu'il m'a fallu contenir. A ce titre, l'aide que m'a apportée la lecture de George Devereux a été indispensable. Car être confronté à la souffrance physique et morale d'une part, et à l'absence d'une intervention efficace — en dehors du discours — d'autre part sont les réalités anxiogènes que je devais affronter. "L'important n'est donc pas de savoir si on utilise la méthodologie aussi comme un moyen de réduire l'angoisse, mais de savoir si on le fait en connaissance de cause, de manière sublimatoire ou, de façon inconsciente, seulement de manière défensive "(Devereux, 1980 : 148). Adopter une "attitude professionnelle" basée sur l'observation et le désir de savoir permet d'utiliser ces méthodes comme un "ataraxique, un artifice atténuant l'angoisse" (ibid. : 147), afin de faire face au mieux aux difficultés relatives au terrain. La tenue de carnets de notes m'a permis de jeter noir sur blanc mes impressions et mes observations qui appartiennent au non-dit de la recherche, mais que j'ai utilisées au cours de la rédaction.

2 - L’observation : participante ou flottante ?

"L'observation participante implique une insertion qui impose nécessairement des normes de comportement hors de nos propres habitudes" (Gutwirth, 1978 : 46). Cette remarque de Jacques Gutwirth témoigne de la distance qui sépare l'ethnologie de Malinowski d'une "ethnologie du monde moderne", pour reprendre le terme de Colette Pétonnet (Pétonnet, 1982 : 37). En premier lieu, il faut s'adapter aux normes. Celles de la pauvreté requiert de s'abstenir de porter tout signe ostentatoire de richesse. Mais cette démarche ne nécessite pas forcément une immersion totale, qui ne m'aurait pas été rendu possible étant donné que l'objet de mon étude ne porte pas sur l'observation d'un groupe particulier, comme ce fut le cas pour Patrick Gaboriau, mais sur l'étude du monde sine domo qui se définit à travers ses institutions

formelles et informelles. Aussi, j'ai tenté une immersion au sein d'une ville.

Par cette méthode, j'ai eu la possibilité de mener des observations là où les sine domo se trouvaient en fonction des moments de la journée, mais également là où ils ne se trouvaient pas. La pertinence de cette démarche est mise en évidence dans l'étude de l'utilisation de l'espace public par les sine domo. Seule, une observation durant leurs absences m'a permis de poser le cadre de référence afin de mesurer l'impact de ces derniers sur l'espace public. J'ai également profité de ces moments pour solliciter les riverains d'entretiens.

Pourtant, les ambitions m'ont poussé à recueillir, à l'échelle d'une ville de vingt-mille habitants, toutes les informations se référant au phénomène étudié. Or, j'ai montré que le concept de sine domo s'entend suivant une acception très large, et qu'à ce titre, mon objet allait de la personne vivant en meublé jusqu'aux "zonards" passant leurs journées sur une place publique. Par conséquent, mes périodes d'observation ont dû suivre une grille plus ou moins précise, faite de hasards et d'opportunités.

Par exemple, la rencontre d'un nouvel arrivant avec qui des affinités venaient rapidement se nouer me mettait dans la situation de devoir lui accorder une attention particulière durant un séjour dont personne, pas même l'intéressé, ne pouvait donner l'issue. Je choisissais donc de passer le plus de temps possible en sa compagnie, en forçant un peu le hasard d'une rencontre dans la ville. A d'autres moments, j'ai été confronté au fait de devoir mener une observation à un endroit, auprès d'un groupe qui venait de se diviser pour aller faire la manche dans une autre rue. J'ai alors essayé d'appliquer, tout en l'adaptant, la méthode de "l'observation flottante" que Colette Pétonnet définit ainsi : "Elle consiste à rester en toute circonstance vacant et disponible, à ne pas mobiliser l'attention sur un objet précis, mais à la laisser “flotter“ afin que les informations la pénètrent sans filtre, sans

apparaissent et que l'on parvienne alors à découvrir des règles sous-jacentes" (Pétonnet, 1982 : 39). C'est ainsi que parfois, j'allais m'installer sur un banc ou sur une place, attendant, observant les allées et venues, repérant certaines pratiques, à partir de cette méthode qu'il me fallait réitérer plusieurs fois dans les endroits différents afin de recouper mes observations et de reformuler des jugements parfois hâtifs.

