• Aucun résultat trouvé

programmes CIGESMED et DEVOTES

2. Méthodes d’intercalibration, de cartographie et d’analyses d’images

2.1 Méthodes d’inter-calibration

Plusieurs méthodes d’échantillonnage photographique et de traitement d’images ont été testées afin de sélectionner selon les conditions la méthode la plus efficace pour mieux appréhender la variabilité d’un certain nombre de mesures ou de facteurs contextuels. Mesurer la variabilité induite par le choix de telle ou telle méthode ou matériel dans un contexte mieux défini permet de mieux cerner l’efficacité de chaque combinaison expérimentale, à condition de pouvoir faire des comparaisons en ne modifiant qu’un seul de ces facteurs.

Les quadrats photo63 sont des photographies délimitées par un cadre (le quadrat) dont la

dimension est fixée. Ils doivent permettre de mesurer un ensemble de paramètres biotiques plus finement que les relevés de profils qui sont présentés dans le protocole de cartographie (Chapitre 2 partie 2.2). Ces paramètres sont les occurrences, les abondances, les taux de recouvrement, les fréquences relatives ou dominances, la taille ou la surface de chaque individu ou de la totalité des individus d’un taxon, le type de limites entre les taxons (par exemple, régulier ou pas), l’homogénéité ou l’hétérogénéité de la mosaïque créée par le recouvrement de différents taxons.

La variabilité de ces paramètres dépend :

- Des conditions naturelles, variant dans le temps (saisonnières, annuelles ou plus longues : les espèces saisonnières64 doivent notamment être identifiées),

- D’une possible prédation / broutage des organismes fixés

- Des conditions physiques lors de la mesure (qui sont des variables de contexte)

- De l’observateur (pratique de la plongée, photographie sous-marine, condition et capacités physiques),

- Des conditions et du matériel utilisé pour ces observations (lampes et flash, appareils photos et objectifs, type et taille des cadres),

- Des connaissances et du niveau de pratique de l’opérateur, - Des qualités des logiciels et techniques que celui-ci utilisera,

- Et des pressions anthropiques (qui sont aussi des variables de contexte).

Cette phase d'inter-calibration des méthodes / du matériel / des opérateurs est testée de manière itérative, permettant de corriger ou d’améliorer les process afin de les rendre moins coûteux ou plus efficaces. L’inter-calibration a été réalisée pour évaluer la variabilité due à

63 Photographie prise à travers le quadrat, délimitant une aire précise. Unité d’échantillonnage

photographique.

64 Espèce qui ne perdure pas pendant toutes les saisons et donc dont la présence sur un site ou un

transect peut être ignorée, si la fréquence d’observation pour la prendre en compte n’est pas assez forte.

chacun des paramètres expérimentaux précités, en comparant autant que possible la sensibilité de chaque paramètre (avec la difficulté de n’en faire varier qu’un seul à la fois, ce que n’est jamais exactement le cas). Il permet de savoir dans quelles situations les résultats obtenus par différents protocoles sous-marins sont comparables. En outre, cette phase de test aide à sélectionner le meilleur protocole à appliquer (le plus simple et le plus fiable) en fonction d’autres paramètres (il y a donc une efficacité contextuelle), comme par exemple les types d'habitats ou de faciès coralligènes considérés. Cette étape est nécessaire avant l'étude de la variabilité naturelle inter-sites ou intra-sites, surtout lorsque, et c’est inévitable à large échelle, les moyens matériels et humains diffèrent. À ce jour, trois variables ont été étudiées : la méthode d'échantillonnage, la qualité de la caméra et le niveau de connaissance des opérateurs chargés d'identifier les espèces.

Méthode de choix des variables mesurables et les modalités qu’elles peuvent

prendre

Dans le cadre du programme CIGESMED, le choix et la définition des variables mesurables et à tester lors des protocoles ont été élaborés lors des différents séminaires qui ont jalonné son déroulement. Après avoir listé l’ensemble des descripteurs possibles, plusieurs ateliers ont été organisés à cet effet avec les partenaires des différents pays. Il a été demandé en premier lieu à chaque participant de proposer des modalités possibles pour chacun des descripteurs avec un formulaire en ligne65, puis d’effectuer un choix entre les propositions

lorsqu’il y avait divergence d’opinion. Pour chaque terme, la définition a ensuite été améliorée pour tenir compte des modalités fixées.

Méthode d’étude de la variabilité due à l’échantillonnage

Les sites étudiés sont situés dans la baie de Marseille. Ce sont des transects de 10 mètres de long à 28 mètres de profondeur. Les habitats coralligènes choisis sont des parois dominées par Paramuricea clavata – la gorgone rouge (Figure 12_1), comportant différentes densités, des anfractuosités de petites à larges, et une grande richesse d'espèces.

Le protocole demande aux plongeurs de faire des quadrats photo à l'aide d'un cadre de 50 cm sur 50 cm (Figure 12_2).

