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CHAPITRE 2 ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.8 Présentation des outils de la méthodologie

2.8.2 Méthodes de lissage

À notre connaissance, le lissage trouve son origine dans les méthodes de traitement de signal sous la dénomination de filtrage (filtering), où le but était de supprimer les interférences encore appelées bruit (fréquences ou sons non désirables). Une image photographique étant le résultat de la projection d’un signal lumineux sur une surface photosensible, des processus de filtrage sous la dénomination de débruitage (denoising) ont été employés dans les techniques de traitement d’images et des résultats de scanners. Le but, cette fois, était de nettoyer les éléments parasites introduits lors du processus de formation de l’image ou du scan. Dès lors, lisser un maillage (mesh smoothing) peut être assimilé à la conception d’un filtre [86] ; le signal à filtrer pouvant être par exemple la variation de la courbure ou de la position locale d’un nœud.

Dépendamment des auteurs, on retrouve le lissage sous les appellations anglaises smoothing, denoising, filtering, fairing. Dans le cadre de son application, le bruit représente l’ensemble des fluctuations qui rendent la surface rugueuse à cause entre autres du dispositif d’acquisition (caméra, processus de scan), de l’environnement de travail (vibrations), de l’approximation par une surface polyédrique pour des raisons notables de calcul ou de la suppression de certains éléments lors du processus d’optimisation topologique.

David Field [87] est l’un des pionniers en ce qui a trait au lissage des maillages. Ce dernier appliqua la méthode itérative du lissage Laplacien sur une triangulation de Delaunay pour améliorer sa qualité tout en conservant au mieux le critère de Delaunay (aucun nœud d’un triangle n’est à l’intérieur du cercle circonscrit d’un des autres triangles). Le lissage Laplacien, essentiellement utilisé pour améliorer la qualité du maillage dans les techniques de raffinement adaptatif, consiste à déplacer les nœuds d’une triangulation vers le barycentre de son voisinage (voir illustration Figure 2-37). Il est appelé lissage Gaussien lorsqu’on tient compte de la position courante du nœud [88].

Figure 2-37 : Illustration du principe du lissage Laplacien.

Du fait de la diminution drastique du volume (voir illustration Figure 2-38b) et de la perte des caractéristiques géométriques ou parties saillantes du modèle (notamment des arêtes vives), Gabriel Taubin [88] fut parmi les premiers à contraindre cette variation volumique. Pour ce faire, il procède à l’application de deux procédures consécutives du lissage Gaussien pour chaque itération, chacune affectée respectivement des facteurs λ et

μ avec (0 < 𝜆 < −𝜇). La première passe du lissage réduit le volume pendant que la deuxième le rétablit (voir illustration Figure 2-38c).

Figure 2-38 : Lissage de maillage : (a) isosurface à facettes, puis lissage (b) Gaussien et (c) Taubin (tirée de Taubin [88]).

La méthode Laplacien a été utilisée par bon nombre de chercheurs principalement en raison de deux atouts majeurs : sa simplicité et sa robustesse. C’est toujours dans le but d’éviter le rétrécissement de l’objet observé après plusieurs itérations que Desbrun et al. [89] ont proposé de pondérer le volume après chaque itération par un coefficient. Ce dernier dépend du volume initial et du volume réduit, et est appliqué après chaque itération afin d’assurer la constance du volume durant le lissage.

Vollmer et al. [90] ont suggéré d’atténuer ce rétrécissement volumique important causé par le Laplacien en ramenant, suivant une certaine distance, les nœuds lissés à leur position précédente. Suivant la même optique, certains ont suggéré de contraindre le volume en gardant inchangés les centroïdes des triangles [91, 92]. D’autres ont suggéré de coupler la conservation du volume avec des opérateurs de conservation de détails géométriques [93, 94], combinant ainsi les avantages des lissages qui conservent et ceux qui ne conservent pas les détails fins, tout en minimisant leurs inconvénients respectifs. Clark et al. [95] ont également proposé de déplacer un nœud vers le barycentre des centroïdes des triangles voisins, pondérés de la distance nœud-centroïde.