De mars 1993 à mai 1994, cet exercice m'est devenu quotidien. Entrecoupé de trois poses d'une quinzaine de jours, il m'a permis une immersion totale dans la ville, où j'ai essayé d'apprendre à en connaître chaque rue et recoin, ainsi que les habitudes des sine domo dans leurs pratiques quotidiennes. En moyenne un soir sur trois, je me rendais à l'accueil de nuit d'Emmaüs. A ce titre, j'y ai effectué une observation participante en immersion quasi-totale, comme je le précise dans le chapitre concernant l'étude de cet accueil (cf. infra). Enfin, mes journées au Puy furent entrecoupées par le recueil d'informations sur les locaux d'hébergement du département.

3 - Les sources orales

"Dans un champ urbain aussi vaste et complexe, comportant une observation malgré tout relativement sporadique et dispersée, l'importance d'entretiens approfondis avec les enquêtés devient capitale" (Gutwirth, 1978 : 47). La difficulté à appliquer cette règle au sujet des sine domo tient à leur état même de nomade. Il n'est pas possible d'envisager de poursuivre des entretiens à plusieurs jours d'intervalle et en plusieurs fois. La plupart du temps, tout doit être capté la première fois, car l'informateur privilégié est rare. Mais je m'y étais préparé durant mon terrain parisien.

Ayant recueilli une vingtaine d'entretiens à Paris, en 1992, auprès de jeunes sine domo, dans le cadre d'un accord avec le Bureau d'Aide Sociale de la capitale, j'ai estimé avoir suffisamment de matériaux pour

éviter autant que possible d'avoir recours à l'enregistrement de mes informateurs sur le Puy. J'avais décidé de mener auprès d'eux des entretiens semi-directifs, ou non-directifs au cours de nos journées passées dehors, mais sans magnétophone. Je me suis rendu compte assez vite des trajectoires analogues entre les sine domo de Paris et ceux du Puy. Cela s'est rapidement confirmé lorsque j'ai constaté que la plupart y étaient déjà allés. D'autre part, je n'agissais pas sous couvert d'une institution, et n'avais aucune prise sérieuse sur mes informateurs. Par conséquent, toutes les informations que j'ai recueillies auprès des sine domo au Puy1 ont été notées sur des carnets une fois rentré chez moi, ou derrière une table de bistro.

Par contre, les acteurs sociaux — assistantes sociales, éducateurs, médecins, et autres informateurs — ont été enregistrés, lorsqu'ils ne s'y opposaient pas. La méthode que j'ai utilisée est celle de l'entretien semi-directif, ou les digressions ne sont pas recentrées, car porteuses de sens. Quant au choix des informateurs, il s'est opéré en fonction de l'intérêt qu'ils pouvaient présenter, ainsi que du réseau que je me suis peu à peu constitué. Parmi ceux-ci, il faut remarquer deux absents, qui ont en commun une attache confessionnelle : il s'agit d'une ancienne présidente du Secours Catholique qui était également membre du Conseil général et de la plupart des associations caritatives du Puy, et puis, de Monseigneur l'Évêque qui n'a jamais répondu à mes lettres. Par manque de temps, j'ai fini par abandonner.

4 - Les sources écrites

Au niveau régional, les sources écrites sont consignées principalement dans les trois fonds des Archives départementales, municipales et de la Bibliothèque municipale. Concernant ces dernières, je dois préciser avoir effectué les premiers dépouillements

des cartons non encore inventoriés au moment de ma recherche. Cela m'a convaincu de l'utilité de l'approche historique qui fait la première partie de ma thèse. A cela vient s'ajouter quelques sources inédites que m'ont rapportées des chercheurs et érudits locaux, qui en général, ne portent pas un grand intérêt à l'étude de la pauvreté et du vagabondage dans la région. Je dois mentionner également la présence des archives privées d'institutions dont la consultation m'a parfois été accordée, comme celle, par exemple, du Tribunal. Les associations comme Le Tremplin, n'en ont pas, et celles du Secours Catholique me sont restées inaccessibles.