Figure12_1 : Paramuricea clavata – la gorgone rouge © F. Zuberer

Figure 13 : Des comparaisons ont été faites avec les deux cadres 25 cm sur 25 cm (A) et 50 cm sur 50 cm (B), l’appareil photo professionnel Nikon D300s, avec l’appui de 2 phares de 600 lumens sur bras articulés (C), et la caméra “GoPro hero 3 black” deux bras articulés équipés de phares sola 600 light and motion (D). D’autres tests ont été faits avec deux intensités lumineuses différentes (50% en E et 100% en F avec la GoPro).

Les photos sont prises avec une caméra “GoPro hero 3 black” fixe sur un cadre comportant des pieds espacés de 50 cm, et deux bras articulés équipés de phares sola 600 light and motion (Lumens : Haute-600, Med-450, 300 faible).

Des tests ont aussi été effectués (voir figure 13) soit avec des quadrats plus petits de 25 cm sur 25 cm, soit avec un appareil photo professionnel Nikon D300s, avec l’appui de deux phares puis d’un seul, en lumière maximale (600 lumens) puis de plus faible intensité (300 lumens).

Deux méthodes d'échantillonnage ont été comparées : (i) transect linéaire permanent et (ii) transect de patchs aléatoires. Pour comparer les méthodes d'échantillonnage, 20 quadrats photo réalisés sur un transect permanent ont été comparés à 18 (ou 27) quadrats photo (2 patchs minimum, 3 patchs si possible) effectués avec la méthode des patchs aléatoires. La mise en œuvre de la “méthode (i)” a consisté à ce que le plongeur commence à partir d'un point permanent et réalise 20 photos-quadrats de manière continue sur le transect de 10 mètres de long, suivant une ligne horizontale virtuelle à profondeur “constante” (Figure 14).

Figure 14 : marge d'erreur de trajectoire des plongeurs sur les transects linéaires

La mise en oeuvre de la “méthode (ii)” consistait à créer des patchs de 9 quadrats photo placés de façon aléatoire, à une profondeur constante. Pour faire un patch, le plongeur place un cadre marquant le centre du patch. Ensuite, il fait les quadrats photo autour du cadre en commençant par le coin inférieur gauche, et en finissant par le coin supérieur droit. Il devrait dessiner un patch de 3 par quadrats photo, comme l'illustre la figure 15.

Figure 15 - Les deux types de transects testés. Transect linéaire (a) : 20 quadrats photo sont effectués à une profondeur donnée, localisés par des marques permanentes. Transect de patchs aléatoires (b) : 3 groupes de 9 quadrats photo sont pris, suivant le schéma des nombres indiqués de 1 à 9, plusieurs fois à la même profondeur.

Méthode d’étude de la variabilité due à l’observateur

La variabilité observateur a été étudiée sur plusieurs opérations en plongée. Les méthodes n’étant pas prédéfinies dans nos protocoles, nous avons défini des objectifs de mesures de différents paramètres puis testé différentes méthodes de mises en oeuvre pour chacun de ces objectifs pour estimer l’impact de la variabilité entre observateurs. Sur l’ensemble des variables choisies et définies en séminaire, un sous-ensemble a été testé par plusieurs observateurs en plongée. Les modalités de ces variables ont été adoptées lorsque, sur les mêmes transects, les observateurs donnaient une même valeur à la variable. Les contraintes de temps et la difficulté d’une mesure nécessitant un entraînement ont aussi été intégrées pour permettre une appropriation plus rapide du protocole.

Pour chacun de ces paramètres, plusieurs observateurs faisaient donc la même mesure au même endroit, afin de tenir compte de l’influence des contextes des mesures sur cette variabilité inter-opérateurs (température et donc froid pour le plongeur, profondeur et donc possible narcose, pente de la paroi et donc difficulté ou non à se stabiliser, courant et donc fatigue et moindre efficacité de l’observateur). L'entraînement et l’expérience du plongeur ont aussi été pris en compte : l’objectif était de savoir si la variabilité d’un paramètre détectée entre deux plongées et/ou deux plongeurs devenait négligeable ou restait importante avec

l'entraînement. Si celle-ci devenait négligeable, l'entraînement à recommander pouvait être pris en compte dans le choix de la méthode de mesure du paramètre.

Les paramètres testés sont les parcours de distance, les relevés de recouvrement (fréquence des taxons les plus présents), la pente du substrat, l’orientation de la paroi, la rugosité, la profondeur, la lumière, et la qualité des quadrats photographiques.

Pour chacun des paramètres, la variabilité entre observateurs était qualifiée comme meilleure ou moins bonne que pour les autres méthodes de mesure de ce paramètre (ratio d’images exploitables ou non exploitables par exemple), et a permis de choisir les méthodes à appliquer dans le protocole. Le temps nécessaire pour chaque action a également été pris en compte pour définir chaque action à mettre en œuvre dans le cadre des protocoles CIGESMED. Lorsque pour certains paramètres, des biais dus à la méthode mise en œuvre ont été découverts (estimation d’abondance mal reproduite entre plongeurs par exemple), une autre itération de tests a été effectuée.