Comme mentionné précédemment, le lissage de type Laplacien malgré la bonne qualité des éléments obtenus, provoque une perte d’informations conséquente sur les parties saillantes telles que les arêtes vives de l’objet qui faciliteraient le recouvrement du modèle sous-jacent. C’est pourquoi, afin de détecter puis de préserver le maximum de détails géométriques durant le lissage, certains chercheurs ont assimilé le problème de lissage à un problème de minimisation de l’énergie interne. En fonction des auteurs, l’énergie pouvait être la courbure (exemple du déplacement du nœud suivant la direction normale et à la vitesse de la courbure moyenne discrète effectué par [89]), la variation de la position des nœuds (exemple de la classification des nœuds à partir des valeurs des courbures principales maximale et minimale en utilisant leur valeur de « netteté » ou sharpness locale par [96]), la normale à une face (exemple de l’utilisation de l’angle entre la normale et la normale moyenne à une face qui tient compte du voisinage, pondéré d’une fonction poids dépendante et également du coefficient de netteté local par [97, 98]), le déplacement du nœud suivant la normale (effectué notamment par [99]), ou encore tout autre attribut géométrique du maillage (voir illustration Figure 2-39). Une des difficultés majeures dans cette stratégie réside avant tout dans la différenciation entre un détail géométrique (par exemple, arête saillante à conserver) et le bruit (arête vive à lisser). À cet effet, des valeurs seuils doivent être définies par l’opérateur.

Figure 2-39 : (a) Modèle initial, (b) modèle avec 0,7 % de bruit Gaussien, puis lissage avec la méthode de (c) [96], (d) [99] et (e) [97] (tirée de Chen et al. [97]).

En outre, comme l’illustre la Figure 2-39, la plupart des maillages bruités utilisés pour valider ces méthodes proviennent des modèles initialement lisses. Le bruit proprement dit n’est que le résultat du processus de scan (dans le cas des nuages de points), du dispositif d’acquisition (dans le cas des images) ou alors de la perturbation uniforme des nœuds du maillage par injection d’un bruit généralement Gaussien. Plus encore, ces

méthodes donnent des résultats probants sur des modèles à topologie connue et se sont révélées inadéquates pour des modèles fortement bruités comme l’enveloppe du résultat brut de l’optimisation topologique [11]. En effet, comme le montre la Figure 2-40a, l’irrégularité de cette enveloppe résulte du processus de suppression ou de la désactivation de certains éléments du modèle afin de respecter les contraintes de conception. L’appellation de bruit utilisée pour qualifier cette enveloppe est un abus de langage, quoique très ressemblant à vue d’œil. En plus, la forme optimisée n’étant pas connue d’avance, les arêtes saillantes sont à détecter puis à conserver lorsqu’elles existent dans la solution optimisée, ou à créer durant le processus de lissage afin d’en faciliter la reconstruction. Ceci déjà justifie la nécessité d’une nouvelle méthode adaptée aux résultats d’optimisation et, en même temps, rend cet exercice complexe. De fait, tandis que d’un côté l’application sur un résultat optimisé par la méthode SIMP du lissage Laplacien provoque une perte généralisée des arêtes saillantes et une réduction drastique du volume (Figure 2-40b), de l’autre côté un lissage qui conserve les détails fins (ou en anglais features) comme les arêtes vives tout en lissant les zones irrégulières (exemple de celui de Chen et al. [98]) peut résulter en une triangulation non conforme ou en anglais overlapping triangles (Figure 2-40c). La recherche reste ouverte quant à la conception d’une méthode ou méthodologie de lissage adaptée à l’enveloppe irrégulière de la forme optimisée d’un résultat d’optimisation topologique.

Figure 2-40 : Enveloppe du modèle optimisé (a) à la fin de la SIMP et après 20 itérations du lissage, (b) Laplacien et (c) de Chen et al. [98].