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3.2 Méthodes formelles pour les systèmes biologiques

3.2.4 Méthodes formelles pour les neurosciences

Il existe très peu d'applications des méthodes formelles aux neurosciences. On peut tout de même citer les travaux récents de Franck Grammont, et. al qui sont pertinents pour ce domaine d'application.

Vérication de propriétés d'archétypes

Dans l'article [De Maria et al., 2016], les auteurs présentent une version discrète du modèle Leaky Integrate-and-Fire (Section 3.1). Nous adopterons une approche similaire dans le chapitre 7.

Dans la version classique du Leaky Integrate-and-Fire, les états et le temps sont potentielle- ment innis. Le potentiel de membrane p, à un temps t ∈ [0, +∞], intègre les entrées reçues à cet instant, ainsi que ce qui reste des entrées reçues dans le passé (atténuées par la fuite). Le calcul du potentiel de membrane peut donc être approximé par l'expression suivante :

p(t) = +∞ X e=0 m X j=1 rexj(t − e)

où e ∈ IR+ ∪ +∞ représente le temps écoulé depuis l'émission du dernier spike par le

neurone d'intérêt, r est le  coecient de reste  et les xj sont les entrées. Pour des raisons

de simplicité, tous les poids synaptiques sont supposés égaux à 1.

Puisque l'eet des entrées décroit selon une loi de puissance avec le temps, ils admettent que les entrées reçues depuis un temps susamment long peuvent être négligées. Ils dénissent donc une fenêtre temporelle d'intégration σ qui dépend d'un seuil d'erreur arbitraire . Ainsi, plus  est grand et plus σ est petit. Le temps duquel dépend le potentiel n'est alors plus inni, mais borné à [t − σ, t]. En discrétisant le temps, le potentiel peut être déni par une simple somme : p(t) = σ X e=0 re m X j=1 xj(t − e)

Chaque temps t peut alors être considéré comme une transition et le calcul du potentiel dépend dorénavant d'une mémoire nie.

La version discrète du Leaky Integrate-and-Fire, caractérisée par uniquement 3 paramètres (le coecient de reste, la fenêtre d'intégration et le seuil d'activation), peut alors être faci- lement implémentée en Lustre.

Figure 3.9  Les archétypes sont des graphes constitués de quelques neurones, ayant un compor- tement d'intérêt. Ces petits graphes peuvent être concaténés de diérentes façons pour former de plus gros circuits. La série simple (a) est une séquence de neurones en chaîne, la série à sorties multiples (b) est une série dans laquelle la sortie de chaque neurone est considérée, la composition parallèle (c) est un ensemble de neurones recevant comme entrées la sortie d'un neurone commun, la boucle négative (d) contient deux neurones dont l'un qui active l'autre qui lui-même inhibe le premier neurone en retour, l'inhibition de comportement (e) consiste en un neurone inhibé par un autre et l'inhibition controlatérale (f) est constituée de neurones qui s'inhibent mutuellement. Figure extraite de [De Maria et al., 2016].

lesquels ils ont vérié des propriétés par model checking (Figure 3.9). Ces petits circuits constituent l'un des éléments de base d'une théorie de l'organisation et du développement du système nerveux, développée par Franck Grammont. Ils représentent des archétypes c'est- à-dire des graphes constitués de quelques neurones, ayant une structure et un comportement d'intérêt sur le plan neurophysiologique. Il s'agit de comprendre quels sont les comporte- ments élémentaires permis par de petits circuits de neurones (archétypes) que l'on peut retrouver au niveau des structures nerveuses les plus primitives sur le plan phylogénétique (moelle épinière, tronc cérébral...). Ces archétypes peuvent également être combinés pour dupliquer les fonctions ou, au contraire, pour former des circuits et des fonctions plus com- plexes. Les propriétés de ces archétypes ont également un intérêt sur le plan computationnel, informatique ou électronique. Ces propriétés peuvent par exemple être exploitées dans une perspective de réduction de réseaux : sur la série simple (Figure 3.9), ils ont montré de manière automatique que deux séries de longueurs diérentes et ayant des paramètres dif- férents peuvent avoir le même comportement, quelle que soit l'entrée. Avec des paramètres adaptés (seuil d'activation et poids synaptiques), il est notamment possible de réduire une série constituée de 4 neurones à une série de 3, en conservant le même comportement.

Modélisation de neurones par automates temporisés

Dans l'article [De Maria et al., 2017], les auteurs proposent une formalisation du modèle Leaky Integrate-and-Fire (Section 3.1) par automate temporisé [Alur and Dill, 1994]. Les automates temporisés constituent un puissant outil théorique particulièrement adapté à la modélisation et à la vérication de systèmes temps réels. De manière simpliée, un automate temporisé est un graphe orienté muni d'un ensemble d'horloges qui avancent toutes au même rythme. Les n÷uds (ou états) du graphe sont associés à des invariants qui constituent les conditions pour rester ou entrer dans l'état. Les arcs sont équipés de gardes qui imposent principalement des contraintes sur les horloges pour passer d'un état à un autre. Il est possible de synchroniser plusieurs automates temporisés pour qu'ils fonctionnent en parallèle.

Les auteurs dénissent un neurone comme un automate temporisé à 3 états (Figure 3.10).

• A (pour Accumulation) est un état dans lequel le neurone intègre les entrées qu'il

reçoit. Le neurone reste dans cet état tant que le temps t ne dépasse pas une période d'accumulation donnée T . Pendant ce temps, lorsque le neurone reçoit des spikes, il stocke dans une variable a la valeur de la somme pondérée de ces entrées à ajouter à son potentiel p.

• D(pour Decision) est l'état dans lequel passe le neurone lorsque t est supérieur à T .

Le coecient de fuite est appliqué à la valeur du potentiel et la valeur de a est ajoutée pour prendre en compte les entrées reçues lors de la précédente période d'accumulation. Dans cet état, le temps ne s'écoule pas. Le neurone peut alors retourner dans l'état A ou passer dans l'état W si le potentiel atteint le seuil.

• W (pour Wait) est l'état dans lequel se trouve le neurone en période réfractaire (de

durée τ). En entrant dans cet état, le neurone émet un spike et attend. Il peut ensuite retourner dans l'état A, réinitialisant p, a et t.

Figure 3.10  Automate temporisé pour modéliser un neurone de type Leaky Integrate and Fire. La garde G est relative à l'horloge, la garde S est relative aux spikes et la garde U concerne le potentiel. La variable t est le temps qui s'écoule, T est la période d'accumulation, les i représentent les entrées du neurone, a est une variable de stockage, p est la valeur du potentiel, λ est le coe- cient de fuite, θ est la valeur du seuil et τ est la durée de la période réfractaire. Figure extraite de [De Maria et al., 2017].

Les auteurs ont utilisé l'outil Uppaal [uppaal, 2015] pour analyser ce modèle. Uppaal est un environnement intégré qui permet notamment de vérier des propriétés par model che- cking. Grâce à cet outil, ils ont montré de manière automatique que leur automate temporisé préserve les comportements typiques du modèle Leaky Integrate-and-Fire dénis par Izhi- kevich [Izhikevich, 2004].