Méthode d’étude de la variabilité due à l’opérateur

Les images ont été analysées par les opérateurs utilisant le logiciel Photoquad (Trygonis et Sini, 2012). Cent points66 ont été distribués selon la méthode de la randomisation stratifiée

(l’image est divisée en 100 carrés, puis les points sont placés aléatoirement dans chaque carré). Ensuite, l'opérateur a attribué chaque point à une catégorie et une sous-catégorie parmi ces trois : (i) taxons supérieurs (tels que le phylum), (ii) abiotiques, (iii) indéterminés. Dans la première catégorie (i), les sous-catégories sont des taxons inférieurs (comme le gène ou l'espèce). La deuxième catégorie (ii) est subdivisée en quatre sous-catégories : sédiments, roches nues, débris organiques ou débris. Dans le troisième (iii), il existe trois sous-catégories : image floue, ombre / trou et taxon non identifié.

Focus sur PhotoQuad

PhotoQuad est un logiciel d’analyse d’image qui permet de superposer un calque aussi appelé « layer » à la photo (Figure 16). Ce calque permet d’attribuer des valeurs (aussi appelés attributs) à des points, segments ou zones de la photo à la manière d’un logiciel SIG. Les zones peuvent être créées manuellement ou par différents types de détection des formes, des couleurs et des textures contenues dans la photo. Les points, dont le nombre est fixé par le protocole d’échantillonnage, sont générés et répartis soit de manière uniforme, soit de manière totalement aléatoire soit aléatoires stratifiées sur un calque placé sur une image.

Figure 16 : Logiciel Photoquad (Trygonis et Sini, 2012) : celui-ci permet de superposer une couche d’information sur la photo, en y détourant les formes ou en répartissant des points et/ou des cellules. L’opérateur choisit alors d’attribuer à ces différents objets une valeur (le plus souvent un nom de taxon) prédéfinie dans une “librairie”. Au cours de l’analyse, l’opérateur peut enrichir sa librairie avec noms de taxons supplémentaires. Ce logiciel a été choisi car il posséde pour les objectifs des programmes CIGESMED et DEVOTES plus de qualités que ces concurents (souplesse d’utilisation, gratuité, nombre d’options d’analyse)

Le logiciel permet ensuite d’assigner des noms (espèces, genres, familles, phylums dans le cadre de nos travaux) à ces zones ou à ces points. Pour les protocoles utilisés dans le cadre de cette thèse, c’est la méthode des points aléatoires stratifiés qui est utilisée.

Les quadrats photo doivent bien entendu présenter une échelle, calibrée à partir d’un objet de longueur connue lors de la prise de la photo. L’objectif de ces protocoles est d’estimer la densité de points / la surface relative des différents taxons.

La détermination taxonomique se fait uniquement de manière visuelle, sans manipulation de spécimen. Les critères permettant l’identification au niveau de l’espèce ou au moins du genre étant la plupart du temps invisibles sur les photos, l’identification se fait au niveau taxonomique le plus bas possible avec les critères visuels uniquement extérieurs (Figure 17).

En fonction des connaissances sur les présences ou absences d’espèces dans les différentes mers régionales, ces niveaux taxonomiques peuvent donc être différents d’une mer à l’autre.

Figure 17 : Traitement d’une photo sur Photoquad : délimitation en rouge de la zone à analyser avec les points répartis de manière “aléatoire stratifiée” et matérialisés par des croix vertes. L’opérateur clique droit sur chaque croix et lui assigne le nom du taxon placé sous le centre de la croix ou bien une catégorie comme “indéterminé” ou “non vivant” choisie dans la “Librairie”. La zone maximale étudiée (figurée par le trait rouge) est limitée par les 4 coins du quadrats, dont sont retirées les espaces non exploitables (zones mal éclairées, trous, etc.). En bas à droite on aperçoit le cadre de positionnement67 autour duquel seront positionnées 8 photos (la neuvième

étant effectuée dans le cadre).

67 Cadre permettant de positionner 9 photographies avec une variabilité minimisée et à partir d’un

Méthode d’étude de la variabilité due au système d’observation

La technologie évolue et les instruments, qui ont une durée de vie beaucoup plus faible en mer, sont amenés à être régulièrement changés. Leur inter-calibration à chaque remplacement est indispensable. Les données montrent parfois uniquement les variations dues simplement aux changements de technologie.

Pour comparer les deux appareils photo, deux ensembles de 8 quadrats photo effectués sur un transect permanent au même endroit ont été utilisés. L'un a été fait avec la caméra de qualité moyenne, et l'autre avec la caméra de haute qualité. Mais comme les images n'ont pas été prises au même moment, l'espèce Paramuricea clavata a perturbé les observations car elle avait ses polypes étalés ou non, selon l'ensemble. Afin de nous affranchir de cette perturbation, toutes les observations de Paramuricea clavata ont été retirées des deux ensembles.