Cette collecte s'est poursuivie par la lecture d'articles et d'ouvrages portant sur le vagabondage, la pauvreté et la mendicité dans la région. Les principales sources sont celles des historiens Jean-Pierre Gutton, Jean Merley, Auguste Rivet et Ulysse Rouchon — auquel se réfère Arnold Van Gennep — auxquels il faut ajouter quelques travaux de synthèse des psychiatres, disponibles à la bibliothèque de l'hôpital Sainte-Marie. Mais les informations sont éparses et souvent très superficielles, ce qui nécessite la consultation d'une grande quantité. En Haute-Loire, le nombre d'érudits est important, ainsi que celui des bibliothèques privées. Gageons qu'il existe des fonds privés encore inexploités portant sur mon objet d'étude. Parallèlement, j'ai effectué une revue de presse locale depuis 1985, centrée principalement autour du quotidien l'Éveil de la Haute-Loire1 qui détient le monopole de la presse locale. Des tentatives de recoupement dans d'autres journaux m'ont fait constater qu'il s'agissait quelquefois des mêmes articles.

Sur le plan national, les ouvrages sont maintenant connus de tout ceux dont l'intérêt se porte sur la question. La bibliographie témoigne de l'importance des écrits sur le sujet. Les auteurs sont principalement des historiens, des juristes, des médecins ou des sociologues. Il faut également remarquer la présence de journalistes depuis une décennie.

Ainsi, en 1987 paraît l'ouvrage de Jean-Luc Porquet qui annonce un renouveau de l'enquête d'investigation. En 1993, Patrick Gaboriau inaugure quant à lui l'ethnologie des sine domo en France, au moment où l'équipe de Daniel Terrolle rend son rapport au Plan Urbain. L'apport livresque est pluridisciplinaire, ce qui nécessite de chausser une paire de lunettes différentes afin d'approcher chaque discipline. Il reste que la bibliographie s'étoffe chaque année de nouveaux ouvrages. Arbitrairement, j'ai fixé l'arrêt de ma bibliographie à l'année 1995, considérant qu'un ouvrage ou un article publiés ultérieurement y seraient intégrés suivant leurs intérêts.

5 - Les sources statistiques

Dans la mesure du possible, j'ai utilisé l'outil statistique à l'aide de données de première main. C'est le cas pour la période historique qui est traitée avec de nombreuses sources inexploitées disponibles aux Archives municipales et départementales. Les quelques études menées sur le thème de la mendicité ou de la pauvreté ont été réalisées uniquement à l'aide des Archives départementales. De ce point de vue, ma recherche s'inscrit dans la nouveauté. Mais bien souvent, les recoupements nécessaires à l'objectivation des données ne sont pas possibles. Pourtant, je peux les exploiter avec une certaine confiance lorsqu'elles sont produites par les institutions elles-mêmes dans un but de quantification, et non d'intérêt sociopolitique comme il est parfois question. Ainsi, le recueil de données à la source est grandement facilité par la présence de trois fonds qui sont les Archives départementales, les Archives municipales et le fond Cortial disponible au fond ancien de la Bibliothèque municipale. Un seul écueil à ce tableau fut que la Bibliothèque municipale a été fermée pour réfection durant près d'une année, qui a coïncidé avec ma période de terrain, de mars 1993 à mars 1994. Les intercessions de mon directeur auprès de l'adjoint à la culture de la municipalité du Puy-en-Velay n'ont pu aboutir ne serait-ce qu'à la consultation du fichier du fond ancien qui a été

conservé tel quel. Les recoupements ont été principalement effectués à partir des ouvrages à visée régionale de Jean-Pierre Gutton, ou de ceux à visée nationale d'Eugen Weber, ainsi que de quelques articles publiés aux Cahiers de la Haute-Loire, et d'un mémoire de maîtrise d'histoire soutenu à l'Université de Clermont-Ferrand. Enfin, je dois préciser que les fonds des archives n'ont pas été exploités en totalité, dans la mesure où ma recherche devait rapidement aboutir à une étude contemporaine de la situation.

