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cartographie du coralligène

4. Discussions et perspectives concernant l’efficacité des outils, méthodes et protocoles

4.1 Discussion concernant l’intercalibration

L’intercalibration des observateurs en plongée

Concernant les observateurs en plongée, la formation taxonomique et la pratique de plongées sur cet habitat se sont révélées cruciales pour que les plongées soient réussies. Certains plongeurs scientifiques ont parfois aussi des problèmes de vision qui peuvent empêcher une bonne mise au point ou une erreur de reconnaissance lors d’un prélèvement. Mais au-delà de ces facteurs relevant de la compétence, d’autres aspects sont à prendre en considération.

Dans notre cas, au-delà de ces évidences, d’autres difficultés peuvent être amplifiées par l’utilisation à large échelle du protocole.

Lors des tests des différents protocoles, il s’est avéré que l’expérience des plongeurs d’une part, et leur entraînement d’autre part (et leur habitude à travailler ensemble) pouvaient influencer l’exploitabilité des quadrats. Quelques erreurs comme ne pas être bien perpendiculaire aux parois, ou prendre une image au moment où l’autre partenaire souffle son air peuvent rendre une grande partie de l’image non utilisable. D'autres sets de photos ont dû être écartés lorsque l’endroit choisi était trop dense en gorgones déployées. Lors de la manipulation d’un quadrat, certaines limites notamment la complexité du milieu engendrent certaines contraintes. La répartition qui est dite « aléatoire » des sets de quadrats doit se faire dans certaines zones de terrain permettant le placement correct de l’ensemble du set et ainsi permettre l’exploitation des données (autre exemple, si on place le quadrat central trop près d’un bord de paroi, il y aura impossibilité à placer les 9 quadrats). Ce discernement peut être mis à mal par la narcose, ou la fatigue liée à la présence d’un courant plus important, surtout lorsque l’on doit amener le quadrat sur le site en partant d’un peu loin (quadrat qui représente une résistance au courant à laquelle il faut s'habituer).

Dynamiques et efficacité de l’inter-calibration

L'évaluation et l’inter-calibration concernent l'analyse des assemblages benthiques coralligènes par observation directe, enquêtes photographiques / vidéo (directement influencées par les compétences et l'expérience des opérateurs). Ces approches, qui ont l’avantage d’être en principe non destructrices, permettent d'étudier les caractéristiques démographiques de base des principales populations d'espèces associées, en ayant pour objectif de détecter dans leur variation les perturbations et les menaces et de corréler ces variations avec d’autres facteurs biotiques (comme la présence d’espèces exotiques et/ou invasives) et abiotiques affectant les habitats coralligènes. Cela nécessite de comprendre l'effet de chaque facteur sur la variabilité des données.

Cette phase de caractérisation des sites par quadrats photo n’a été réalisée que dans la région de Marseille. Idéalement, elle devrait être reproduite dans d’autres localités et sur d’autres observateurs/opérateurs.

La qualité de l'ensemble de données « quadrats photo » souffre de la difficulté d'isoler correctement chaque variable étudiée. Ceci est principalement dû à la complexité des opérations sous-marines, mais cette inter-calibration peut être améliorée par le gain d'expérience.

L'étude des deux méthodes d'échantillonnage (transects linéaires ou aléatoires) montre que les observations effectuées au niveau d'identification d'un phylum sont comparables si elles sont effectuées selon l'une ou l'autre méthode, à part pour le groupe Porifera. Les espèces

de ce phylum sont difficiles à identifier dans le milieu, et globalement peu connues (avec une disponibilité faible des spécialistes). Néanmoins, ce sont des taxons abondants et d’une grande diversité ; ce groupe nécessiterait des tests d'inter-calibration plus poussés, car d’avis de spécialistes, même avec ce groupe difficile, des progrès (même in situ) sont tout à fait envisageables.

Dans l’état actuel de l’expérimentation, pour comparer les observations de Porifera d'un site à l'autre, il est recommandé de mettre en œuvre la même méthode dans les deux sites, car il est démontré qu'il pourrait y avoir une différence significative de comptes en fonction de la méthode appliquée. Comme la méthode du patch aléatoire est plus facile à exécuter, c’est celle qui a été recommandée dans le cadre du protocole CIGESMED.

En ce qui concerne l'effet de la qualité de l’appareil photo sur les observations faites, il a été montré que l’appareil de qualité moyenne est suffisant pour identifier autant de taxons différents que la caméra de haute qualité. La différence entre les deux est observée pour les espèces difficiles à différencier au niveau du genre. En effet, l’appareil photo de haute résolution permet d’identifier un niveau taxonomique plus précis pour certains individus qui étaient indéterminés ou moins précis avec la caméra de résolution moins bonne (en passant de la famille au genre, ou du genre à l’espèce par exemple, grâce aux critères d’identification qui peuvent ainsi devenir visibles). Étant donné que l’appareil photo de qualité moyenne est plus abordable pour les gestionnaires d'aire marine protégée (5 fois moins cher), cette solution peut être privilégiée par ceux qui ne disposent que de petits budgets.

L’inter-calibration formatrice

L'étude de l’influence du niveau de connaissances de l'opérateur montre que la discussion entre opérateurs permet aux novices d'améliorer rapidement leur capacité d'identification. La discussion est très efficace au début, puis les opérateurs atteignent une étape pendant laquelle aucun ou très peu de progrès sont observables et nécessitent une formation appropriée pour progresser, si une identification plus précise est nécessaire c’est-à-dire si elle est possible et utile dans le cadre des futures analyses.

Ces résultats prometteurs sont à renforcer en augmentant le nombre d'opérateurs participant. Le travail serait à prolonger avec des moyens d’envergure et sur le long terme, avec de nombreuses itérations et ajustements.

Inter-calibration, un défi dépendant de nombreux facteurs humains

Une difficulté généralement mal prise en compte est le facteur humain. L'objectif de cette étude de l’inter-calibration de méthodes opérationnelles en écologie est d'améliorer la fiabilité des connaissances sur la dynamique des habitats coralligènes et d'améliorer leur gestion en créant des protocoles et des outils reproductibles, à coût raisonnable.

Ce travail permet de mieux comprendre l'importance du niveau de compétence et de formation des opérateurs, de connaître l’impact du type de méthodologie d'échantillonnage employée et de comparer l’efficacité de la description de chaque méthode tout en améliorant l’accessibilité des informations et la facilité de mise en œuvre des protocoles.

Ces facteurs d’amélioration dépendent autant de la formation et de l’expérience de chacun que de sa culture et de ses motivations. Dans le cadre de CIGESMED, nous avons par exemple très rapidement observé des différences d’interprétations marquantes pour chaque protocole de la part des équipes turques, grecques et françaises. Parfois, celles-ci étaient liées à la langue et l’interprétation de l’anglais, parfois à la difficulté d’avoir une mesure de facteur effective sur un milieu trop différent (il n’y a pas de gorgones à 30 m en Grèce et en Turquie, les récifs à Corallinaceae y sont beaucoup moins denses et continus), et parfois encore aux habitudes déjà prises par les différentes équipes, qui résistent souvent à un changement dont elles ne comprennent pas la raison (par exemple, chacun souhaite garder son système de mesure expérimenté antérieurement pour avoir une comparabilité de ses propres données antérieures avec le programme innovant construit de manière commune).