Les hasards de l'enquête m'ont permis d'utiliser un outillage statistique peu prisé des ethnologues, à savoir le différenciateur sémantique. Pourtant, devant l'opportunité, j'ai choisi cet outil par nécessité au cours d'une entrevue avec un groupe de jeunes étudiants qui venaient de terminer une campagne d'assistance auprès des hébergés d'Emmaüs. Je m'en explique dans le chapitre y afférent. Ensuite, j'ai utilisé les données que les institutions produisent régulièrement. Au fil de mon enquête, j'ai été amené à corriger les variations qui y sont présentes, et d'en expliquer la raison. Il s'agit par exemple de tenir compte du rapport entre les nuitées (quantité quotidienne d'hébergés) et celui des accueillis du Centre d'hébergement. C'est-à-dire qu'il m'a fallu retravailler à partir des données disponibles afin d'en dégager d'autres informations, masquées au premier abord. La présence de nombreuses institutions depuis le début des années 1980 permet une lecture historique sur la continuité.

Enfin, j'ai eu recours à l'envoi d'un questionnaire grâce à l'aide de la DDASS qui m'a permis d'apporter une précision jusqu'à présent inexistante dans les recherches sur les populations sine domo, qui consiste à estimer son taux de mortalité. A partir du relevé d'un fichier attestant qu'en 1984 la personne se trouvait en état de sans-domicile-fixe, j'ai recherché sa situation au regard de l'état civil dix ans plus tard. Il apparaît un pourcentage de décès supérieur à celui de la moyenne nationale. D'un traitement statistique simple, cette étude m'a permis de mettre en évidence que le taux de mortalité est plus

important chez les sine domo.

6 - La photographie et la relation à l’autre

L'utilisation de la photographie se pose-t-elle dans un rapport épistémologique particulier au cours de la recherche ? La première fonction de la photographie est de permettre aux chercheurs d'enregistrer des témoignages visuels. A ce titre, il s'agit d'un outil dont Marcel Maget a établi les règles d'utilisation, et que je ne décrirai pas en détail (cf. Maget, 1962). A savoir que, comme en criminologie, la profondeur de champ et la bonne qualité des détails sont des éléments techniques vers quoi il faut tendre. L'évolution de la technologie des émulsions permet aujourd'hui de pouvoir photographier avec des conditions d'éclairage très imparfaites.

Différentes expériences m'ont permis d'avoir recours à la photographie. Par exemple, lors d'observations de type interactionniste1, mais encore afin de témoigner du bâti, des squats, des locaux d'hébergement, et de la vie des "zonards" lorsque cela était possible. Par commodité, j'ai choisi d'insérer les photographies à l'intérieur des chapitres. "Bref, la photographie permet à l'écriture ethnographique (instrumentée ou non) d'éviter les pièges et les illusions de la pensée dogmatique, dont le propre est d'être affirmative, univoque et en quelque sorte monofocalisante" (Laplantine, 1996 : 81). L'utilisation d'un appareil photographique permet de construire une relation différente. J'en ai fait l'expérience.

Au cours de mon enquête, l'appareil photographique est également entré dans la dynamique des échanges réciproques. A un moment, un "zonard" a pris l'appareil et s'en est servi pour prendre le petit groupe que nous étions. Peu après, j'ai offert un tirage à l'un d'eux, et j'ai vu

1 Durant toute une journée j'ai photographié du haut d'un bâtiment une place afin de voir comment les "zonards" utilisaient l'espace. Cette expérience n'a pas été concluante, et je n'ai pas pu la recommencer. Elle ne figure pas dans ma thèse.

bien après que la photographie trônait dans la salle principale et que d'autres "zonards" m'y avaient reconnu. Sans le vouloir, cette photographie avait permis d'être accepté plus rapidement. En 1996, je me suis aperçu que l'ethnologue Pierre Nauton pratiquait de la sorte

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